Albin de la Simone : l’élégance et l’humour au synthé

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Interview d’Albin de la Simone/ Propos recueillis par Julie CadilhacPUTSCH.MEDIA/

Bungalow, titre de votre album créé à Bali, est-il le reflet de souvenirs de vacances au soleil…? Ce que j’aimais dans Bungalow, en dehors du fait que j’ai écrit les chansons dans un bungalow, c’est la notion assez positive qu’il évoque ; on ne pense pas trop au bungalow de chantier, on pense au bungalow de plaisance…pour moi, ça n’évoquait que des bonnes choses et j’avais envie que ce disque n’évoque que du positif, qu’il ne fasse pas de mal.
Vous avez donc choisi délibérément qu’il y ait un ton pétillant et enlevé. A l’écoute, on a envie de buller, de prendre les choses à la légère… Effectivement, ça ne change pas grand-chose au fond de mes chansons qui est rarement gai mais dans la forme, j’avais envie d’un disque positif, qui éclaire la journée plutôt que de l’assombrir.
Vous avez dit que c’était un album qui vous ressemblait beaucoup alors que c’était sans doute le moins autobiographique: comment justifiez-vous cela? Dans l’album défile une galerie de personnages un peu particuliers, en parlant des autres, parle-t-on mieux de soi? Oui, ça, j’en suis sûr. Quel que soit le sujet que j’aborde, même si je raconte l’histoire de quelqu’un d’autre, je parle de moi et en tous cas de ce qui me préoccupe donc je dévoile un peu de mon intimité de toutes façons et ma vision des choses. Les choses dont on parle dans les chansons sont toujours à peu près les mêmes mais on n’en parle pas de la même manière.C’est cela qui m’intéresse vraiment: proposer un regard sur les choses puisque les choses sont toujours les mêmes.
Le poète Francis Ponge aimait sublimer les petites choses du quotidien, « poétiser » des objets triviaux. Votre style m’a rappelé cette esthétique…avec des formules poétiques, vous éclairez des situations parfois toutes banales… Vous faîtes peut-être allusion à « Catastrophe » où c’est une situation très concrète où je suis bloqué sur le palier…mais j’ai plutôt l’impression de parler de perceptions intimes que du quotidien.
Pourtant, vous partez d’une donnée très simple…par exemple « J’aime lire » ou « Ce pull », et de là vous déclinez sur le mode imaginaire… Ce que je recherche vraiment, ce que j’essaye d’atteindre, c’est une forme d’abstraction: partir effectivement de quelque chose de concret pour parler de quelque chose d’abstrait. C’est pour cela que je n’ai pas l’impression de parler du quotidien mais en fait, vous avez raison, je pars de là…mais, par exemple, Bénabar parle de choses du quotidien pour parler de choses du quotidien….
Tout à fait, alors que pour vous le quotidien est un prétexte à rebondir sur autre chose. De même, Francis Ponge décrit, par exemple, un pain de campagne ou un cageot d’huîtres et fait d’un objet banal un sujet poétique. Je vais lire Francis Ponge ( rires).
Dans quel cadre composez-vous le mieux? Il me semble avoir lu que vous préfériez travailler dans le calme; or il semble y avoir un contraste entre l’univers que vous créez, entraînant et pétillant, et le silence de la composition… – En fait j’aime bien être au calme car ma vie parisienne de musiciens – je travaille beaucoup pour les autres aussi- est une vie très agitée( dans le bon sens du terme) et qui me laisse peu de moments sans occupation. Donc j’ai besoin de me forcer un peu à m’isoler. Là, je reviens d’une semaine au Maroc où j’allais écrire. Ce n’est pas spécialement le Maroc en soi qui m’attirait, c’était l’endroit où il y aurait le moins de monde…d’ailleurs je me suis trompé, je suis allé à Marrakech, c’était un bordel Albin pas possible et je n’arrivais pas bien à écrire..( rires). Après pour ce qui est de l’énergie, ça, c’est en fonction de chaque projet. Pour mon prochain disque et même pour le concert à Montpellier ( le 14/10/10 au théâtre Jean Vilar), c’est beaucoup plus calme. Je suis en ce moment d’une humeur beaucoup plus douce et plus calme dans l’énergie musicale. Donc mon prochain album sera davantage à la recherche d’une forme de beauté douce plutôt que d’une forme d’énergie positive. Ainsi de même que j’ai fait Bungalow, maintenant, je n’ai plus envie de le faire. J’ai fait une tournée comme ça et maintenant j’ai envie d’explorer d’autres énergies.
Comme le disent beaucoup d’interprètes, un concert n’est pas forcément le reflet d’un album. – Non…et surtout trois ans après sa sortie. J’ai tourné un an exactement en respectant les codes du disque et puis rapidement après, j’ai eu envie de calmer le jeu …et autant sur le disque on arrive à canaliser sa voix, la mettre où l’on veut et fort comme on le veut, autant en concert, l’énergie de la batterie, de la pop, de la guitare électrique peuvent avoir tendance à bouffer le texte je trouve…et ça, ça m’emmerdait, j’avais l’impression de passer à côté d’un truc.Alors c’est chouette, on tape du pied mais on passe à côté de l’essence de mes chansons..aussi on a commencé à jouer de plus en plus acoustique, on a joué six mois comme ça et depuis un an je continue tout seul dans une version épurée, mais qui, par contre , propose vraiment la chanson à 100°/°. Ce n’est pas de la pop musique, c’est un accès direct à la chanson comme lorsqu’on écoute Brassens: une connection directe entre le public, ma chanson et moi.
Vos reprises de Piaf, de Sinatra reflètent-elles une nostalgie pour ces mélodies d’antan? Ce n’est pas une nostalgie dans le sens que je n’écouterai que ça et que je me plaindrai du présent mais effectivement j’ai du mal à me débarrasser de ce que j’ai aimé quand j’étais petit et des couleurs de mon enfance. Je continue à être touché par la musique des années 50,60,70 , le jazz…bon, après, je ne suis pas un grand fan de Piaf, pas très connaisseur de cet univers-là; il se trouve que cette chanson de Piaf me plaisait particulièrement. Dans la forme musicale, c’est vrai que j’ai souvent tendance à être ému par des sonorités du passé. Une raison objective à tout cela serait que les instruments de musique étaient de bien meilleure facture dans les années 50 à 70: le travail sur les guitares, les synthétiseurs, les baffles, les amplis, on recherche toujours les choses de cette époque-là. Un bon guitariste aura une guitare de 63 ou de 75. Je ne connais aucun bon musicien qui vénère une guitare toute neuve. Les années 50- 60 ont vu la naissance des guitares électriques et les années 70, la naissance des synthétiseurs et moi, en tant que musicien, je me suis spécialisé dans l’utilisation des synthés des années 70.
Vous êtes pianiste de formation… Oui, j’étais pianiste et je joue beaucoup sur les disques d’autres chanteurs et j’amène cette couleur-là aussi; c’est un peu ma couleur, du fait des instruments que j’utilise aussi.
D’où est née l’idée de cette (omni)présence des choeurs dans l’album? C’est vraiment un peu un hasard. J’avais envie d’une réponse à certains textes comme dans « N’importe quoi » où je raconte n’importe quoi et que quelqu’un me remet en place. Un alter ego quoi, un miroir qui me renvoie ma propre image. C’était d’un côté pour évoquer le regard sur soi, le regard de l’autre et de l’autre côté, musicalement, ça donnait un côté pop, un choeur aussi qui n’accompagne pas toujours ce que je chante mais qui puisse avoir une présence et un texte à lui. Souvent les choeurs sont employés pour doubler la mélodie du chanteur, épaissir la mélodie du refrain mais là c’était pour l’avoir comme une personne en face.
BungalowComme dans sa définition originelle, dans l’antiquité, le choeur est celui qui répondait, le confident, celui qui se mêle de répondre… Oui, d’ailleurs dans l’album, le choeur commente souvent . Et je voulais que ce soient des voix de filles. Pour le coup, ça faisait un peu pop années 70. En bricolant ça quand j’étais à Bali – je n’avais qu’un ordinateur, je n’avais pas de choriste avec moi mais je voulais juste avoir une idée de ce que ça donnait – donc je trafiquais ma voix, je faisais moi-même les choeurs et ça faisait cette voix synthétique de fille un peu bizarre. En rentrant en France, je me suis dit que ça avait une identité très particulière et qu’il fallait que je la garde. Si c’était à refaire aujourd’hui, j’en mettrais un petit peu moins, je ne vous le cache pas. Si j’ai un petit reproche à faire sur mon disque, c’est que je trouve qu’à un moment elles cassent un peu les pieds ( rires). C’était délibéré mais je me suis peut-être un peu emballé quoi…
Partagez-vous la scène avec Mathieu Boogaerts parce qu’il y avait une similitude d’esprit sur vos derniers albums? Son dernier album, en effet, est lui aussi très dynamique, un peu psychédélique et semble pouvoir être le reflet d’une scène « optimiste ».Je pense qu’à la même époque, il y a pas mal de gens qui ont fait des disques assez dynamiques, Arthur H par exemple. Je pense qu’on était tous dynamisé par quelqu’un qui a fait beaucoup de bien à la chanson en lui cassant un peu la gueule, c’est Katerine. Katerine a vraiment foutu un grand coup de pied dans le format de la chanson et, je vais parler pour moi mais j’ai l’impression que ça s’adapte aussi à Mathieu, à Arthur et à d’autres, ça a donné vraiment une envie de plaisir, de fun…un truc du genre  » Allez on n’est pas là pour se plaindre tout le temps et faire de la musique dépressive.. » Il y a donc eu en même temps 5, 6 albums qui ont éclos et qui étaient dans une dynamique très positive entraînés par quelqu’un de très charismatique. Moi, c’est comme ça que je l’analyse. En dehors de ça, si on fait des albums plus sombres, ça ne veut pas dire qu’on est d’humeur plus sombre et ce n’est pas une question d’optimisme ou de pessimisme, je crois, c’est une question d’énergie, énergie autour de nous et puis peut-être reflet de ce à quoi ressemblait le monde à ce moment-là, qui, à un moment, donne envie de faire sourire en musique.
Interview en collaboration avec le Théâtre Jean Vilar ( Montpellier) où Mathieu Boogaerts et Albin de la Simone partagent la scène le 14/10/10.

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