Candide de Voltaire, épopée d’un voyage initiatique de Westphalie à Constantinople, à la recherche du temps perdu de l’amour

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Par Philippe Delhumeau – bscnews.fr/ La publication de Candide en 1759 marque un tournant dans l’œuvre de Voltaire, une synthèse personnelle sur le despotisme politique et intellectuel sévissant de par le monde. L’auteur éponyme est âgé au moment où il écrit Candide. Il y dénonce l’arrogance de la théorie de Leibniz, « Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ».

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Voltaire réfute cette idée et l’associe à Pangloss, personnage désinvolte et prétentieux, qui enseigne la métaphysico-théologo-cosmolo-nigologie et défend la pensée de Leibniz.Du siècle des Lumières au XXIème siècle, l’ironie de ce conte philosophique invite à une réflexion factuelle sur la définition de monde meilleur. Une vision irréaliste due à l’émergence idéaliste d’intellectuels peu scrupuleux enclins à fédérer les hommes de l’ombre. Voltaire aurait été décontenancé par la lecture Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley. Il s’imagine parcourant la terre, un voyage où les seules frontières sont la vanité et l’acuité des gouvernants qui imposent une dictature consensuelle et impertinente. Sa pensée suit des courants improbables le conduisant de Berlin à Buenos Aires, de Venise à Constantinople. Voltaire a enfin touché terre, reste à donner vie à Candide et à quelques personnages qui seront l’héritage de sa réflexion murie par les années.

 

L’histoire de Candide est cruelle : pour un baiser donné à Cunégonde, le jeune homme est renvoyé du château de Thunder-ten-tronckh. Candide délaisse la Westphalie et dans sa fuite, il est confronté au conflit bulgare et rencontre les prédicateurs et les Inquisiteurs. Il découvre l’infamie des hommes qui se manifestent par la haine, l’esclavagisme et les atrocités. Dans ses pérégrinations, il est accompagné de son valet, Cacambo, de Martin le manichéen et du philosophe Pangloss. Des escales émaillées de rencontres fortuites enrichissent ses rapports avec l’homme. Il parcourt le monde à la recherche de l’amour perdu, Cunégonde. Un jour, on l’annonce ici, déception, elle n’est plus là. Le lendemain, on l’annonce ailleurs. L’espoir s’accordant avec désolation, Candide optimise à de prochaines retrouvailles. Constantinople, fin du voyage, Cunégonde est enfin retrouvée. Dans la cité turque, Candide réhabilite un autre homme enfoui dans sa conscience. De part ses aventures, il s’est instruit et a surtout appris à poser son regard sur le monde environnant. Toutes ces expériences l’ont conduit à la sagesse et donc à cultiver le jardin qui est en soi. L’enseignement de Voltaire est juste, car au-delà de la morale, la fierté de l’homme repose sur le bonheur muri par le fruit du travail.

La mise en scène de Rafael Bianciotto restitue avec justesse la pensée de Voltaire. Il apporte une forme de contemporanéité à l’adaptation de ce conte philosophique en maquillant les visages avec des masques de la commedia dell’arte. Sous le masque, sentiments et impressions se fond de fausses confidences car l’expression est à l’extérieur. L’interprétation des comédiens, un déroulé de burlesque, de vitalité, de générosité, les quatre comédiens et les trois musiciens se glissent dans une vingtaine de personnages. Nicolas Biaud-Mauduit est époustouflant dans l’interprétation du rôle de Candide, un comédien de caractère, sincère et sensible. Bénédicte Budan, Anne-Dominique Desfontaines et Rafael Bianciotto donnent beaucoup de vie et d’imagination à tous les personnages qu’ils incarnent. Le secret de la réussite passe par leur dévouement respectif, ponctué par un savoir-faire dans l’art de la commedia dell’arte. Une performance de belle facture qui s’accroche à la scénographie épurée de tout subterfuge. Le cercle dessiné sur le plateau définit peut-être les rondeurs du monde physique et géographique. Les jeux de lumières donnent de la transparence à la profondeur du texte et se fondent dans l’invisible quand l’intimité rentre en scène. La musicalité sculpte le relief accordé au jeu, la poésie résonne selon les rythmes et les mélodies importées des voyages. Jean-Luc Priano, Pascal Rousseau, Nicolas Naudet insufflent un courant de bonne humeur à cette épopée délurée.Le Candide de Rafael Bianciatto et du Zéfiro théâtre réinvente une philosophie contextuelle du siècle des Lumières, une mise en valeur de la pensée de Voltaire librement traduite sur le propos ironique et sans académisme. Cultivons notre jardin à notre guise.

Mise en scène Rafael Bianciotto

Assistante Caroline Mozzone

Adaptation/Dramaturgie Isabel G. Berman

Collaborateur artistique Marion Gonzalez

Musique Jean-Luc Priano

Masques Etienne Champion

Maitre de chant Kristjana Stefansdottir

Chorégraphie Marie Barbottin

Costumes et décors Martha Romero

Lumières Antoine Audoin

Vidéo Jérôme Boukni

Régie lumière Marc Alberto

Avec Nicolas Biaud-Mauduit, Bénédicte Budan, Anne-Dominique Desfontaines, Alain Khouani

Musiciens Jean-Luc Priano, Pascal Rousseau, Nicolas Naudet

Au Théâtre de Ménilmontant jusqu’au 23 novembre 2011

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