Sète: le Chili s’invite pour une séance Teatrocinéma

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Par Julie CadilhacBscnews.fr / L’homme qui donnait à boire aux papillons./ Première en France/ Scène nationale de Sète et du Bassin de Thau / Mardi 5 et mercredi 6 octobre 2010.
Imaginez la fusion délirante du théâtre, du cinéma, du conte philosophique, du fantastique, de l’épique…et vous aurez encore à peine un aperçu du spectacle hallucinant qu’offre la troupe Teatrocinema. Tout droit arrivés du Chili, cinq comédiens et quatre régisseurs bouleversent les repères théâtraux et emportent le public dans une fiction émouvante où tout devient possible.
« Il y a bien longtemps, un peuple croyait que chaque papillon était l’esprit d’un guerrier cherchant, au long d’un perpétuel voyage circulaire, le retour vers son royaume… » De ce mythe ancestral, la troupe Teatrocinema et son metteur en scène, Zagal, ont extirpé une pièce étonnante qui rappelera à certains ,par la construction de sa narration les films du réalisateur mexicain Alejandro González et par sa poésie étrange ceux de Michel Gondry.
La troupe Teatrocinema use d’un procédé de création original lors duquel les scénaristes conçoivent un storyboard qui préfigure « le spectacle en vignettes dessinées »: ce dernier permet de réaliser le tournage des images projetées ensuite pendant la représentation. Ainsi L’homme qui donnait à boire aux papillons n’est pas une pièce de théâtre ni un film : c’est un hybride  » qui mêle les codes et la grammaire des deux arts ». C’est une expérience théâtrale inédite: « Théâtre et cinéma, comme de la permanence dans l’absence, pour une 3D d’un nouveau type, très incarnée. » Les comédiens interagissant avec les images projetées et évoluant entre deux écrans, troublent nos perceptions et développent un langage inédit où la règle classique des trois unités ( temps, lieu, action) vole en éclats.
Assister à L’homme qui donnait à boire aux papillons enthousiasme par la fusion de diverses techniques modernes. La scénographie ,se mêlant à la cinématographie, ouvre des champs jusqu’alors inimaginables au théâtre: mise en place de flashbacks, de flashforwards, d’ellipses.La caméra donne la possibilité de travailler sur le point de vue et l’on est stupéfié de voir les comédiens en plongée, contre-plongée, travelling….les émotions se nourrissent du mouvement, notre perception ainsi sollicitée jubile.
Tous les sens sont en effet en éveil : on reste bouche bée devant une poussée d’ailes d’un ange, on grimpe dans les arbres avec Filippo, le tympan s’étourdit dans une profusion de sons et de mélodies et l’on sent son coeur battre avec celui de Juan lorsqu’il s’enroule dans ses chaînes de souvenirs. Emporté par cette symphonie sensible, on sourit, on s’inquiète, on compatit, perdu avec les personnages dans des univers parallèles qui nous englobent.
La troupe jongle avec talent avec les genres et les tons: la pièce, tantôt lyrico-dramatique, bouleverse nos âmes dans le cadre très contemporain d’une ville à hauts immeubles, tantôt devient burlesque et emprunte des airs de Comedia Dell’Arte ( d’ailleurs les « masques sont là » et la volubilité aussi…acquise lors des répétitions à Naples?).
Certains spectateurs apprécieront également la mise en abîme perpétuelle du théâtre et du cinéma qui, non seulement suscite une réflexion sur la création artistique fort pertinente mais provoque de nombreux moments cocasses. L’occasion d’entendre jouer en langue espagnole est aussi enrichissant que déstabilisant: d’abord parce que la nécessité de lire les sous-titres crée la frustration et que l’on se dit qu’on retournerait volontiers découvrir ce qui nous a échappé, ensuite parce que l’oreille est obligé à se familiariser avec des timbres de voix moins habituels.
Enfin L’homme qui donnait à boire aux papillons est un voyage humaniste à expérimenter. Au pays de tous les infinis possibles, le texte nous rappelle que l’amour partout est la solution. A dos de papillon, dans un bus dans le désert, accroché aux étoiles dans le ciel, au chevet de sa fille dans le coma depuis des années, au Moyen-Âge, figé dans la pierre, la fragilité d’un battement d’ailes devient un miracle de force, la preuve que tout peut arriver. Et lorsque ces insectes élégants tournoient par milliers dans le ciel, rattrapent les suicidaires au creux des falaises, rappellent aux lâches leurs devoirs, entament leur longue migration au sortir de leurs chrysalides, Filippo nous rappelle peut-être qu’il faut laisser dans notre vie la part belle à l’imagination et à la fantaisie.
A découvrir absolument.

« -Choisis une étoile.
– Celle qui brille, là. »
NB: Un seul ( petit) bémol: la longueur de la pièce. Quinze minutes de moins permettrait d’éviter le tassement du spectateur dans son fauteuil en fin de course…certaines scènes du chevalier et de sa dame mériteraient d’être allégées. Pourtant, paradoxalement, lorsque la lumière se fait, on serait bien resté encore et encore à donner à boire aux papillons…
L’homme qui donnait à boire aux papillons: spectacle crée à Naples en juin 2010.


5 et 6 octobre: Scène nationale de Sète

8,9 et 10 octobre: Festival Temps d’images-Arte/ Scène nationale de Noisiel
13 octobre: Théâtre des Salins, Scène nationale de Martigues
20 au 24 octobre: centre dramatique de Mons ( Belgique)
17 décembre: Scène nationale 61 à Mortagne
21 au 30 décembre: Théâtre des Abesses de Paris
9, 10 février 2011: Scène nationale de Narbonne
15 février: centre culturel Château Rouge à Annemasse.

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