Hôtel Palestine: entre mensonges d’Etat et états d’âme

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Par Julie Cadilhac bscnews.fr/« We come in Peace » disent les martiens de Mars Attacks en atterrissant sur le sol américain or les bonnes intentions annoncées par les bonhommes verts cachent en vérité un dessein plus sombre…Ainsi les Américains se targuent d’annexer l’Irak pour une noble cause démocratique: en est-il réellement ainsi?

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Le texte de Falk Richter ne donne pas de réponses, il laisse aux spectateurs la liberté de les trouver lui-même et on pourra lui reprocher simplement l’utilisation de quelques clichés trop caricaturaux qui altèrent un peu la force du propos. Le texte de l’auteur allemand est exigeant: sa première moitié nécessite une concentration accrue du fait de la quantité d’informations sur la politique américaine que contient chaque réplique et en cela, il peut assurément freiner un public qui ne chercherait qu’un divertissement au théâtre. Hôtel Palestine est une invitation à réfléchir sur le mode de fonctionnement de nos sociétés occidentales et surtout du point de vue des oppositions saisissantes entre l’Amérique conquérante, vaillante, pleine de foi et l’Europe tournée vers son passé, sceptique ( depuis Kant?) et ressentant de la culpabilité pour chacune de ses actions militaires tandis que la Première Puissance Mondiale n’y voit qu’un devoir citoyen. Où se déroule la pièce? peut-être dans un salon de l’Hôtel Palestine à Bagdad nous dit-on, peut-être le 8 avril 2003. Jean-Claude Fall a choisi, avec Gérard Didier, une scénographie épurée où le sol est recouvert de sable et où l’on distingue ,au fond, un mur, symbole ancestral de la civilisation mais aussi des séparations entre les peuples. « C’est le décor qui nous est apparu comme une évidence et nous avons vu ensuite que le même décor était indiqué dans les didascalies du Das System, autre texte fameux de l’auteur allemand, notre vision était donc justifiée » dit à ce propos le metteur en scène. Sur ce mur, sont régulièrement projetées des phrases du texte comme des titres sur lesquels il faut méditer et des courtes vidéos des évènements liés à la guerre d’Irak. Sur scène, six comédiens tout de noir vêtus s’affrontent en un débat violent d’idées: deux représentants du gouvernement américain alliés à deux représentants de médias complices font front contre les questions impertinentes et incisives de deux journalistes « démocrates ». Si la pièce débute sur un ton extrêmement polémique, si ces êtres sont en confrontation directe, s’ils forment malgré leurs désaccords un sextuor où chaque voix contribue à donner une vision de l’humanité dans ses discordances, sur cette toile du monde, ces six individus sont comme « épinglés » et une forme de solitude règne sur le plateau. Jean-Claude Fall, en choisissant de ne pas faire dialoguer les protagonistes face à face mais côte à côte, en ôtant la possible complicitéhôtel palestinee ( ou fusillade) des regards, isolent les êtres, les confrontent davantage à l’oeil inquisiteur du public. De nombreux monologues laissent à des voix singulières l’occasion de s’épancher et les individualités s’expriment en coups de gueule avec leurs cris de gloire ou leurs désillusions. Devant la réalité des bombes et des intérêts pétroliers, face à une télévision divertissante qui manipule les esprits et souhaite en anéantir tout esprit critique , l’idéaliste Criss se recroqueville, Andy soupire, Ron roule des mécaniques, s’enquiert du moral du président après la mort de son chien Spot , Jody renchérit d’enthousiasme illuminé tandis que Bob et Lynn distribuent à qui veut l’entendre un discours institutionnel pré-mâché et au comble de l’hypocrisie. Le texte de Falk Richter s’inspire du concept du sociologue américain Richard Sennett nommé Fascisme Soft: un fascisme ( capitaliste cependant!) qui, sous le masque de la démocratie, contrôle les médias et exalte le sentiment nationaliste, militariste et policier. L’utilisation d’images génératrices de besoins y affaiblit la citoyenneté réduite à consommer plutôt qu’à réfléchir. Falk Richter dresse un portrait féroce de l’Amérique que nous connaissons peu ( tant nos yeux sont rivés sur New-York) et oublie que l’Amérique est aussi vaste que conservatrice et républicaine; il n’épargne pas non plus l’Europe,frileuse, et nous invite  » à refuser cet »éternel présent » dans lequel le pouvoir prétend nous enfermer » . Une pièce bien menée, des comédiens de qualité et l’occasion de se rappeler que nous avons un pouvoir citoyen qu’il ne faut pas négliger…

Titre: Hôtel Palestine

Texte: Falk Richter

Mise en scène: Jean-Claude Fall

Avec Marc Baylet, Christelle Glize, Patty Hannock, Philippe Hérisson, Vincent Leenhardt, Céline Massol.

Dates de représentation:

Du 15 au 19 novembre 2011 au Théâtre des 13 vents ( Montpellier)

Du 7 au 17 décembre 2011 au Théâtre des Quartiers d’Ivry

Les 29 et 30 mars 2012 à Sortie Ouest ( Béziers)

Du 17 au 28 avril 2012 au Théâtre de Lenche, Marseille

Du 7 au 28 juillet 2012 à 16h20 à Présence Pasteur ( 13, rue du Pont Trouca) au Festival d’Avignon 2012

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