putsch-mag

Jean-françois Samlong – Editions UDIR

Partagez l'article !

Jean-François Samlong est le directeur littéraire des Editions Udir depuis 1978 – La Réunion

propos recueillis par

Partagez l'article !
Qu’est-ce qui vous a incité à devenir éditeur ?
J’ai créé la maison d’édition Udir en 1978, pour travailler au renouveau de la littérature réunionnaise qui, à l’époque, était au creux de la vague ; nos auteurs n’étaient pas publiés par les maisons d’édition parisienne. La situation s’est quelque peu améliorée par la suite, mais depuis ces dix dernières années, il est de plus en plus difficile de placer un manuscrit à Paris et on revient à une édition régionale.

Quelles sont les raisons principales qui vous poussent à refuser des manuscrits ?
Première raison : le manuscrit ne présente pas une qualité littéraire suffisante ou alors il n’a pas une marque d’identité forte. Nous sommes une maison d’édition régionale, et nous n’avons aucune raison d’éditer un texte, même très bien écrit, qui ne parle pas de notre histoire, de notre région, de notre avenir. Maintenant, nous pouvons publier le manuscrit d’un écrivain de l’océan Indien qui nous raconte sa vie et ses fantasmes, qu’il soit établi en France métropolitaine, aux Antilles, au Canada ou en Australie. Deuxième raison : nos moyens financiers et les possibilités de diffusion ne nous permettent pas d’élargir notre champ éditorial.

Qu’est-ce qui vous séduit dans un projet littéraire ?
Ce n’est pas tant le thème, mais plutôt l’originalité du ton, la fraîcheur et la spontanéité du style qui crée une émotion à l’état brut ; j’aime bien les personnages qui vivent en pensée, qui donnent l’impression d’être de «chair et d’os », mais ne sortent pas de la fiction ; ils sont « vrais » tout en restant des personnages de papier ! Et pour notre région insulaire si méconnue, il est important qu’ils soient des interprètes et des porteurs de symboles.

Si vous aviez un conseil à donner aux auteurs qui cherchent à publier mais sans succès ?
Qu’ils aient autant de plaisir à réécrire qu’à écrire !

Publiez-vous en majorité des manuscrits que vous aimez ou des textes que le public apprécie particulièrement ?
Il m’arrive des publier des manuscrits que le public apprécie, et que j’aime. Je pense notamment aux contes et légendes qui se vendent très bien. Il m’arrive aussi d’avoir un coup de cœur pour un recueil de poèmes ou un récit autobiographique ; il m’arrive aussi de publier régulièrement des textes écrits en créole réunionnais pour promouvoir une littérature en créole et notre langue régionale.

Pensez-vous que des auteurs de talents puissent être oubliés lorsque leur manuscrit arrive par la poste ?
Sans me considérer comme un écrivain de talent, je peux dire ceci par expérience : j’habite à la Réunion, et je suis publié à Paris depuis 1991 (Seghers, Grasset, Stock, Le Serpent à Plumes, L’Harmattan), et j’ai toujours expédié mes manuscrits par la poste sans qu’il y ait le moindre problème. Et puis rien n’interdit à un auteur de talent «oublié » de frapper à la porte d’une autre maison d’édition ; très rares sont les auteurs de talent qui sont oubliés par les maisons d’édition.

A ce titre, combien publiez-vous par an de manuscrits qui vous parviennent par courrier ?
Etant donné notre champ éditorial, nous ne pouvons pas publier plus de quatre à cinq manuscrits par an, et de plus en plus ils nous parviennent non plus par la poste mais par e-mail.

Pensez-vous que le marché du livre s’adapte à une mode de genre et de style comme peut l’être « la Harry Potter mania» ?
Il ne faut pas se voiler la face, tout éditeur, petit ou grand, rêve d’avoir un «Harry Potter » dans ses fonds, c’est-à-dire un auteur, un titre qui « fasse marcher la boîte ». Mais qu’il soit petit ou grand, un éditeur ne peut pas réduire son activité éditoriale à une mode de genre ou de style, à des coups littéraires, je crois qu’il rêve aussi de découvrir un Julien Gracq, un L.-F. Céline, un François Bon…

Quel regard portez-vous sur l’édition numérique ?
Un regard positif dans la mesure où les maisons d’édition sont submergées de manuscrits, et le format e-book ou mobipocket peut être une bouffée d’oxygène, une porte de sortie, un encouragement à l’écriture ; on a découvert des musiciens et des chanteurs de talent sur Internet, pourquoi pas des écrivains ?

Pensez-vous que l’émergence de l’édition en ligne est une menace suffisamment inquiétante pour que les éditeurs modifient leur stratégie marketing et tentent de renforcer le rapport que le lecteur entretient avec le livre papier ?
Tout d’abord, l’édition en ligne mettra encore du temps avant de présenter une véritable menace pour les éditeurs ; ensuite, lorsque la menace se précisera, les éditeurs qui ont de gros moyens financiers auront eu le temps de se mettre au goût du jour afin de récolter les fruits de l’arbre. Enfin, si le lecteur modifie le rapport qu’il entretient avec le livre papier (ça arrivera un jour ou l’autre avec les nouvelles générations), il est à parier que l’éditeur accompagnera le lecteur dans son élan. Dans l’immédiat, toucher au « livre papier» c’est toucher à l’économie du livre qui, dit-on, est en mauvaise posture depuis des décennies, et aujourd’hui plus qu’hier. Il est vrai que demain on surprendra le lecteur plus souvent devant son ordinateur qu’un livre à la main (il ne fera même plus l’effort d’imprimer le fichier livre). Le livre occupe une place de choix dans la culture occidentale, c’est vrai, mais en même temps tout dépendra de l’impulsion que l’éducation nationale donnera ou pas à l’e-book. J’ai l’impression qu’on se… hâtera lentement.

Vous suivez régulièrement vos titres?
Oui, car c’est important de suivre le parcours d’un livre, d’un auteur ; on parle de la dernière, et aussi de la prochaine publication. Même au sein d’une maison d’édition régionale c’est une dynamique, un rêve qui ne s’arrête pas. Pas de pause ni de répit, mais une attente, un espoir.

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à