Un docteur en mathématiques, star de la musique électro

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Par Eddie Williamson – BSCNEWS.FR / Voici l’album que j’ai le plus écouté cette année, sans l’ombre d’un doute. Ce fut difficile, au départ seule « Odessa » me plaisait. Caribou, anciennement connu sous l’alias Manitoba (qu’il a du abandonner en 2004 pour des raisons légales), est un artiste canadien (vous vous en doutiez) et docteur en mathématiques. Ouais, moi aussi ça m’a surprise. Et attendez de lire le nom de sa thèse : Overconvergent Siegel Modular Symbols (pdf). Sexy, non ? Je n’ai même pas essayé de traduire le titre en français, je ne comprends qu’un mot sur quatre. Avec cette nouvelle information, et si vous ne connaissez pas son style, vous pourriez prendre peur : « un producteur d’électro qui adore les maths, ça doit donner un truc ultra-complexe et cérébral, où chaque bip a un sens philosophique caché… ». Eh bien chers lecteurs, vous auriez tort.

Depuis avril, Swim est dans mon lecteur mp3. Ce dernier a volontairement un espace de stockage limité (2Go) pour me forcer à faire régulièrement le tri, son contenu varie donc d’une semaine à l’autre. Mais cet album-ci a eu le temps de faire son trou, il s’est acheté une piaule, le wifi, j’crois même qu’il s’est passé des choses entre lui et Admiral Fell Promises de Sun Kil Moon. Ce que fait Caribou, c’est une musique électro d’une classe incroyable et d’une accessibilité rare. Oubliez que c’est un petit génie des mathématiques, c’est d’abord un formidable mélodiste.
 Les machins techniques me passent complètement au-dessus, ce qui compte pour moi ce sont les mélodies, la voix et les ambiances qu’il arrive à créer, les émotions qu’il arrive à partager. J’pourrais vous parler de beats, de boucles, d’enchaînement de j’sais pas trop quoi, je laisse ça à Pitchfork, où vous pourrez lire des trucs du genre : « harshly juxtaposed interplay of beats », « punch-drunk club music » ou « tech-house throb ». Je n’ai aucune idée de ce que ça veut dire, et vous ?

J’aimerais vous parler d’abord, dit-elle après deux paragraphes, de « Sun ». Imaginez-vous dans un TGV. Il est 18h, vous êtes en deuxième classe (vous êtes pauvre), côté fenêtre, après une longue journée à gambader un peu partout, à stresser pour votre boulot, votre famille, vous n’avez plus un poil d’énergie, de mana, de peps, bref, vous êtes sur le point de vous effondrer de fatigue sur la vitre à votre gauche. Et là vous vous rappeler que vous avez acheté légalement cet album à la jolie pochette qui vous a été conseillé par, disons, votre magazine préféré. Parce que vous faites confiance à votre magazine préféré (ok, j’arrête), vous décidez de l’écouter maintenant parce qu’en arrivant chez vous, les soucis vous reviendront en pleine face et vous n’aurez plus le temps de penser à satisfaire vos oreilles.

Vous avez déjà entendu « Odessa » quelque part et décidez de passer directement à « Sun ». Nous sommes en été, le soleil est encore haut à cette heure-ci. Ses rayons frappent votre visage au gré des arbres plantés le long des rails. En temps normal ça vous aurez énervé, cette impression d’avoir en face des yeux une lampe-torche dans les mains d’un gosse de 5 ans. Mais « Sun » vous a déjà englobé et les rayons du soleil ne sont plus une source d’emmerdement mais une nouvelle composante du morceau. A ce moment-là vous n’êtes plus dans ce TGV, le connard de derrière qui parle à sa mère au téléphone a été éjecté du train dans le tas de bouse du champ d’à côté, le bébé qui hurle et s’étrangle dans sa morve est mort d’une rupture d’anévrisme en même temps que sa mère, bref, vous êtes enfin tranquille. C’est encore mieux qu’un rêve.

Je parlais là-haut d’un album à l’accessibilité rare. C’est vrai, il s’écoute aussi facilement qu’on entre dans un bain à 25°C. Mais pour vivre ce disque, il faut fermer MSN, Twitter, GMail, votre porte et vos fenêtres, tuer le bébé d’à côté* et laisser votre esprit se balader librement.

En ne prenant en compte que mon expérience personnelle, j’pense qu’il y a un petit effort d’immersion à faire. Un peu comme lorsque vous êtes dans votre bain (j’ai une envie de bains en ce moment, pas vous ?) et que vous vous immergez volontairement pendant quelques instants. Mon expérience avec « Sun » était plus une coïncidence qu’autre chose. Dan Snaith ne vous y pousse pas, sa voix est toujours en retrait par rapport à la musique. Il n’essaye de pas de rivaliser vocalement avec elle, c’est impossible, il préfère plutôt l’accompagner et proposer une histoire, des mots sur lesquels on peut construire nos propres scénarios. A la fin de l’album, Luke Lalonde, le chanteur des Born Ruffians, essaye de rivaliser de majestuosité avec la musique de « Jamelia » et y parvient… de temps en temps.

Il y a peu d’albums sortis cette année que j’ai qualifié d’incontournables, celui-ci en fait évidemment partie. Mes morceaux préférés sont « Odessa », « Sun », « Leave House » et « Bowls », quoique vous décidiez, ne passez pas à côté de ces morceaux-là. Et si vous prenez souvent le TGV, cet album va peut-être devenir votre meilleur compagnon de voyage !

* Je plaisante, hein. C’est juste que les bébés et moi ne sommes pas en bons termes en ce moment.

 Sorti le 19 avril 2010 (City Slang)

En écoute sur Grooveshark : http://listen.grooveshark.com/#/album/Swim/3943597

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