Avec le succès époustouflant de la série le Bureau des Légendes, puis le lancement de cette exposition, comment expliquez-vous cet engouement autour de l’espionnage ?
Le monde de l’espionnage a toujours fasciné… Parler d’espionnage, c’est s’engouffrer dans un monde de fantasmes et de clichés. Des histoires peuplées de micros cachés et de caméras miniatures, d’identités troubles et d’opérations clandestines… Cependant, la communauté du renseignement relève à la fois d’une réalité bien plus complexe et d’un quotidien bien moins « cinématographique » pour ses officiers.
« La communauté du renseignement relève à la fois d’une réalité bien plus complexe et d’un quotidien bien moins « cinématographique » pour ses officiers »
Pourrait-on penser que le contexte de ces dernières années en France a fait grandir l’intérêt des Français pour l’univers du renseignement ? Ou va-t-on y chercher quelque chose de plus romanesque ?
Les attentats de 2015 ont marqué un tournant dans la perception, par le grand public, des services de renseignements. Les citoyens ont intégré la nécessité de disposer d’un outil de renseignement performant et ce malgré la méfiance que les services peuvent inspirer. En quelques années, le renseignement est devenu la pierre angulaire de la lutte antiterroriste (entre autre), élevée au rang de priorité nationale. Car si la police et le judiciaire enquêtent et répriment après coup, les services de renseignements sont là pour anticiper et empêcher le passage à l’acte.
Qu’appelle-t-on le premier cercle du renseignement français ?
Le premier cercle du renseignement français regroupe les 6 principaux services de renseignements français : la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), la direction du renseignement militaire (DRM), la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières » (DNRED) et le service traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (Tracfin).
Cette exposition est ancrée dans un scénario. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Passé le seuil de l’exposition, le visiteur se met en effet dans la peau d’un agent de renseignement. On l’attend d’ailleurs pour le briefer sur sa mission.
Imaginez… 8 octobre 2019. Un essai nucléaire de faible intensité vient d’avoir lieu en République Occidentale, pays fictif évidemment. Les représentants des 6 services de renseignements français du 1er cercle se réunissent à la demande du Coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme pour faire un point sur la situation. Le Président de la République réclame une note de renseignement dans les 48h. Vous faites partie des agents sollicités, vous avez le droit d’en connaître : on compte sur vous !
Pas de temps à perdre, c’est le moment pour l’agent-visiteur de partir sur le terrain…
« Passé le seuil de l’exposition, le visiteur se met en effet dans la peau d’un agent de renseignement »
Qu’entend-on par expérience immersive ?
C’est une exposition-narration immersive dans le sens où le visiteur entre dans la peau d’un agent du renseignement français et se retrouve plongé dans une intrigue. Il se voit confier une mission au travers de briefs vidéos et d’un parcours dans des décors, où il devra résoudre une affaire d’espionnage contemporain.
Quel est l’enjeu d’une exposition de ce type ? On imagine que la pédagogie compte pour beaucoup ?
A travers cette exposition, nous souhaitons faire passer 3 messages : acculturer les citoyens au monde du renseignement, bien moins au fait que nos voisins anglo-saxons ou américains, où la culture du renseignement est importante. Permettre au public d’aller au-delà des idées préconçues que l’imaginaire populaire porte sur l’espionnage (non, tous les « espions » ne ressemblent pas à James Bond !). Et enfin, mettre en avant les technologies auxquelles les agents de renseignement ont recours
« Permettre au public d’aller au-delà des idées préconçues que l’imaginaire populaire porte sur l’espionnage (non, tous les « espions » ne ressemblent pas à James Bond !) »
Comment avez-vous travaillé avec les différents services de renseignements pour organiser cette exposition ? On pense notamment au prêt du ISMI-Catcher ?
Pour chaque exposition, nous nous entourons d’experts et d’un comité scientifique, qui nous permettent à la fois de nous apporter du contenu, mais aussi de vérifier que ce qu’on dit est vrai. Pour un sujet tel que le renseignement, il était donc évident pour nous d’aller chercher les compétences de ceux qui font, donc les services de renseignement.
Non seulement nous voulions que le scénario de la mission soit plausible, mais il nous était aussi nécessaire de l’ancrer dans la réalité des pratiques et des techniques du renseignement français… Ils nous ont prêté des objets (dont un imsi-catcher, présenté pour la première fois), donné du contenu, un peu, mais surtout permis d’enregistrer 14 interviews métiers d’agent en activité révélant ainsi les métiers et les compétences des femmes et hommes de l’ombre.
Pourrait-elle provoquer des vocations de jeunes gens au sein des services de renseignements ?
Comme toute exposition présentée à la Cité des sciences et de l’Industrie, cela fait partie de nos missions de service public que de promouvoir les carrières scientifiques et techniques et elles sont nombreuses, passionnantes, au sein des services de renseignements.
Exposition Espions
Du 15 octobre 2019 au 21 juillet 2021 à la Cité des sciences et de l’industrie
http://www.cite-sciences.fr/fr/au-programme/expos-temporaires/espions/lexposition/
( Crédit photos : P.Lévy et N.Breton- Cite des Sciences et de l’Industrie)