Dominique Dalcan : « Beaucoup de groupes en musique électronique ont des alias. Je suis de cette culture-là »

Partagez l'article !

Invité vedette de la 3ème édition du MIDI Toulon Festival qui se déroule les 26, 27 et 28 octobre prochains Dominique Dalcan y présentera en live et en avant-première son dernier album qui est le deuxième volume de Temperance (Victoire de la musique électro 2018). Ce concert se déroulera le 26 octobre en ouverture de ce nouvel événement musical qui, jusqu’au 28 propose des concerts, des dj sets et des ateliers.
Personnalité déroutante de la chanson française révélée dès les années 90, Dalcan sort du lot des jeunes musiciens de sa génération. Petits morceaux d’anthologie, certaines de ses chansons sont considérées par les amateurs les plus exigeants comme des chefs-d’œuvre d’orchestration mêlant subtilement trip hop, violons ou samba brésilienne… Pourtant rien ne destinait cet artiste à cette consécration !

propos recueillis par

Partagez l'article !

Dominique, on a du mal à croire que vos études musicales se limitent à quelques notes égrenées sur le piano de la famille…

Pourtant, je suis un autodidacte et je fais de la musique de manière empirique. Le piano est présent dans l’entrée, ma sœur y joue difficilement des pièces des compositeurs du XIXeme. Je joue en cachette pendant ses pauses. Ca n’est pas forcément brillant, mais avec le recul, ça faisait de l’effet. John Cale qui rencontre Brian Eno, une sorte d’ambient music folklorique. Je ne me souvenais jamais des accords que je faisais. Ça n’a pas changé d’ailleurs ! J’ai vraiment commencé à composer à la basse, en apprenant à jouer sur « Joy Division » et « New Order ».

 

Vidéo officielle de : « Done enough for you man » (publié sur Youtube)

 

Vous décrochez une licence en lettres. C’était pour faire plaisir aux parents ou par goût des mots et des grands auteurs ?

On veut toujours faire plaisir, c’est d’ailleurs une faillite. Il était question de gagner du temps il me semble.

Et ensuite ?

Je me suis dis que ce serait un pari de commencer à travailler pour moi.

Vous allez travailler pour le cinéma, dans l’ombre de papa… Mais il n’y aura pas de suite. Vous décidez de faire une carrière musicale. Je suppose que ça n’est pas arrivé d’un coup, qu’il y a eu un révélateur ?

Mon père était directeur photo à la télévision. Je n’ai jamais collaboré avec lui hélas. Il m’a laissé une grande liberté d’action. La musique lui semblait inconnue, c’était donc une issue inévitable pour moi. J’avais des aptitudes à chanter et à bidouiller des morceaux sur un 4 pistes à K7. Je ne pensais pas que ça occuperait tant la suite de ma vie…

 

Quand vous entrez en musique, vous voulez quoi ? Devenir compositeur ? Interprète ? Les deux ?

A ce moment-là, je veux être chanteur en racontant des histoires, je définis mon vocabulaire, ma grammaire en tant que song-writter. Je n’ai pas dérogé à ça.

 

« Mon premier concert a eu lieu aux Transmusicales de Rennes. Je jouais avec un ordinateur Atari sur scène. C’était rare à l’époque »

 

C’est à cette époque là que vous produisez une cassette dont personne de veut…

Je fais des démos sur cassette à cette époque mais cela reste des souvenirs d’adolescence. Un peu plus tard, j’enverrai des démos repérées par le label Crammed discs, ce sera le début de ma carrière phonographique.

 

Sur cette cassette on trouve quoi : de la musique, des chansons, des deux ?

Oui, les deux. Des instrumentaux à la Harold Budd et des chansons mâtinées d’Eyeless in Gaza tutoyant Cabaret Voltaire. Par la suite, dans les démos qui me permettront de travailler avec le label, on trouve les ébauches du disque « Entre l’étoile et le carré ».

 

Et y trouve-t-on déjà le substrat des grands succès à venir ou c’est encore un peu brouillon, hésitant, angoissé comme vous le serez longtemps avant d’entrer sur scène ?

C’est ni l’un ni l’autre, juste le travail qui se fait. Et si j’ai eu parfois le trac, c’est surtout du fait de la technologie embarquée.

 

Quand arrive le premier CD en 199, comme vous traquez, vous préférez effectuer des concerts acoustiques. Est-ce le début de la grande aventure?

Mon premier concert a eu lieu aux Transmusicales de Rennes. Je jouais avec un ordinateur Atari sur scène. C’était rare à l’époque. Je me souviens d’ailleurs d’un plantage particulièrement déstabilisant… Par la suite, pour des raisons économiques, j’ai joué en acoustique et c’est plus difficile qu’en électrique. Mais je recherchais une fluidité dans la performance. Ce trio basse, guitare, cello m’a procuré beaucoup de joie… Et également la place pour la voix. C’était une belle époque.

 

« J’aime le minimalisme ainsi que les post modernes. Bryars, Eno, Nymann, Reich…
Compatibles avec mon sens avec les voicing américains de Brian Wilson »

 

C’est en 1994 avec votre deuxième album, « Cannibale », que vous faîtes votre vraie rentrée sur la scène musicale. C’est à la fois extrêmement stylé, travaillé, peaufiné avec des maîtres du genre… Une autre marche pour vous ?

« Cannibale » est un disque important car il concrétise ma vision du son. Il mélange mes envies anglo-saxonnes, l’orchestre en tant qu’instrument et aussi la sensation de faire quelque chose de nouveau sur la scène française du moment. J’ai rencontré David Withaker (Gainsbourg, Mariane Faithfull) qui a arrangé deux titres ainsi que l’ingénieur du son de Scott Walker, une de mes références de l’époque. Je mixais mon environnement sonore à mes influences d’auteur comme Michel Leiris, en ajoutant , in fine, un visuel solaire, méditerranéen.

 

Vous baigniez dans l’ambiance rock anglaise des années 60. Mais vous êtes séduit, fasciné autant par la musique électronique de Philip Glass que par les répertoires de Gainsbourg et de Bashung. Les noces (musicales !) devaient être un peu compliquées…

J’aime le minimalisme ainsi que les post modernes. Bryars, Eno, Nymann, Reich, …compatibles avec mon sens avec les voicing américains de Brian Wilson. Gainsbourg cherche au long de sa carrière à se réinventer à chaque disque, je le comprends totalement. Bashung vient du rockabilly, c’est autre chose…

 

Deux ans plus tard arrive votre album « Le Cheval de Troie » suivi, en 1997 d’un autre sous le pseudo de Snooze. Pourquoi ce changement de nom ? Un peu schizo ?

Beaucoup de groupes en musique électronique ont des alias. Je suis de cette culture-là. Il y a l’idée de ne pas tromper son monde, et de donner les bonnes indications à l’auditeur. Je ne suis pas sûr que l’on qualifie de schizophrénique : Four Tet, Aphex Twin, Cassius ? Ou même dans un autre genre Damon Albarn ? Le Ep « Cheval de Troie » est en avance sur son temps. C’est vraiment une histoire illustrée. Mon seul disque conceptuel. Il en sera issu des remixes de Matthew Herbert alias Doctor Rockit et Autechre.  Snooze avec le premier album « Man in the Shadow » est la bande son d’un film imaginaire. Ce projet m’amène sur une autre scène, vers un public international. Sans Snooze, il n’y aurait pas « Temperance ».

 

D’autres albums et des musiques de films vont suivre jusqu’à votre prestation scénique aux côtés de Vanessa Paradis et de Benjamin Biolay… C’est décisif ?

En rien.

 

Et cette année le trophée des musiques électroniques, ça  doit secouer un peu ?

C’était un beau moment de partage !

 

Le 26 octobre vous serez l’invité du Midi Festival de Toulon pour présenter le deuxième    volume de « Temperance ». S’inscrit-il dans la lignée du précédent ou alors, comment le définiriez-vous ?

Ce nouvel album est la suite homogène de « Temperance » volume 1. Les techniques employées sont les mêmes. C’est à dire, faire un traitement électronique pour un résultat organique et sensible. La voix est au centre, elle y reste, affirmée et fragile à la fois.  Ce volume 2 parle dans le détail d’une galerie de portraits alors que le volume précédant s’attache à l’environnement du monde qui nous entoure. Par exemple, le morceau « Done Enough for your Man » par exemple parle du prix à payer pour être fidèle à ses aspirations, quelle que soit l’adversité. « Melt Together » pointe l’ironie des réseaux sociaux et de la virtualité des contacts physiques et relationnels. « Whatever She Wanted » fait le constat du temps qui passe et de notre progression à travers le temps justement.

 


Pour aller plus loin…Le 26 octobre Dominic Dalcan, participera au Midi Festival, Opéra de Toulon (83). Le 1er décembre il sera au Centre Culturel de l’Entente Cordiale d’Arras (62). En 2019, le 30 janvier il s’exibira à l’Intime Festival de Saint Avertin (37).

 

(Crédit photo à la une : Dominique Dalcan ©DR)

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à