Peggy Sue : le son puissant d’Acrobats

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Par Eddie Williamson – bscnews.fr / Peggy Sue est un trio de Brighton, en Angleterre, dont Acrobats est le second album. Ce sont deux filles, Rosa Rex et Katy Klaw, au chant et aux guitares, et un mec, Olly Joice, à la batterie. Le groupe a émergé fin des années 2000 au même moment que ce que les médias anglais ont baptisé la « West London folk scene », à laquelle sont associés les Mumford & Sons, Laura Marling, Noah and the Whale et compagnie.

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Avec Acrobats, Peggy Sue se détache clairement de cette mouvance indie-folk, en adoptant un son bien plus puissant, boosté par les guitares électriques que les filles avaient jusqu’alors peu utilisées. Sans rien perdre de ce qui fait leur charme et l’intérêt de leur musique, elles ont réussi la transition de l’acoustique à l’électrique avec succès, ce qui n’était pas gagné.

Je ne vais pas vous faire tout un fromage à chaque fois qu’un groupe labellisé « folk » passe au « folk-rock », on est plus en 1965 où Dylan avait fait trembler la planète (<= euphémisme !!!) en s’armant d’une guitare électrique. Mais tout de même, c’est un changement artistique majeur, que Peggy Sue a su prendre avec confiance et talent. Imaginez deux Laura Marling chantant en harmonie, armées de guitares électriques. Ah bah oui, ça a de la gueule.

Je vous avais parlé de ces filles il y a trois ans (putain, trois ans), lors de la sortie de leur premier EP. J’écrivais alors : « profitons de ces derniers moments où l’on peut dire : « Tiens, tu connais Peggy Sue & The Pirates ? Non ? Normal, elles sont pas encore connues, mais crois-moi, elles vont le devenir », et se la péter spécialiste de l’underground musical, etc. » Bon, elles ne sont pas encore ultra-connues, mais ça va venir, on y croit.
Les voix de Rosa et Katy ne se séparent jamais. Même quand l’une fugue quelques instants, l’autre ne se cache jamais bien loin et l’on jurerait l’entendre même quand elle se tait. C’est beau ce que je raconte, non ? Il y a parfois des moments où trop d’harmonies tue l’harmonie, si j’ose dire. Je me dis que sur « Parking Meter Blues » par exemple, l’une ou l’autre aurait pu se la jouer solo que cela aurait mieux servi la chanson. Peut-être que l’une ou l’autre n’ose le demander à l’autre, ou alors il y a déjà eu des arrachages de cheveux et batailles de polochons en pyjama sur le sujet, qui sait.

Je me souviens de commentaires de lecteurs qui se plaignaient de l’absence de mélodies d’un album que j’avais encensé ici, je ne me souviens plus lequel. Il risque de revenir se plaindre, car je ne trouve pas qu’Acrobats brille par ses mélodies. Il y en a, elles sont jolies, mais ce n’est pas ça qui fait de « Cut My Teeth », « Song & Dance » ou « DUMBO » d’excellents morceaux. Si vous m’demandez, je ne saurais même pas vous les siffloter. Ce qui fait le charme de ces morceaux, c’est l’impression d’avoir entendu une histoire, d’avoir lu un petit livre ou d’avoir vu un très court métrage. C’est leur construction, les pauses, les montées en puissance, les mots, les états d’esprit dans lesquels chacun des morceaux de cet album vous mettent, les ambiances, les couleurs.

Pas de mélodies impérissables, donc, mais un album très homogène et électrisant, pour sauter à pieds joints dans le cliché. Plouf. Non que le précédent album manquait de puissance, mais le fait est que lorsqu’elles rajoutent un peu d’électrique, je ne peux m’empêcher de penser que cela leur permet de reproduire plus précisément ce qu’elles ont en tête.

En l’occurrence, et au cas où la pochette de l’album n’est pas suffisamment claire, ce ne sont pas des joyeusetés : « I’m young but I’m too old to cry » (DUMBO), « It’s hard to breathe with these words in my mouth » (Funeral Beat), « When will you learn you will never be first » (Song & Dance), « What you thought was gold was only flesh and bone / So flesh and bone is all you’ll own » (There Always Was).

Vous le savez depuis le temps, les paroles ne sont pas ce à quoi je fais le plus attention, mais cette fois je n’ai pu m’empêcher de retenir ces phrases, preuve s’il en est des qualités de parolières de Rosa et Katy. Elles ont un univers assez étrange et sombre, renforcé par l’utilisation de l’électrique qui leur permet de construire des paysages sonores plus détaillés, plus nuancés et de rendre chacun de leur morceau beaucoup plus puissant. Non que l’acoustique ne vous permette pas de faire cela, mais Katy et Rosa sentaient vraisemblablement que l’électrique allait leur permettre d’élargir leur horizon créatif.

Beaucoup de noms me sont venus à l’esprit en écoutant Acrobats : « Cut My Teeth » me fait penser à une collaboration entre Cat Power et The Pack A.D., la mélodie de « Song and Dance » me rappelle Warpaint, « DUMBO » et « Funeral Beat » ne peuvent que me faire penser à Laura Marling, « Changed and Waiting » me fait penser aux soeurs Pierce. Voilà, je viens de vous citer tous mes groupes féminins préférés. L’album étant produit par John Parish, vous allez peut-être me dire que j’aurais pu citer PJ Harvey, mais franchement ça ne m’a pas semblé plus évident que cela (sauf peut-être sur « All We’ll Keep »). Des filles qui chantent des choses pas très joyeuses armées de guitares électriques, forcément tu penses à PJ Harvey, mais c’est comme l’histoire du passage de l’acoustique à l’électrique, hein, Dylan à Newport c’était en 1965, il est temps de passer à autre chose. Je m’énerve toute seule.

Acrobats est donc pour moi une très grande réussite, ainsi qu’une surprise, car je n’attendais pas de ce groupe une aussi grande maturité. J’ai cité beaucoup d’autres artistes dans cette critique, si vous aimez l’un d’entre eux, vous devriez écouter cet album car il a toutes les chances de vous plaire !

Sorti le 12 septembre 2011 (Wichita Recordings)

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