A mon âge, je me cache encore pour fumer

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Par Julie CadilhacPUTSCH.MEDIA/ Voilà une pièce intelligente portée par un texte nerveux et plein d’humour, une distribution de talent composée uniquement de femmes, une scénographie sensible qui nous entraîne dans un voyage au coeur de l’Algérie et une mise en scène de Fabian Chappuis qui installe avec naturel l’ambiance si singulière du hamman. C’est est aussi une marque ostentatoire de courage et de révolte: Rayhana, qui en est la dramaturge et une comédienne, avait été attaquée sauvagement, aspergée d’essence et insultée, en se rendant à la Maison des Métallos à Paris en janvier 2010, en réponse à cette création. La volonté de poursuivre ce spectacle au message résolument féministe doit donc d’abord être saluée et soutenue.

Même si l’intrigue s’installe dans le cadre exotique d’un hamman algérien, Rayhana explique qu’elle a choisi pour porter cette histoire des comédiennes qui ne sont pas toutes d’origine algérienne car elle souhaitait que le message délivré sur les femmes soit universel. L’intrigue est aussi simple que terriblement violente dans sa réalité: une jeune femme enceinte et non mariée, Myriam, se réfugie dans un hamman, pour échapper à un frère qui a décidé de la tuer pour laver l’honneur de sa famille. L’occasion dramaturgique de nous faire réfléchir sur le rapport entre l’intime et le pouvoir lorsque ce dernier s’insinue avec violence dans la chair des êtres. Neuf femmes sur scène aux histoires divergentes, certaines aimées, d’autres forcées au sexe par leurs époux qu’elles méprisent mais toutes ressentant l’agréable sentiment de protection que génère la cohésion du groupe qui se constitue dans les vapeurs du hamman. Fatima, masseuse dont le coeur s’est durci sous les viols répétés de son mari chaque nuit, Zaya, jeune intégriste qui justifie la violence de ses semblables pour masquer sa colère d’avoir perdu son homme trop tôt, Samia, la chétive célibataire que toutes les marieuses dédaignent, Nadia, étudiante athée et libertaire qui a osé demander le divorce, Louisa, mariée encore petite fille à un ami de son père, Latifa, l’institutrice au mari merveilleux qui doit pourtant se voiler pour éviter les menaces de ses jeunes élèves…Nous est peint une situation paradoxale: toutes ces femmes sont exclues d’un monde d’hommes alors même que ce sont elles qui assurent la continuité de la société dans laquelle elles vivent. Tour à tour, dans ce havre de paix où les massages des autres offrent une pause salvatrice, elles s’épanchent, se disputent, s’entraident car elles savent bien que la solidarité est leur dernier rempart face à la barbarie qui les guette à l’extérieur.

Le rapport au corps sur le plateau a des enjeux passionnants car ces femmes sont à l’intérieur d’un lieu où leur intimité est protégéeA mon âge - Rayhana et où elles peuvent redevenir des êtres de désir et de passion mais menace, au dehors, un monde qui condamne leur corps, réduit en esclavage ces femmes libres et fortes.

Une pièce touchante qui n’oublie pas l’humour malgré sa fin dramatique, une pièce sensuelle où la beauté des femmes exhale un parfum délicieux de liberté, un chant féministe vibrant et intelligent à entendre absolument.

Titre: A mon âge, je me cache encore pour fumer

Mise en scène: Fabian Chappuis

Texte: Rayhana

Avec Marie Augereau, Géraldine Azouélos, Paula Brunet Sancho, Elisabeth Ventura, Rébecca Finet, Catherine Giron, Maria Laborit, Taïdir Ouazine.

Dates des représentations:

– Au Théâtre des 13 vents du 25/05 au 28/05/11

– Le 4 juin 2011 Festival Le Printemps de Beyrouth – Liban

– Au Théâtre des Quartiers d’Ivry – du 20 au 30 mars 2014

Prochaines dates: ICI

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