Radio Clandestine: quand le théâtre est porteur d’Histoire

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Par Julie Cadilhac PUTSCH.MEDIA/ Crédit-Photo: Marie Clauzade/ Mettre l’Histoire sur un plateau est une entreprise salutaire…et captivante. Gager sur la puissance des mots, réaliser que dans « entendre » il y a aussi « voir  » et se dire que le théâtre peut être un vecteur pertinent de la mémoire collective: voici une des leçons à retenir de la pièce Radio clandestine mise en scène par Dag Jeanneret. Le texte d’Ascanio Celestini est remarquable: il happe l’attention du spectateur car son verbe sollicite notre raison tout autant que nos émotions. Inspiré du travail d’un universitaire italien, Alessandro Portelli, il mêle au récit du massacre des Fosses ardéatines une réflexion fort intéressante sur les mécanismes de la mémoire commune qui, à trop vouloir parfois occulter les drames qui l’ont touchée profondément, apparente sa démarche à un révisionnisme inquiétant. Dans ces Fosses ardéatines, l’injustice s’est mêlée à la barbarie, l’Horreur a exécuté un de ses plus symboliques « chefs d’oeuvre » d’absurdité. Le 24 mars 1944, ont été massacrés 335 innocents en réponse à un attentat de partisans italiens qui avait provoqué la mort de 32 soldats allemands via Rasella. Une vengeance mathématique hithlérienne dont Erich Priebke et d’autres officiers se sont chargés avec une rigueur effrayante. Sur scène, un homme qui, sur le mode de la confidence, vous raconte cela et plus encore… vous explique l’histoire de Rome depuis le XIXème siècle: Rome et ses mouvements intestins, ses passations de pouvoir mais aussi son quotidien dans les différents quartiers, ses charmes désuets; Rome qui se croit protégée par la présence du Pape mais qui nourrit un esprit rebelle et n’hésite pas à sortir les armes pour défendre ses intérêts. On y ajoute une interlocutrice imaginaire, petite naine un peu sénile, analphabête et obsédée par des panneaux d’annonces immobilières qui harcèle cet homme d’une même question matérielle. S’improvise un dialogue étonnant entre deux êtres chargés d’Histoire : qu’y entendre sinon deux soliloques où oscillent histoire personnelle et histoire collective?
Richard Mitou joue un personnage protéiforme, tout autant patriote touché par le drame qu’il raconte, narrateur érudit dont le discours extrêmement documenté nous donne un cours d’Histoire passionnant, que vieille dame illettrée dont le destin a été malmené par les évènements historiques. Il embrasse ces rôles avec naturel et justesse, accompagné par la clarinette de Gérald Chevillon. On applaudira donc une mise en scène concentrée sur une direction d’acteur pointilleuse et de qualité. Sur le plateau, un décor épuré: quelques chaises et des jeux de lumière discrets et un comédien extrêmement talentueux. Dans le coeur, une parole qui résonne et émeut en se déroulant à un rythme qui ne laisse pas de place à la lassitude!

Titre: Radio Clandestine Texte d’Ascanio Celestini
Mise en scène: Dag Jeanneret Avec Richard Mitou et Gérald Chevillon Traduction: Olivier Favier Scénographie: Cécile Marc
Au Printemps des Comédiens du 20 au 23 juin 2011 A Foix du 18 au 22 octobre 2011 Au Festival Auteurs en Actes Bagneux le 4 novembre 2011 Au Domaine d’Ô les 17 et 18 novembre 2011 A la Scène Nationale de Narbonne les 22 et 23 novembre 2011 Au Théâtre du Passage Neuchâtel, Suisse le 24 janvier 2012 A la Scène Nationale d’Albi le 3 février 2012 A Circuits / Auch les 5 et 6 février 2012 Au Théâtre de Vienne les 28 et 29 février 2012 Aux ATP d’Uzès le 2 mars 2012 Au Théâtre de Nîmes les 6 et 7 mars 2012

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