Marion Aubert : Une énergie dévastatrice sur scène

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Par où commencer? La tâche ne s’avère pas simple lorsqu’on veut complimenter sans tomber dans le commentaire flagorneur qui dénaturerait toutes les qualités d’un spectacle jouissif!
Avant toute chose, citons Marion Guerrero: « […]ce qui fait de cette pièce une pièce unique, c’est sans doute son irrévérence absolue. »

Après la « comédie de la Genèse », enlevée et vivifiante à souhait, des Histrions, duo détonant des deux Marions revient pour une comédie familiale et hystérique… au passage, l’hystérie était déjà une note inquiétante de la précédente pièce. Certes, entre temps, les deux jeunes femmes ont monté d’autres projets ensemble ( « ce sera, avec ce spectacle, la sixième fois que je m’attèle à la mise en scène d’un texte de Marion Aubert  » Marion Guerrero) mais l’on retrouve dans Orgueil, Poursuite et Décapitation des réminiscences, clin d’oeil rafraîchi et ravissant, des Histrions.
Le préambule est assuré par un superbe éphèbe noir ébène qui est un miroir du « Monsieur Loyal », L’homme aux cheveux d’or qu’incarnait à l’époque le talentueux Frédéric Borie. Ensuite, l’utilisation de panneaux amovibles qui dévoilent et « meublent » les allers-venues de comédiens « protéiformes » rappelle la scénographie discordante de cette gigantesque troupe colorée qui s’affairait autour de plusieurs armoires sur le plateau. ET on retrouve la vieille du premier rang dans un rôle de belle-mère acariâtre et possessive – et même succès.

Le plaisir de cette pièce, c’est peut-être…

– L’imaginaire délicieux de l’univers de Marion Aubert qui vient nous parler de ces chonchons que nous sommes…ou ne sommes pas.
– les tableaux successifs sans queue ni tête ou presque…qui désorientent et pourtant…gardent le front haut et les idées claires.
– les messages féministes et bougrement pertinents distillés ça et là au gré des dominations masculines.
– la non langue de bois, l’usage du chat que l’on appelle un chat et autres truculences spécifiques du verbe.
– Mais encore? la pétillance des acteurs qui gravitent dans cette comédie folle? L’ énergie dévastatrice sur scène ( la dame Aubert excelle autant par le verbe que dans le jeu!) qui confère au personnage de l’auteur une présence aussi déjantée qu’extrêmement élégante? La scénographie délicieuse de Marion Guerrero qui chamboule à plaisir les énergies de plateau et joue d’entremêlements de combinaisons de meubles roulants?

Une mise en scène délirante, déroutante autant qu’intrusivement intelligente!

Orgueil, Poursuite et Décapitation est une pièce qui fait parler les femmes ( même s’il y figure de talentueux comédiens…) de leurs tiraillements de femmes, de leurs mesquineries, de leurs quotidiens ménagers, de leurs futurs « mémères ou aigries »…les hommes y sont des faire-valoir tantôt violents et irrespectueux, tantôt enfantins ou poètes. Seule, au milieu de ce tumulte de couples qui s’entrechoquent, s’entredéchirent, s’insultent, l’auteur incarné par Marion Aubert « semble » faire figure de proue résistante et garde son identité.
Dans Orgueil, Poursuite et Décapitation, Marion Aubert s’est aussi amusée à mettre en abîme son métier de dramaturge et de comédienne… et il faut bien avouer que ce mardi 9 février 2010, devant un public éclectique, de tous âges et de toutes sensibilités, de l’amateur de théâtre au professionnel, ce fut un succès et les rires ont fusé ainsi que les applaudissements..
Ne serait-ce pas le signe qu’il faut que vous vous précipitiez sur les prochaines dates ou que, si par malchance votre Centre Dramatique National n’a pas encore eu l’audacieuse idée de convier la troupe à s’y représenter, vous alliez vous procurer le texte en vente dans toutes les bonnes librairies???

A bon entendeur!

Quelques répliques du texte…histoire de convaincre les plus coriaces!
« Parfois je délaisse les chonchons pendant plusieurs semaines. Je les abandonne pour faire une sieste. Je rêve de mon pays, de l’autre côté de la tour. Je ne sais plus même pourquoi je l’ai quitté. Après toutes ces années. Je me demande d’où vient ma vocation d’exploratrice. Je pleure doucement. J’ai souvenir d’avoir laissé là-bas un enfant en bas-âge. Je me demande ce que deviennent mes contemporains. Le vent, parfois, m’apporte de leurs nouvelles. » (Marion Aubert)

Titre: Orgueil , Poursuite et Décapitation
( comédie hystérique et familiale)
Auteur: Marion Aubert
Editions: Actes-Sud Papiers
Mise en scène: Marion Guerrero
Dates des représentations :
2010
9 au 12 février 2010 au théâtre de Grammont ( Montpellier)
26 mai au 27 mai 2010 au théâtre Bel-Image ( Valence)
2011:
31 mai au 2 juillet 2011 au Théâtre du Rond-Point ( Paris)
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