
Adis Simidzija : « Être en paix avec mon identité bosnienne m’a permis d’apprécier encore plus la richesse de mon identité québécoise »
Fondateur de l’organisme à but non lucratif Des livres et des réfugiés, Adis Simidzija est bosnien où il a connu les horreurs de la Guerre en Bosnie-Herzégovine. A 10 ans, il arrive au Québec dans un pays dont il ne connaît rien et surtout pas la langue. A force de travail et au gré de rencontres, il s’insère parfaitement dans la société québécoise grâce aux livres. Aujourd’hui, il est l’une des figures de la vie culturelle québécoise et lorsqu’on lui pose la question sur l’importante de la langue, il répond : « Aujourd’hui, la langue est devenue un outil de renversement de pouvoirs. Un outil d’affirmation de soi. » Un grand entretien sur l’identité, la langue, la littérature et le Québec.
Comment s’est passée votre arrivée au Québec ?
L’arrivée au Québec, ça été très difficile. D’abord parce que ma langue maternelle et ma langue d’usage n’avaient rien à voir avec le français. Ensuite, parce que je trainais derrière moi un lourd héritage. À neuf ans et demi, on n’est pas censé avoir vu ce que j’ai vu. On n’est pas censé être exposé aux affres de la guerre. Rien ne nous prépare à ça. Alors lorsque je suis arrivé au Québec c’était difficile. J’ai mis tous les efforts pour apprendre le français le plus rapidement possible. C’était une question de survie. Il me fallait apprendre à exprimer ce que je vivais, autrement c’était trop difficile à garder pour soi. Cela a pris environ un an avant que je ne sois en mesure de parler comme un enfant de 10 ans parle le français. Les choses ne se sont pas réglées immédiatement, mais aujourd’hui à 32 ans, la langue est devenue un outil de renversement de pouvoirs. Un outil d’affirmation de soi. C’est grâce au français que j’ai pu aborder les traumatismes avec le recul que ça nécessite. Me construire une histoire qui ne réduit pas mon enfance aux seules considérations du conflit armé qui a frappé la Bosnie-Herzégovine.
« Aujourd’hui à 32 ans, la langue est devenue un outil de renversement de pouvoirs. Un outil d’affirmation de soi. C’est grâce au français que j’ai pu aborder les traumatismes avec le recul que ça nécessite »
« J’ai découvert la poésie par le rap », c’est par cette porte que vous avez basculé dans la littérature ?
J’avais une professeure à l’école primaire qui me disait d’écrire. Même si je ne connaissais pas les mots que j’écrivais, c’était important d’écrire. Avoir un crayon dans les mains me sécurisait. Le rap est venu vers l’âge de 12 ans. À l’écriture s’est ajoutée l’écoute. Des groupes français comme IAM, Funky Family, mais aussi le groupe …