Jean-Philippe Toussaint : paradoxes du ballon rond
Par Pascal Baronheid – Les gens qui s’intéressent en même temps à Patrick Revelli et Jeff Koons doivent aussi nombreux que les médaillés Inuit aux Jeux Olympiques et que les lecteurs de Patrick Rogiers. Jean-Philippe Toussaint appartient aux premiers.
Il intitule sobrement et fièrement Football un récit publié sous l’improbable maillot des éditions de Minuit. L’esprit et la lettre du ballon rond ne lui sont pas étrangers. Dès 2006, il signait « La mélancolie de Zidane », puis évoquait la Coupe du monde 2002 au Japon pour des médias français, allemand et japonais. Il en injecte les moments les plus durables dans le présent volume, en même temps qu’il restitue un texte sur Jeff Koons aux 24 heures du Mans, paru une première fois ailleurs, leur adjoignant d’autres raisons d’exulter comme un animal à sang froid. Toussaint n’est pas Eugène Saccomano, non plus Thierry Roland ou Bernard Pivot. Il pose un autre regard, d’esthète apparemment peu ébranlé par l’explosion d’un stade lorsqu’un de ses dieux ose et réussit une figure digne des meilleures faenas. C’est que Toussaint a le tellurisme feutré. Son échelle de Richter ne s’acoquine qu’ avec les touches silencieuses d’un clavier d’ordinateur. Il se revendique d’un « nationalisme ironique ». Faut vous dire Monsieur que chez ces gens-là/ on ne crie pas Monsieur, on ne crie pas, on goûte …
Johan Cruyff, mythique numéro 14, n’a jamais soulevé la coupe Jules Rimet (trophée de la Coupe du monde, qui évoque pour Toussaint « à première vue, l’arrondi d’un gland qui émerge d’un prépuce décalotté » – quand on vous disait que le Belge est un esthète). Son palmarès s’en ressent peu. Il a tellement magnétisé les foules que son seul nom demeure synonyme de prodige. Un admirateur éclairé retrace son parcours hors du commun et les coups de théâtre qui l’ont ponctué. Le footballeur mort symboliquement en 1984 poursuivra les coups d’éclat de l’autre côté de la barrière. On le présente même comme le père spirituel de Pep Guardiola. Puis ce livre épais car documenté est préfacé par un certain Michel Platini. Peut-être est-il incongru de s’y apesantir.
« Football », Jean-Philippe Toussaint, Minuit, 12,50 €
« Johan Cruyff – génie pop et despote », Chérif Gemmour, Hugo Sport, 17,50 €
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