Les dieux se jouent des hommes au théâtre Jean Vilar

par
Partagez l'article !

Par Julie CadilhacPUTSCH.MEDIA / Amphytrion a épousé Alcmène et ils forment un couple heureux. Alors que le mari terrasse le roi Ptérélas à la guerre, l’insatiable dieu Jupiter décide de prendre l’apparence d’Amphitryon pour venir profiter des faveurs de la belle mortelle dont il s’est épris. Alcmène est alors enceinte de son mari , elle attend un fils et cette relation infidèle lui en apportera un second , connu sous le nom romain d’Hercule, dont elle accouchera le même jour. Voilà la version du mythe grec, inspirée des pièces de Kleist, Molière et essentiellement de Plaute que nous présente Hervé Dartiguelongue.

Hervé Dartiguelongue justifie ainsi d’avoir choisi le texte de Plaute:  » [Il] implique le spectateur, lui donnant le statut d’habitant de la cité. Ici, le spectateur est aussi acteur de cette tragi-comédie et ainsi Plaute rend au théâtre sa vertu sociale et politique. Plaute crée du lien. »

Il faut d’abord reconnaître à cette mise en scène plusieurs atouts:

– la durée de la pièce, d’abord, d’1h30, qui est fort raisonnable et réussit à maintenir l’intérêt du spectateur d’un bout à l’autre.

– l’utilisation d’une machinerie superbe où l’unique décor ( un rideau de tissu en lamelles blanches) se promène sur des rails et circule sous nos yeux, tantôt formant un arrière plan à l’esthétique antique, tantôt s’approchant pour confronter l’acteur avec le devant de la scène. Une structure métallique magnifique composée de poteaux, poulies et de mécanismes de montres au plafond. Un décor fort bien exploité sur lequel les personnages s’accrochent, grimpent, se cachent, s’irritent ou s’amusent…à l’envi.

– l’exploitation de techniques diverses, acrobaties, jeux d’ombre chinoises, effets de lumière, enrichit la narration du mythe et nourrit cette tragi-comédie où deux mondes sont confrontés: celui des mortels et celui des dieux. Ainsi lors d’une scène où Mercure cherche à intimider Amphitryon, l’utilisation des ombres chinoises confère au moment une grandeur particulière…on entend bien la voix des dieux qui menacent et s’amusent avec le pauvre être humain qu’est ce mari trompé….

On félicitera Frédéric Roudier qui interprète Sosie, le serviteur fantoche d’Amphitryon, avec une énergie communicative. Cécile Bournay est délicieuse, aussi, en Alcmène et on regrettera juste que son monologue chanté n’ait pas été réduit à quelques portées amplement suffisantes.Les costumes sont originaux et celui d’Alcmène enceinte, confectionné par Alice Duchange, est remarquable ( mention très bien pour les chaussures à talons…qui étonnent autant qu’ elles ajoutent une féminité séduisante et juste !).

On regrettera simplement cette insistance ,dans le prologue d’Hermès et lors de l’épilogue, sur la relation complice du dieu avec le spectateur. Demander au spectateur d’applaudir à la fin est peut-être dans la version de Plaute mais….De plus, s’il est important que l’on différencie très vite le monde des dieux qui profitent de leur toute puissance et celui des humains qui sont déboussolés par la comédie qui leur est jouée, faire de Mercure une sorte de diablotin aux accessoires kitsch et paillettés, un Monsieur Loyal déjanté, n’est pas du meilleur goût : on sent l’artifice dans la scène d’exposition et même si c’est sans doute fait exprès, cela dessert une pièce de qualité.

Amphitryon(s) montre assez brillamment en tous cas les rapports de domination (homme-femme, maître-serviteur, hommes-dieux) à leur paroxysme et le spectateur, seul témoin du jeu cruel dont usent Jupiter et Mercure avec Amphitryon et Sosie, s’amuse dans cette comédie de travestissement ( Ah! que le public rit!) autant qu’il grince des dents tant l’homme apparaît ici comme une marionnette qui ne maîtrise rien.

Spectacle au Théâtre Jean Vilar de Montpellierdu 16 au 20 novembre 2010.

Est proposé par Vincent Vabre, comédien incarnant Mercure et Jean-Daniel Dupuy un stage d’écriture, le 27 et 28 novembre et le 4 et 5 décembre (2010) intitulé Amphitryon express : un travail s’appuyant sur une recherche ludique autour du thème d’Amphitryon où il s’agit d’élaborer une nouvelle version de la pièce tant par le travail du corps que par l’écriture…. L’occasion de se repencher sur ce mythe et d’y ajouter sa touche personnelle.

Laissez votre commentaire

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à