Aux côtés d’Iles Salas, Paulina Gaitan et de Johanne Murillo, Cassandra Ciangherotti incarne le rôle de l’une de ces femmes de la haute bourgeoise mexicaine dans les années 1980, qui baignent dans l’opulence, l’ostentation, et la belle vie, sous l’impulsion de la mondialisation naissante. Mais la nationalisation des banques au Mexique entraîne des banqueroutes et des répudiations de certaines familles aisées qui chutent socialement mais qui tentent coûte que coûte de sauver les apparences.
« La Bonne réputation » est une excellente satire sociale sur cette crise mexicaine qui a profondément modifié le pays jusqu’à nos jours et ses moeurs au sein de cette micro-société, produite par les débuts de la mondialisation.
Cassandra Ciangherotti a accordé à Putsch une interview passionnante sur cette époque. Ce film » La bonne réputation » a été réalisé avec brio, et passionnant de bout en bout.
La fracture entre les classes sociales est très prégnante dans ce film. Est-ce propre à la société mexicaine ?
La particularité de ce film, c’est le contexte des années 1980. Mais cette fracture est présente partout dans le monde entre les classes aisées et les classes populaires. Cependant, le contexte politique du Mexique en toile de fond dans ce film montre qu’une partie de la population très aisée a tout perdu alors qu’une classe sociale a émergé de ce contexte économique.
En quoi cette période des années 80-90 est-elle fondamentale dans l’histoire mexicaine ?
Cette situation fut déterminante pour le Mexique. L’augmentation de la valeur du dollar a été fulgurante et c’est encore vrai aujourd’hui. Cela a changé profondément la société mexicaine. Avec la nationalisation des banques sous la présidence de Lopez Portillo, il y a eu un avant et un après dans notre pays et c’est ce que raconte le film.
La place des femmes est centrale dans « La bonne réputation ». Est-ce que leur attitude entre elles et leur goût du luxe sont déterminés par leur classe sociale?
C’est effectivement un film très féminin. Mais il faut bien comprendre qu’elles font partie de la première génération de femmes qui ont eu accès au vote. Elles n’avaient donc pas l’habitude de participer à la vie politique de leur pays car elles avaient été mises à l’écart jusque là. C’est un film qui parle de la condition humaine d’un point de vue de genre.
Ces femmes qui vivent dans le luxe ont quelque chose de très mondialisées. Elles font souvent référence aux USA pour leurs achats vestimentaires ou leurs vacances. Se sentent-elles finalement mexicaines ?
Cela me fait du mal de le dire mais ce sont effectivement des femmes d’une classe sociale très aisée qui n’apprécient plus le bon goût et la beauté de leur propre pays. Mais cela arrive partout dans le monde.
Est-ce que cette fracture est-elle toujours d’actualité au Mexique ?
Oui aujourd’hui, cela reste la réalité. C’est comme en France. Lorsque je suis venue en France pour la première en France à l’âge de 14 ans, et que je me suis promenée sur les Champs-Elysées, il n’y avait que des magasins français alors qu’aujourd’hui, j’y suis retournée et je n’y ai vu que des marques mondialisées. Au Mexique, c’est exactement la même chose avec des classes très aisées qui n’ont plus d’enracinement dans leur propre pays, et qui méconnaissent sa culture, son art et son bon goût.
Quelle est la place aujourd’hui d’un film comme celui-ci dans l’industrie du cinéma ? Et quel est votre regard sur les blockbusters qui trustent le marché du cinéma ?
Dans les personnages de ce film, on peut tous s’y reconnaître. Bien des aspects de ces gens sont notre propre reflet. Concernant les blockbusters, ils lobotomisent le cerveau des gens et ça me gêne énormément.
Et comment se porte le cinéma au Mexique ?
Le cinéma, c’est finalement très démocratique car on paie pour ce qu’on veut voir. Si le cinéma très mauvais est plébiscité par les gens qui paient un billet pour voir ces films, c’est malheureux. Et puis il y a un très beau cinéma, spectaculaire, notamment de films mexicains vu par quatre personnes. Il n’y a que les gens qui peuvent changer ce rapport.
En tant qu’actrice, n’avez-vous pas un rôle à jouer dans ce changement ?
Ce que je peux en tant actrice, c’est lorsque j’accepte des rôles qui ne me plaisent pas forcément car je suis obligée de travailler, c’est de donner une autre dimension à ces mauvais rôles, une autre cosmogonie, une autre vision et quelque chose de plus profond. C’est ce que je peux apporter à mon niveau.
La bonne réputation
de Alejandra Marquez Abella
2018 – 93 minutes
( Traduction Maya Leyva)
« Viva México »
du 2 au 8 octobre à Paris
Cinéma « Luminor Hotel de Ville – 20 rue du Temple – 74004 Paris
du 9 octobre au 6 décembre en 14 villes françaises
Pour plus d’informations et billets : https://www.viva-mexico-cinema.org/