Bon Iver : une musique d’une ampleur folle

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Par Eddie Williamson – BSCNEWS.FR / Il est loin l’épisode du mec qui se barre dans une cabane au fin fond d’une forêt des États-Unis après une rupture sentimentale pour faire le point sur sa vie et enregistrer l’un des plus beaux albums du début du siècle. Entre-temps il a fait de jolies choses avec Volcano Choir, Gayngs, enregistré un nouvel EP avec Bon Iver (Blood Bank), enchaîné les collaborations avec de talentueux artistes (Kanye West et Lia Ices, St Vincent pour ne citer qu’eux), bref, il a fait son petit bout de chemin. Grâce à ces side-projects, il a accumulé des tas d’idées musicales et acquis une plus grande confiance en lui. C’est en tout cas ce que je ressens en écoutant ce second album.

Le nom du disque, déjà, est intéressant. Bon Iver, Bon Iver. C’est rarement le deuxième album d’un groupe qui porte son nom. Deux fois, en plus ! For Emma, Forever Ago était largement l’oeuvre solo de Justin Vernon, tandis que Bon Iver se veut être l’oeuvre d’un véritable groupe. Message reçu, et de toute manière à l’écoute de « Perth » il est clair que la musique du groupe a pris une ampleur folle. Ce n’est plus juste Justin Vernon à la guitare et deux mecs derrière, mais Justin Vernon au beau milieu d’un orchestre de cinquante personnes. Ok, j’exagère, mais vous avez compris l’idée : plus de moyens, plus de confiance, plus de tout. Ce qui n’est pas forcément gage de réussite. Ils auraient pu en faire trois tonnes, partir dans tous les sens, ressembler un peu trop à Volcano Choir ou Gayngs, ne pas réussir à conserver un fil conducteur et ç’aurait pu être la cata. L’emploi du conditionnel passé dans cette dernière phrase vous indique que Bon Iver, qu’il va maintenant falloir considérer comme un vrai groupe et pas que le pseudonyme de son leader, a réussi son coup.

Certes, à des moments on s’ennuie et à d’autres l’influence des années 80, largement revendiquée par Justin Vernon, se fait un peu trop sentir (si vous aimez, alors jetez-vous sur l’album de Gayngs que je n’ai pas su écouter jusqu’au bout), mais l’un dans l’autre, cet album est… plutôt pas mal.

La musique de Bon Iver est passée d’un folk qui vous fout la chair de poule à chaque morceau à une sorte d’hybride folk-rock-pop baroque qui se pare de temps à autre de synthés et autre saxophone très eighties. C’est un sacré bazar au niveau des influences, mais la seule chose qui compte c’est que sur morceau comme « Holocene », pour ne prendre que le plus beau du lot, tout tient debout magnifiquement. Le falsetto de Vernon continue de jouer avec vos émotions, mais avec peut-être un peu moins d’aisance que sur For Emma. Vous me direz, hein, mais même si « Michicant » et « Calgary » sont chair-de-poulesque, « Wash » est super jolie, « Perth » et « Holocene » sont parmi les morceaux les plus beaux et intenses de l’année, mais rien sur ce disque n’arrive à la hauteur de « Skinny Love », « Flume » ou « re:Stacks ».

C’est sûr, tout ici à l’air plus « abouti » musicalement, plus « complexe », plus « luxuriant », il y a plein de choses à se mettre sous la dent, mais c’est trop difficile de ne pas comparer à For Emma et de se dire que, merde, il arrive à faire passer beaucoup plus de choses avec moins de moyens, et peut-être que tous ces nouveaux arrangements parasitent un petit peu les émotions qu’il essaie de transmettre. Ou peut-être que l’intensité dramatique qu’il y avait sur For Emma ne pourra plus jamais être reproduite et quand on a goûté les cookies de mamie, impossible de se contenter des cookies de Leclerc, vous voyez ce que je veux dire ?

Comprenez-moi bien, c’est un très bon album (si on oublie le dernier morceau qui gâche un peu le tableau, je vous laisse vous en rendre compte par vous-mêmes, on se croirait sur un album de Phil Collins à sa pire époque). Je ne pense pas un jour me lasser de la voix de Justin Vernon et ce disque possède plusieurs des meilleures chansons que j’ai entendues cette année. Mais je ne pense pas être la seule à ne pas m’être complètement remise deFor Emma et à n’être pas vraiment prête à voir Bon Iver tenter des choses qui s’éloignent trop de ce premier disque.

C’est mon sentiment aujourd’hui, peut-être que dans quelques mois ou années je louerai ce disque sans me référer au précédent pour comparer, ce qui n’est certainement pas la meilleure méthode pour vous parler d’un disque. M’enfin vous savez bien que la meilleure méthode de parler d’un album, c’est pas ici que vous la trouverez. Comme d’habitude, faites-vous une idée par vous-mêmes !

Sortie le 17 juin 2011 (4AD)

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