Grand débat : vote blanc, grosse arnaque ou nouvelle mascarade?
Tribune de Philippe Pascot – écrivain – politologue, ancien homme politique
Lors de ses allocutions à l’occasion du Grand Débat National, Emmanuel Macron s’est dit ouvert aux discussions – ce qui n’engage à rien – sur le sujet de la prise en compte du vote blanc, afin, dit-il, de le rendre enfin déterminant dans le résultat d’une élection.
En effet, depuis la loi du 21 février 2014, les votes blancs, c’est-à-dire n’exprimant « aucun choix », sont comptabilisés séparément des votes nuls mais n’ont toujours aucune incidence sur le résultat de l’élection.
Pour résumer : aujourd’hui, on a donc le droit de s’exprimer avec un vote blanc sans que cela compte réellement, mais on compte réellement les votes blancs sans que cela donne droit à être des exprimés. Simple comme une arnaque : circulez, il n’y a rien à voir !
« Aujourd’hui, on a donc le droit de s’exprimer avec un vote blanc sans que cela compte réellement, mais on compte réellement les votes blancs sans que cela donne droit à être des exprimés »
Cet « événement », à l’époque présenté en grande pompe dans toute la presse comme une « avancée démocratique » n’a donc été qu’un leurre de plus pour calmer les esprits. Pourtant, depuis déjà bien longtemps et même plus, la prise en compte « politique et réelle » du vote blanc est l’une des revendications redondantes de l’électorat, écœuré d’assister à ces fausses alternances avec quasiment toujours les mêmes types de personnes à sa tête. Selon un récent sondage BVA, 80% des Français y seraient même favorables, ce qui concorde avec l’augmentation régulière du nombre de votes blancs (et nuls) déposés dans les urnes depuis 1958.
D’ailleurs depuis cette date, plus de 43 propositions de loi ont été faites dans ce sens – j’en relate le contenu en détail dans Pilleurs d’État – mais, bizarrement, aucune n’a véritablement abouti.
Cette question devient aussi un produit d’appel de campagne électorale, facile à dégainer avant l’élection pour mieux le remballer après chaque échéance. Aujourd’hui, sens de la communication exacerbée et nouveau monde oblige, on nous propose plutôt de changer l’emballage de ce produit démocratique, tout particulièrement avec cette pseudo-proposition relookée dans un « je vous ai compris » émise par notre Président, à savoir rendre le vote blanc révocatoire si au moins 50% des inscrits l’expriment.
Mais, et c’est là, la subtilité de cette mascarade : en plaçant le seuil d’efficience sur les inscrits et non sur les votants, tout en laissant la porte ouverte à l’abstention hors des urnes, le moindre électeur de base comprendra immédiatement que jamais ce seuil fatidique des 50% d’inscrits ne pourra être atteint. Il continuera donc à s’abstenir d’aller voter « puisque cela ne sert à rien… », son bulletin blanc n’ayant toujours aucune valeur et ou incidence politique réelle.
« Le moindre électeur de base comprendra immédiatement que jamais ce seuil fatidique des 50% d’inscrits ne pourra être atteint. Il continuera donc à s’abstenir d’aller voter « puisque cela ne sert à rien… »
Cette proposition gratuite n’est donc que l’expression malsaine d’une manipulation du peuple pour que celui-ci puisse encore, de façon totalement illusoire, croire qu’il est maitre de son destin. Cela reste néanmoins de la « poudre de perlimpinpin » comme dirait ce même Président, c’est à dire un remède prétendument miraculeux qu’il sait totalement inefficace. Le malade continuera à être malade mais, au moins, il aura le sourire de celui qui croit être guéri en avalant son placébo. On nous avait déjà fait le coup avec le R.I.P. (Référendum d’Initiative Populaire), mis en place sous Nicolas Sarkozy, qui s’est traduit dans les faits par des conditions quasi impossibles à remplir – 4,5 millions de signatures avec l’ajout de 185 parlementaires.
« On nous avait déjà fait le coup avec le R.I.P. (Référendum d’Initiative Populaire), mis en place sous Nicolas Sarkozy, qui s’est traduit dans les faits par des conditions quasi impossibles à remplir – 4,5 millions de signatures avec l’ajout de 185 parlementaires »
De plus, la mise en place de ce procédé « roublard » permettra de contourner une réforme constitutionnelle, qui serait obligatoire si le vote blanc entrait vraiment dans les « exprimés » avec des bulletins blancs distribués aux électeurs au même titre que les autres – car, au moins pour la présidentielle, la Constitution impose une élection à la majorité absolue des suffrages exprimés.
À mon sens, qui n’est que du bon sens, faire des votes blancs des suffrages exprimés ne rime strictement à rien sans une participation obligatoire aux élections. En effet, le vote blanc exprimé ne peut véritablement être représentatif et politique que si la totalité des citoyens se déplace pour voter. Supprimer l’abstention est la seule condition pour pouvoir mesurer réellement le mécontentement de l’offre politique générale et instaurer ainsi de facto un possible vote révocatoire sur la base des inscrits.
« Le vote blanc exprimé ne peut véritablement être représentatif et politique que si la totalité des citoyens se déplace pour voter »
Les trois aspects – vote obligatoire, comptabilisation en exprimé du vote blanc et fonction révocatoire de ce dernier – sont donc intimement liés et ne constitueront une véritable « avancée démocratique » que mis en œuvre de concert. Toute autre promesse de la part d’un homme politique, fût-il président, n’est qu’un miroir aux alouettes avec tromperie sur l’emballage et déni de vraie démocratie.
Contrairement à des avis propagés dans les médias et sur Internet, le vote blanc n’est pas une absence de choix, c’est, au contraire, l’expression d’un ras-le-bol, le choix conscient et politique de refuser l’offre de « produits politiciens » frelatés et ou périmés, qu’ils soient de gauche ou de droite.
« Contrairement à des avis propagés dans les médias et sur Internet, le vote blanc n’est pas une absence de choix, c’est, au contraire, l’expression d’un ras-le-bol, le choix conscient et politique de refuser l’offre de « produits politiciens »
Plus de 22 pays ont instauré le vote obligatoire. La plupart affiche un taux de participation de 80%, voire plus comme en Australie, où le vote obligatoire est institué depuis 1924. Un véritable vote blanc à visée révocatoire existe également dans certains pays d’Amérique latine. Dans ces pays, si une majorité des votes exprimés est constituée de bulletins blancs, l’élection est annulée ; une nouvelle est organisée qui, elle, ne peut plus être révocatoire. Dans ce cas, les candidats à la première élection ne peuvent plus se représenter. Et ceci n’entrave nullement le processus démocratique, bien au contraire ! Il y aurait là de quoi prendre exemple pour nos démocraties occidentales !
Alors, Messieurs les politiques, qui de vous aura le cran de vraiment s’en emparer ?
Philippe Pascot – écrivain – politologue, ancien homme politique
Auteur du livre « Pilleurs de vies » paru aux éditions Max Milo
Chevalier des Arts et des Lettres