Wu Lyf : le fantastique exutoire

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Par Eddie Williamson – BSCNEWS.FR / Question d’un journaliste de Rock & Folk (n°527) : « Ça fait quoi d’être annoncé comme le groupe du siècle, la nouvelle sensation ? », réponse du chanteur : « C’est comme la peste ». Le guitariste surenchérit : « C’est vraiment du foutage de gueule ». Wu Lyf est un quatuor anglais, formé à Manchester en 2008. Leur nom signifie « World Unite! Lucifer Youth Foundation », ils ont commencé à partager quelques morceaux sur un site qui ne donnait strictement aucune information sur leur identité et petit à petit, leur nom fut sur toutes les lèvres. Enfin sur les lèvres de tout ce qui se compte d’influents dans le milieu musical. Les Inrocks en ont fait leur couverture, ce qui a dû mettre à mal la crédibilité du groupe en France, mais pas autant que l’étiquette « hype » qui va les suivre pendant un moment, à leur grand désespoir.

Passé tout ce blabla contextuel qui finalement ne nous intéresse pas vraiment, Go Tell Fire to the Mountain est un excellent album, et Wu Lyf l’une des vraies grandes sensations de l’année. Ses ingrédients : rythmiques africaines, guitares indie, un cracheur de feu et une acoustique d’église.
Commençons par le cas Ellery Roberts. Sa voix est juste incroyable et compte pour beaucoup dans le succès du groupe. La musique est excellente, bien sûr, j’y reviendrais plus bas, mais cette voix incomparable rend le tout absolument épique et inédit. Ellery Roberts met ses tripes sur la table à chaque morceau et, quoiqu’il dise, difficile de ne pas en avoir des frissons. Il m’a fait penser à Tom Waits, même si ce dernier montre tout de même une plus grande versatilité. Il faut bien avouer qu’après une bonne demi-heure de hurlements lycanthropes dans les tympans, j’ai commencé à fatiguer.

Fantastiques en live, il paraîtrait qu’en comparaison leur album serait un peu trop produit, c’est-à-dire en gros qu’il n’arriverait pas à reproduire ce qu’ils arrivent à transmettre sur scène. Avec ça en tête, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à son écoute à ce que ça donnerait, justement, sur scène. Mais un album pareil ne peut s’imaginer joué sur une scène terrestre, non, il faut s’imaginer le groupe jouer sur une planète rougeoyante et inhabitable, avec des météorites qui frôlent les membres du groupe, des coulées de lave, des explosions nucléaires en arrière-plan, des montagnes qui explosent, une foule de jeunes gens extatiques et peinturlurés qui dansent comme des malades mentaux. Ce disque, c’est l’éruption permanente.

L’orgue d’église, solennel et omniprésent, ne prépare pas à l’arrivée du chanteur, ce qui crée une sorte de déséquilibre vraiment inhabituel. La rythmique soutenue laisse peu de répit, ce qui n’est pas pour me déplaire. Beaucoup, beaucoup de groupes ont essayé de s’approprier ces rythmiques africaines en leur collant dessus leurs guitares rock et leurs voix d’Occidentaux. L’écrasante majorité est ridicule, Wu Lyf fait partie de la minorité. Les paroles sont généralement incompréhensibles à la première écoute, allez jeter un oeil sur leur site pour vous faire une idée des thèmes abordés.
Un gros bémol toutefois, c’est cette impression de répétition, plusieurs morceaux qui se ressemblent, l’impression qu’ils sont construits de la même manière, avec les mêmes points culminants, la même fin… Ce n’est qu’une impression, parce que je me doute bien que ces morceaux sont bien différents, mais je ne peux m’en défaire et ça a gâché un peu ce beau tableau que je vous ai dépeint jusqu’ici. Les trois derniers morceaux, et même « Heavy Pop », l’une des premières pépites du groupe à être apparu sur le web et qui avait participé à l’excitation générale autour du groupe, même « Heavy Pop » ne me fait plus le même effet après quarante minutes de grandiloquence rageuse et rock.

Peu importe, car avant il y a eu « L Y F », « Cave Song », « Summas Bliss », « We Bros » et « Dirt », cinq réussites absolues, cinq des meilleurs morceaux de l’année. Une moitié d’album parfaite, c’est suffisamment rare pour l’encenser sans vergogne.

La communion qui doit exister lors d’un concert de Wu Lyf est quelque chose à vivre. Au-delà de la voix, de la musique, de la hype, de tout ce que vous voulez, un concert de Wu Lyf doit être un fantastique exutoire, un hurlement primaire partagé avec tout un public, un truc mystique.

Sorti le 13 juin 2011 (Lyf Recordings)

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