« Coronavirus : un scandale d’Etat et un scandale sanitaire » par un pharmacien niçois (très) en colère
Tribune de Bruce Depay, Docteur en Pharmacie et pharmacien à Nice
Chers patients, clients, amis,
Nous sommes confrontés à une crise sanitaire majeure. La situation dans laquelle nous nous trouvons est en grande partie due au gouvernement qui a minimisé depuis le début l’impact et la propagation du CORONAVIRUS.
Revenons sur les faits.
Au mois de décembre le monde est informé de l’apparition d’un virus inconnu en Chine. Ce virus se propage de toute évidence extrêmement rapidement.
Il faut remettre les faits dans leur contexte:
– L’information concerne un pays comme la Chine (pays où l’information est cadenassée). Donc minimisée.
– Chaque jour, le nombre de cas augmente. Ce qui montre les difficultés du gouvernement chinois à juguler l’épidémie.
– Les autorités chinoises informent que des morts sont à déplorer. Ce qui montre la dangerosité, la virulence de ce virus.
– La Chine (et plus particulièrement la région de Huang, épicentre de l’épidémie) est la plaque tournante industrielle du monde. Donc une zone à partir de laquelle de nombreux échanges de personnes et d’équipements se font. Ce qui peut donner à penser que le virus va se propager dans le monde.
Tous ces faits n’alertent pas le gouvernement français.
Au contraire.
Au lieu de commencer à se préparer à affronter une crise sanitaire probable, le gouvernement va continuellement minimiser les faits. Et comble de l’absurdité, il va réquisitionner les masques que la France détient pour les envoyer en Chine. Cette opération est incompressible. Car que représentent
les quelques millions de masques que la France a envoyé en Chine en rapport avec les millions de chinois habitant la zone concernée?
En revanche, ces masques nous font aujourd’hui cruellement défaut.
Ils pouvaient représenter un stock tampon nous permettant d’attendre la production de nouveaux masques.
Leur distribution gratuite auprès de la population aurait pu minimiser l’effet d’inquiétude, le stress que la population peut ressentir quand elle n’a même pas accès à un malheureux masque.
Le sujet des masques n’est pas un sujet anodin.
La France disposait de stock de masques en réserve pour faire face rapidement à une épidémie. Ces stocks ont été d’ailleurs libérés lors de la crise du H1N1 (2009-2010). Heureusement, il n’a pas été nécessaire de les distribuer. Mais la France était prête à affronter la première vague du virus.
En 2012, le gouvernement (de l’époque) a décidé de ne plus constituer ce stock de masques pour des raisons économiques. Car les masques se périment et ils doivent régulièrement être renouvelés.
Le gouvernement de l’époque avait d’autres préoccupations que d’investir dans la prévention d’épidémies hypothétiques. Soit, mais il en est de même quand on assure sa voiture ou sa maison. Les risques sont hypothétiques. Toutefois quand ils se produisent l’assuré est bien content de
faire fonctionner son assurance.
Le gouvernement actuel n’a pas pris la mesure du risque.
J’ai entendu comme vous le Président de la République se réfugier derrière l’avis des « scientifiques » qu’il a consultés.
Les scientifiques étaient partagés au sujet des risques de propagation. Ce que nous pouvons tous comprendre. En revanche, mon avis de citoyen, et de Pharmacien est que le Président, en tant qu’homme d’état, aurait dû choisir le pire des scénarios pour prendre ses décisions.
C’est à dire: une propagation mondiale du virus avec un risque élevé de mortalité et la possibilité d’une mutation du virus rendant l’épidémie incontrôlable.
Envisager un tel scénario aurait eu pour conséquences de bien se préparer à l’arrivée du virus:
La population française consciente de la gravité de la situation aurait pu prendre conscience de l’importance des « gestes barrière ».
Le conseil de se tenir à distance les uns des autres aurait pu être donné entrainant la fermeture des lieux de réunion tels les salles de concert, de théâtre, de cinéma, les stades de foot,… Les restaurants et les bars auraient dû recevoir l’obligation de respecter des distances d’au moins 2 m entre chaque table.
Les stocks des masques que nous aurions gardés auraient pu être distribués à la population. Car il faut arrêter de désinformer la population. Le port du masque et de lunettes (anti-projection) peut éviter une contamination. Il suffit d’un seul contact avec une personne contaminée (qui éternue à votre proximité ou qui envoie un postillon en vous parlant) pour être contaminé.
Les stocks de gels hydroalcooliques et de matière première auraient pu être constitués pour être répartis correctement afin d’éviter la pénurie que nous rencontrons.
Les frontières auraient dû être progressivement fermées avec les pays présentant des foyers épidémiques. Car, bien sûr que le virus ne connaît pas de frontières. Mais si l’on rend plus difficile le passage des frontières on peut par là même ralentir la propagation d’une épidémie.
Au lieu de mettre en place ces mesures de bon sens. Le gouvernement a choisi une toute autre voie:
Minimiser le danger. Plusieurs fois le ministre de la Santé ( Agnès Buzyn) est intervenu pour dire que le danger était écarté.
Le Président de la République est lui aussi intervenu pour dire qu’il fallait continuer à vivre normalement ( fréquenter les cafés, faire des réunions de famille).
Des matchs des foots internationaux n’ont pas été annulés alors qu’ils concernaient des régions d’Europe déjà très atteintes par l’épidémie.
Les frontières n’ont pas été fermées avec l’Italie.
Les avions n’ont pas cessé d’arriver en provenance de Chine, d’Iran…
Nos masques sont partis en Chine.
Les journalistes ont jour après jour relayé les messages rassurants du gouvernement allant jusqu’à ridiculiser les voix s’élevant contre la politique irresponsable du gouvernement. Des médecins ayant la possibilité de s’exprimer à la télévision (M. S.) ont eux même participé à cette désinformation.
Honte à eux.
Aujourd’hui, un retard énorme a été pris dans la prise en charge de cette crise.
Le Président de la République lors de sa dernière allocution télévisée a tenté de mettre de la gravité dans ses propos.
Mais quel crédit peut on donner à une personne qui il y a encore quelques jours (6 mars 2020) allait au théâtre avec sa femme?
La gouvernance d’un pays comme la France demande de l’engagement et une vision. C’est le rôle des gouvernants d’avoir de l’anticipation. Ils ne doivent pas réagir simplement aux évènements. Ils doivent les envisager bien en amont. Pour ne pas donner l’impression qu’ils répondent aux situations au jour le jour.
Je me souviens de la crise du H1N1 de 2009-2010. A cette époque le Ministre de la Santé était Madame Roselyne Bachelot. Une fois la crise passée, elle a été la risée de la presse bien pensante suite à la commande de vaccins qu’elle avait passée auprès des laboratoires pharmaceutiques pour répondre au risque de propagation du virus H1N1. Fort heureusement nous n’avons pas eu à les utiliser. Ils se sont tous périmés. Ce fut une perte sèche pour les finances de l’état. Mais qu’elles auraient été les félicitations si la propagation de l’épidémie avait nécessité l’utilisation de ces vaccins?
J’ai toujours pensé qu’elle avait parfaitement géré cette crise. Et je vous le dis, il n’en est pas du tout de même pour les ministres qui ont l’un après l’autre géré la crise actuelle. Ces personnes auront à répondre devant les français de la manière dont elles auront géré cette crise sanitaire. Ils ne sont pas au niveau.
Le principe de précaution est aujourd’hui un principe qui n’est plus appliqué, écarté au profit des contraintes économiques.
Car oui la SANTE coûte.
En matière de Santé, c’est au Ministre de la Santé de mettre en garde le gouvernement des dangers qu’il identifie comme pouvant survenir. Et par conséquent donner ses préconisations pour protéger la santé de la population.
Si suite aux mise en gardes du Ministre de la Santé le gouvernement ne prend pas les mesures qu’il préconise, il doit en tirer les conclusions qui s’imposent.
DEMISSIONNER. INFORMER LA POPULATION DE SES DESACORDS
Mais quitter sa fonction pour aller briguer une élection, c’est irresponsable.
Aller se répandre dans la presse après coup, c’est indigne.
Nous sommes gouvernés par des irresponsables qui font preuve d’amateurisme dans leur prise de décision.
Je vous parle en tant que pharmacien.
J’ai été révolté par les propos du Président de la République qui lorsqu’il évoque les intervenants de santé parle des médecins, des infirmiers, des aides soignants, des ambulanciers. Mais qui ignore les pharmaciens (et les préparateurs qui nous secondent).
De plus des dotations de masques nous ont été envoyées à destination des professionnels de Santé. Les circulaires que nous avons reçues ne mentionnaient pas les pharmaciens. C’est à croire que nous ne servons à rien. Ce qui ne me surprends pas quand j’entends que le premier ministre ne voit pas d’objection à ce que les médicaments soient vendus sur internet au risque de déstabiliser l’économie des officines de pharmacie.
Mais en période de crise, c’est dans les pharmacies que la population vient chercher des informations, prendre des conseils afin d’affronter la situation, se soigner et se fournir en urgence des médicaments dont ils ont besoin.
Dimanche 15 mars lendemain de l’allocution du Président de la République j’étais de garde (comme beaucoup de mes confrères). Nous avons dû faire face à une vague de personnes très inquiètes. Nous avions une file d’attente qui faisait de nombreux mètres à l’extérieur de la pharmacie.
N’ayant pas reçu de masque de protection nous avons reçu les malades sans aucune protection. Ce n’est pas grave puisque d’après le Ministre de la Santé du moment les masques ne servent à rien. On se demande où il va chercher ses propos?
Mes chers patients, clients et amis j’écris ce mémo afin de vous faire part de ma colère face à la médiocrité du gouvernement, mon écoeurement face aux décisions absurdes qu’il a prise, mon indignation face aux propos qu’il a tenus.
Sachez que nous faisons notre maximum pour vous servir le mieux possible, que nous sommes sincèrement désolés de ne pas pouvoir vous donner des masques et des gels hydroalcooliques pour vous protéger.
Je remercie notre personnel qui nous seconde avec détermination.
Je souhaite que mes propos trouvent un écho auprès de vous et que nous nous rejoignons tous dans le but d’améliorer notre système de défense face aux agressions de toutes origines.
Cordialement.
Bruce DEPAY Docteur en Pharmacie
Un Pharmacien en colère
NB: pour être parfaitement complet, j’ai assisté à une réunion sur le CORONAVIRUS, via internet où plus de 3000 pharmaciens étaient connectés. Le Ministre de la Santé a fait une visite éclair pour quasiment rien nous dire. Seul point positif, il a bien dit que les pharmaciens étaient des professionnels de Santé.
Il serait bien qu’il le glisse dans l’oreille du Président de la République.
#citoyenencolère