Gilles Paris : Au pays des kangourous

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Propos recueillis par Emmanuelle de Boysson – bscnews.fr / Après « Papa et maman sont morts » (Le Seuil) et «Autobiographie d’une Courgette » (Plon), Gilles Paris nous offre un troisième roman sur l’enfance. Simon a neuf ans. Il vit avec son père, Paul, écrivain, et sa mère, Carole, femme d’affaires, souvent absente. Lorsque Paul est interné pour dépression, Simon est accueilli par Lola, sa grand-mère fantasque, adepte de spiritisme avec ses amies les sorcières. Dans les couloirs de l’hôpital, Simon rencontre Lily, jeune autiste qui l’aidera à garder sa joie de vivre. Jusqu’au jour où l’enfant découvrira un lourd secret. Un merveilleux roman à l’émotion rieuse. Juste, magique, bouleversant, parsemé de rêves. On s’attache à chacun des personnages, comme à sa propre famille. Un message d’espoir.

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Comment vous est venue l’idée de ce troisième roman sur l’enfance ? Est-il en partie inspiré de certains éléments de votre vie ?
Gilles Paris : J’ai traversé trois dépressions, toutes vécues par le prisme d’une hospitalisation de longue durée. J’avais envie d’en parler, mais à travers les yeux et les mots d’un enfant de neuf ans afin de dédramatiser toutes les situations et faire sourire d’une maladie qui fait souvent peur, comme la plupart des choses qu’on ignore ou sur lesquelles on peut avoir un rejet naturel.

Comment avez-vous procédé pour vous mettre dans la peau d’un garçon de neuf ans, pour trouver les mots, les sensations ? Avez-vous fait appel à vos souvenirs ? A votre sens de l’observation ?
J’écris comme un enfant de neuf ans… depuis l’âge de douze ans ! Ne me demandez pas d’écrire comme un adulte, je ne sais pas. L’insatiable curiosité de l’enfance, sa naïveté (très belle qualité à mes yeux), la poésie de son langage et la distance qu’offre cette langue face aux drames m’a toujours subjugué. Raconter des histoires tristes et faire sourire ou rire sans jamais s’en moquer est, pour moi, la meilleure façon de les faire accepter dans l’inconscient du lecteur qui forcément a connu à un moment donné de sa vie un passage à vide. J’aime aussi beaucoup les happy-end qui s’achèvent comme des contes de fée, une sorte de feu d’artifice d’émotions qui me submergent quand je les écris. J’aurais presque les larmes aux yeux. Des larmes que je veux partager dans le rire et le soulagement.

Les rôles des parents s’inversent, Paul s’occupe de la maison, de Simon, Carole travaille, s’éloigne. Avez-vous voulu montrer ces nouveaux pères, tendres et aimants ?
Oui tout à fait, j’aime ces pères qui prennent le temps de s’occuper de leurs enfants qu’ils aiment par-dessus-tout. Paul écrit pour les autres, il n’a aucune ambition littéraire. Ce qui compte pour lui, c’est son fils unique, Simon, avec lequel il peut passer le plus de temps possible, faire la grasse matinée avec lui les week-ends, « faire légume » comme il aime à dire.

Carole, femme d’affaires, ne sait pas aimer son fils. Pour quelles raisons ? Etes-vous sensible à la difficulté d’être parent ?
Carole a perdu ses parents très tôt. Ses grands-parents l’ont élevée dans la douleur et ont effacé toute affection dans leur rapport. Le bonheur n’existe pas, seul le travail compte. Carole est devenue une femme d’affaire accomplie, mais elle est infirme aux sentiments. Elle ne sait pas embrasser son fils, ni le prendre dans ses bras. Pourtant elle est fière de l’emmener dans les magasins qu’elle fréquente quand elle est à Paris. A travers le personnage de Carole, j’avais envie de dire simplement qu’on ne peut pas tout réussir dans une vie quand on est une acharnée du travail, quoi qu’on nous dise !

Comment Paul vit-il sa dépression ? Que ressent-il face à ce qui lui échappe, ce sentiment d’impuissance ?
Paul, face à la dépression, est comme tous les malades qui en sont atteints. En acceptant l’hospitalisation, il reconnaît sa maladie. Il saura écouter les autres malades, ceux qui l’aideront à remonter la pente. Un lourd secret l’empêche toutefois de progresser réellement ; sa vie repose sur un mensonge. Sa tentative de suicide est un geste très désespéré que le lecteur acceptera sans doute mieux ensuite au moment du secret révélé. Et Paul saura se prendre en main, aidé par la natation et le personnage de Lily.

Simon souffre pour son père, l’entoure d’affection. Se sent-il responsable de ce père malade ?
Simon est comme beaucoup d’autres enfants. La notion de culpabilité est très forte en lui. Il se pose en effet beaucoup de question sur l’étrange maladie de son père qu’il ne comprend pas. Seule Lily lui apportera au fond le réconfort et la déculpabilisation face à ses doutes.

Avez-vous fait beaucoup de recherches pour raconter l’autisme de Lily?
J’ai lu en effet certains témoignages dont celui bouleversant de Judy et Sean Barron Moi l’enfant autiste ! (Plon). J’avais besoin d’une enfant « adulte » capable d’expliquer à Simon les maux dont souffre son père. Certains enfants autistes ont cette intelligence aigüe, et leurs symptômes me paraissaient justes pour le personnage de Lily, étrange fée, ange gardien des malades qui saura sauver Simon et son père.

La dépression, la tentative de suicide, les hôpitaux, la mésentente de ses parents, le drame : Paul n’est pas épargné. Sa grand-mère, les sorcières et Lily l’aident à surmonter cette épreuve. Avez-vous voulu dire que l’amour et la magie sauvent ?
L’amour sauve de tout, j’en suis la preuve vivante ! Qu’est-on sans amour ? Rien ! Quant à la magie, elle doit faire partie de nos quotidiens. Quoi de plus beau au réveil que de dire : « Chouette, une nouvelle journée qui commence ! »

Croyez-vous au pouvoir des rêves qui sont, comme dit Freud, une manière de satisfaire ses désirs ?
Quand j’étais en terminale, mon professeur de philo me faisait noter mes rêves au réveil. Nous en discutions après les classes. J’en ai gardé l’habitude. Les rêves de Simon dans le roman sont très oniriques. Ils anticipent l’histoire et son destin. Ils sont le Simon adulte qu’il deviendra un jour. Les rêves, c’est aussi la magie de nos réveils quand on s’en souvient ! Et puis quoi de plus délicieux parfois de fermer les yeux, et d’imaginer le meilleur pour soi ?

«Au pays des kangourous»
Gilles Paris
Editions Don Quichotte

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