Montpellier: un Suréna poignant au Théâtre des 13 Vents

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Par Julie CadilhacBscnews.fr/ La lâcheté d’un roi, l’ingratitude d’un prince, la grandeur d’âme d’un héros glorieux,l’amour brisé par des raisons d’Etat….tout le génie cornélien dans une pièce mémorable, Suréna, servie par huit interprètes d’une grande justesse. Une pièce qui plaide le bonheur  » une idée neuve dans l’oeuvre de Corneille » mais dont le dramaturge n’a pas (su? voulu?) ôté une fin résolument tragique. Dans Suréna, le choix cornélien demeure alors que tous aspirent à être heureux mais l’ordre politique et les habitudes continuent d’avoir raison de la singularité des êtres et des désirs.« Aussi, vont-ils construire un tombeau pour le bonheur. Pour préserver le droit privé au bonheur, ils vont sacrifier leur vie et leur liberté et grâce à eux, pour la première et la dernière fois dans l’oeuvre de Corneille, le bonheur deviendra la cause ultime, impossible de l’héroïsme. » ( Brigitte Jacques-Wajeman) Qu’il est doux de voir encore des « classiques » où la direction d’acteurs ,précise et sensible, est au service de l’émotion, où la scénographie et les compositions instrumentales permettent au cadre de s’augmenter d’intemporalité, où la mise en scène toute entière s’efface pour ne laisser qu’une impression exquise de naturel, où la modernité ne se paye pas au prix d’une volonté d’originalité ostentatoire qui nuit au processus cathartique. Brigitte Jaques-Wajeman donne à Suréna toute la distinction que la pièce mérite, permet aux vers de se dégourdir les rimes et de se désolidariser de leur austère image ….et ainsi, après une si agréable soirée théâtrale, on ne peut que languir Nicomède qui succédera à Suréna sur le plateau le lendemain.Surtout lorsque l’on sait que ce sont les mêmes comédiens qui endosseront cette autre distribution! L’enthousiasme du spectateur a de multiples raisons de s’exprimer : les costumes, les maquillages et les coiffures d’abord sont splendides: les robes, les étoles ceignent les corps et leurs spasmes d’amour ou d’inquiétude, les uniformes augmentent la prestance des hommes, chaque protagoniste est uni d’une harmonie tacite à son vêtement tout entier. Les comédiens ensuite méritent un tonnerre d’applaudissements tant ils sont d’une profonde justesse. Bertrand Suarez-Pazos et Raphaèle Bouchard forment un couple bouleversant tant dans les instants de passion exprimée que contenue ; l’on est ému aux larmes devant le désespoir d’Eurydice et Suréna face à l’adversité car chacun de leurs gestes, frémissements,inflexions de voix poussent plus loin le pacte d’illusion théâtrale. Raphaële Bouchard est d’une grâce touchante et elle sait exprimer avec autant de conviction la fragilité d’une amante brisée que l’insolente espiéglerie prise au piège d’un roi ingrat. Aurore Paris endosse avec beaucoup de talent le rôle de Palmis, tour à tour soeur inquiète, amante rejetée et pleine de ressentiment , confidente aussi jalouse que fidèle. Thibault Perrenoud enfin, en prince Pacorus, réussit le pari difficile de séduire le public malgré le mauvais rôle qui lui a été distribué. On saluera aussi la faculté de cette mise en scène à ôter à la diction ce que les alexandrins peuvent y ajouter de pesant et de pompeux. Elle l’enrichit d’une légèreté de ton adorable lors des premiers actes qui fait que l’on rit – oui! l’on rit! – pour une tragédie de Corneille! Et si certaines répliques du texte se prêtent assurément à des effets comiques, c’est le jeu des comédiens ici qui leur permettent de s’épanouir et d’entendre dans la salle leur écho. Pour conclure? un parterre de bravos et des rappels nombreux… et quelques mots du dramaturge:
« Je sais ce qu’à mon coeur coûtera votre vue ;
Mais qui cherche à mourir doit chercher ce qui tue.
Madame, l’heure approche, et demain votre foi
Vous fait de m’oublier une éternelle loi :
Je n’ai plus que ce jour, que ce moment de vie.
Pardonnez à l’amour qui vous la sacrifie,
Et souffrez qu’un soupir exhale à vos genoux,
Pour ma dernière joie, une âme toute à vous. » ( Suréna, Acte I, Scène 3)
Titre: Suréna Auteur: Corneille Mise en scène: Brigitte Jaques-Wajeman Maquillage/ coiffures: Catherine Saint-Sever Costumes: Annie Melza-Tiburce Collaborateurs artistiques: François Regnault, Alice Zeniter Scénographie et lumière: Yves Collet Avec Pascal Bekkar, Raphaèle Bouchard, Sophie Daull, Mourad Mansouri, Pierre-Stéfan Montagnier, Aurore Paris, Thibault Perrenoud, Bertrand Suarez-Pazos Au Théâtre des 13 vents du 5 au 9 avril 2011… Au Théâtre des Célestins ( Lyon) du 22 au 31 mars 2012

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