Ernest Pignon-Ernest : Cédez à l’ébahissement

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Par Marc Emile Baronheid – bscnews.fr / Je n’aime pas trop que l’on s’ingénie à voir en Ernest Pignon-Ernest le créateur du street art. C’est sommaire, réducteur, désinvolte, hâtif, commode, léger, inapproprié, irrévérencieux, injuste.

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Ses quelques décennies d’avance sur les légions qui se bornent trop souvent à balafrer l’espace urbain, cette « aventure sans autre exemple qui conjugue maîtrise technique, probité existentielle et faculté d’habiter poétiquement le monde » (Velter), cette émouvante fragilité dans la pose d’empreintes solidaires et l’épanchement de songes tourmentés ne procèdent pas de préoccupations comparables aux déferlements rageurs des commandos d’iconoclastes multicolores.
Depuis 1966, EP-E tatoue les rues, de Charleville à Soweto, de la Palestine à Ivry-sur-Seine. Son tonnerre de Brest est retentissant de silence, accablant de mutisme volubile. Dans l’approche qu’il lui consacre, André Velter a le bon goût de ne pas multiplier les poncifs au péril de l’image. Simplement, il contextualise l’œuvre et ses déroulements éthiques ou poétiques. Car pas question ici d’un faiseur, d’un rapace, d’un Pignon simple fric. Si, par le plus grand des hasards, vous n’avez pas encore croisé Ernest Pignon-Ernest, ouvrez cet album, cédez à l’ébahissement, accueillez le sortilège, laissez-vous porter par les stigmates de la consternation/contestation.

Chez Velter, l’intelligence du monde procède du vagabondage poétique. Il retrouve Ernest Pignon-Ernest par le truchement de poèmes-tracts inclus au recueil qui paraît sous la forme d’un livre-récital né du spectacle proposé conjointement avec le guitariste Pedro Soler. Aux improvisations qui s’accordaient et répondaient à des textes anciens, Velter a voulu répondre par des poèmes inédits, où la force ne s’emploie qu’à forcer le destin. La séquence allant l’amble avec les œuvres d’EP-E entreprend de hausser différemment le ton, de s’engouffrer dans le souffle du poème, de crocheter les serrures de chambres où Barbe-Bleue séquestre l’absolu. Peut-être de vendre la peau de l’ours à qui paie en monnaie de singe.

Autre livre-récital, né de tous les voyages de Velter, lesté de l’or infortuné de tant de caravanes, sur le point de défaire ses malles débordant de soieries aux couleurs « du Japon sans y être » et qui repart de plus belle, porté par les hantises, les magies, les odeurs de bivouac, les rêves d’Icare, les improvisations ensorceleuses du violoncelle de Gaspar Claus.

Errance est un mot si étrange…

avec sa part d’exil volontaire,
de mise à l’écart de soi

et ce murmure sans foi ni loi
qui retourne au mystère

Le poète est celui qui se cherche, avec le fol espoir de ne jamais se trouver.

Le site d’Ernest Pignon-Ernest

« Ernest Pignon-Ernest », André Velter, Gallimard, 50 euros
« Tant de soleils dans le sang », André Velter, un livre-récital avec Pedro Soler et sept poèmes-tracts avec Ernest Pignon-Ernest, Gallimard, 14,90 euros
« Jusqu’au bout de la route », André Velter, un livre-récital avec Gaspar Claus, Gallimard, 15,50 euros

À voir :
Sous le titre « Prisons », Ernest Pignon-Ernest a exposé jusqu’au 29 mars, à la galerie Lelong, 13 rue de Téhéran, 75008 Paris (+33 1 45 63 13 19), un ensemble de photographies et dessins liés à une intervention éphémère à la prison Saint-Paul à Lyon

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