La famille tartuffiée d’Eric Lacascade

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Par Julie Cadilhacbscnews.fr/ Voilà une mise en scène délicieuse tant elle opte à la fois pour une fidélité respectueuse du texte classique et une modernité pertinente dans son interprétation. Traditionnellement, le Tartuffe de Molière est un individu aux simagrées ridicules, une caricature de l’hypocrite dévot dont le spectateur reconnaît sans peine le masque artificiel de la bonté tant il est déformé par la noirceur des intentions.

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Celui d’Eric Lacascade est moins évident à cerner, plus discret dans ses agissements et en est davantage réel et…inquiétant. Au centre de l’intrigue, Eric Lacascade a replacé la famille: une famille d’individus dépassés par les évènements, animés d’une nervosité maladive pour certains, d’une mollesse passive pour d’autres. On rit beaucoup de l’ambiance paranoïaque qui règne dans un décor sur deux niveaux où les portes s’ouvrent et se ferment à l’envi et où  l’on épie à toute heure. Eric Lacascade fait du public le troisième voyeur indiscret en jouant sur les transparences des rideaux, les ombres chinoises que projettent les fenêtres etc…On aime cette scénographie tant elle facilite l’expression de l’effervescence qui règne dans cette maison. Toutes les possibilités du décor sont exploitées: chaque balcon, porte est prétexte à un tableau précis, à une situation: on menace de se jeter d’un balcon, on grimpe et on dévale les escaliers, on passe par une ouverture et on réapparait dans une autre.. Les costumes, ostensiblement simples, de noir et de blanc, sont également efficaces. Ils ceignent chaque corpulence en mettant en valeur les silhouettes singulières et jouent leur rôle de marqueur social par d’infimes détails.

 

La scène d’exposition est remarquable: Laure Werckmann s’empare des accusations violentes de Mme Pernelle,  grenouille de bénitier et mère d’Orgon, avec une énergie enthousiasmante et manipule l’alexandrin avec naturel. Les scènes avec l’impertinente Dorine ( Norah Krief) sont tordantes et chacune de sestartuffee confrontations a des airs de jeux espiègles. Dans cette mise en scène, on jouit d’une rigueur du geste qui semble millimétré et offre l’occasion au rire d’éclater par l’effet cocasse de la répétition. Ainsi la première scène entre Orgon ( Christophe Grégoire) et Marianne ( Millaray Lobos- délicieuse de candeur) est d’une grande drôlerie: de la jupe que l’on rabat au hochement de tête, des déplacements itératifs aux pliages des genoux, le rire naît du mimétisme entre les comédiens qui leur donne des airs un peu timbrés. Jeu de bain, jeu de vilain! Qui a des angoisses, perd sa place! N’est pas vipère qui veut! Orgon a des airs de père de famille irresponsable et ses réactions vis à vis de sa servante, de son frère, de son fils révèle une immaturité inquiétante. Cette crise familiale  est la conséquences dramatique de rapports humains abîmés. Aussi est-on toujours à la limite sensible du rire et de l’inquiétude tant ces protagonistes ont entre eux des rapports ambigües.  Tartuffe n’est pas le responsable mais le révélateur de maux qui sévissaient tapis. Tartuffe ( Eric Lacascade), s’il est dévot, est surtout un homme plein de désir pour Elmire ( leurs deux rencontres sont d’ailleurs fort bien menées: la piété des bougies-cierges et le refus candide de l’épouse d’Orgon lors du premier entretien se lisent en miroir antithétique avec une scène des révélations décoiffante où les instincts débridés de Tartuffe se déchaînent et où les bougies deviennent un instrument de séduction troublant). Tout en retenue élégante (presque vampirisante) tant qu’il n’est pas tenté,  Tartuffe est un personnage qui prend possession de l’espace en en révélant les failles. Amoureux éconduit, sa colère est à la mesure de celle d’un homme bafoué. De là à dire qu’il est une victime! C’est surtout un être de peu de moralité qui a profité des blessures intestines d’êtres qui se détestent autant qu’ils se ressemblent!

Titre: Tartuffe

De Molière

Mise en scène: Eric Lacascade

Collaboration à la mise en scène: Daria Lippi

Scénographie: Emmanuel Clolus

Avec Jérome Bidaux, David Botbol, Arnaud Chéron, Simon Gauchet, Christophe Grégoire, Stéphane E.Jais, Norah Krief, Eric Lacascade, Daria Lippi, Millaray Lobos, Laure Werckmann

Durée: 2h15.

crédits-photo: Mario Del Curto

Toutes les dates en 2011:

Novembre:

15 : Istres (Théâtre de l’Olivier)
17 et 18 :  Sérignan (La Cigalière)
22 : Nevers (  Maison de la culture)
25 et 26 : Tarbes ( Le Parvis)
29 et 30: Clermont-Ferrand (Maison de la culture ( Salle Jean Cocteau) )

le 6 décembre 2011 : Le Théâtre, Scène nationale de Mâcon
le 9 décembre 2011 : Le Rive Gauche, Saint-Etienne-du-Rouvray
du 13 au 15 décembre 2011 : Le Phénix, Scène nationale, Valenciennes
du 4 au 14 janvier 2012 : Théâtre national de Bretagne, Rennes
les 17 et 18 janvier 2012 : Maison de la Culture d’Amiens
du 25 au 27 janvier 2012 : La Coursive, Scène nationale, La Rochelle
le 31 janvier 2012 : Théâtre Jean Vilar à Saint-Quentin
les 3 et 4 février 2012 : Théâtre Musical de Besançon
du 7 au 10 février 2012 : Théâtre de Caen
du 14 au 18 février 2012 : Théâtre de Saint-Quentin en Yvelines
le 21 février 2012 : Théâtre des Salins, Scène nationale, Martigues
du 27 février au 2 mars 2012 : Grand T, Nantes
les 6 et 7 mars 2012 : Théâtre de Cornouaille, Quimper
les 10 et 11 mars 2012 : Schauspielhaus Zürich (Suisse)
les 14 et 15 mars 2012 : Koeninklijke Schouwburg, La Haye (Pays-Bas)
du 20 au 31 mars 2012 : MC2, Grenoble
du 3 au 6 avril 2012 : Comédie de Reims – CDN
les 12 et 13 avril 2012 : Théâtre du Granit, Belfort
le 17 avril 2012 : Théâtre en Dracénie, Draguignan
le 21 avril 2012 : Scène nationale, Evreux
les 24 et 25 avril 2012 : La Passerelle, Saint-Brieuc
du 2 au 4 mai 2012 : Espace Malraux, Chambéry
du 8 au 12 mai 2012 : La Comédie de Genève (Suisse)
les 15 et 16 mai 2012 : Espaces pluriels, Pau

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