Le parti Québécois : la stratégie du nivellement par le bas
Militante indépendantiste québécoise, Audrey Perreault est l’auteure de plusieurs textes d’opinions publiés ces dernières années dans Le Devoir et La Presse. Diplômée en littérature, elle travaille dans le milieu de l’édition.
Niveler par le bas. Cette expression revient souvent lorsqu’il est question d’éducation. On y réfère dans ces moments où on choisit, dans une certaine mesure, de baisser les bras.
Les moments où, par exemple, par peur qu’un trop grand nombre d’étudiants échouent, on allège la tâche, on modifie les règles. Plusieurs dénoncent cette pratique qui, à long terme, mène à la stagnation, ou encore à la régression. Mais quand dénoncera-t-on avec la même ferveur le nivellement par le bas en politique ?
Cette semaine, en lisant l’article « Les 100 premiers jours de Jean-François Lisée » dans La Presse, c’est la première expression qui m’est venue en tête. Le chef péquiste y rappelait sa promesse sur la question nationale, qui consiste à ne pas tenir de référendum avant un éventuel deuxième mandat, et cela, parce que les électeurs « ne sont pas dans le « mood » de prendre de grandes décisions ».
« Il n’est, malheureusement, pas rare d’entendre nos politiciens dicter avec conviction ce que les Québécois « veulent » ou « ne veulent pas », ce à quoi ils sont «prêts » ou « non »
Ainsi, le Parti québécois « ne fera pas de geste de souveraineté » et se limitera à mener « les combats du Québec au sein du Canada », le tout en accordant « [des] sommes relativement mineures » pour mettre à jour quelques études sur la souveraineté. Rien de nouveau, certes, mais je n’ai pas pu m’empêcher de sourciller en lisant cette affirmation, aussi condescendante que gratuite, sur le supposé « mood » de mes concitoyens.
Pourtant, ce n’est pas la première fois. Il n’est, malheureusement, pas rare d’entendre nos politiciens dicter avec conviction ce que les Québécois « veulent » ou « ne veulent pas », ce à quoi ils sont « prêts » ou non.
Comme si les Québécois étaient un groupe homogène incapable d’évoluer. Et si c’était vous, chers politiciens, qui ne vouliez pas ? Si c’était vous qui n’étiez pas prêts ?
Comme jeune indépendantiste, mon attention se porte nécessairement davantage sur le parti qui a pendant longtemps défendu cette idée qui m’est chère en espérant – de moins en moins, mais tout de même – y trouver une politique plus ambitieuse. Après tout, n’est-ce pas le rôle des indépendantistes d’inspirer les Québécois à cesser de se contenter de peu ?
« Comment peut-on le faire en disant aux Québécois sans cesse qu’ils ne sont « pas prêts » pour un référendum ? Qu’ils ne sont pas « dans le mood » pour de grandes décisions ? »
Comment peut-on le faire en leur disant sans cesse qu’ils ne sont « pas prêts » pour un référendum ? Qu’ils ne sont pas « dans le mood » pour de grandes décisions ? Ne contribue-t-on pas ainsi à cristalliser cette impression que notre option est vouée à l’échec ? Qu’elle n’est plus d’actualité ? N’est-ce pas se présenter comme vaincu d’avance ? Et, surtout, n’est-ce pas avouer un manque de confiance important en l’intelligence des électeurs ?
Convaincu que ceux-ci échoueront le test, le chef péquiste a décidé qu’ils n’auraient tout simplement pas à s’y soumettre. Qu’ils n’auraient même pas à étudier la matière. Tout cela dans l’espoir d’obtenir la note de passage pour son parti.
C’est l’apogée de la démission qui, depuis aussi longtemps que je me souvienne, caractérise le Parti québécois.
« C’est l’apogée de la démission qui, depuis aussi longtemps que je me souvienne, caractérise le Parti québécois »
Quand passera-t-on à autre chose ? Et, de grâce, ne me répondez pas « dans l’horizon 2022 » !
Est-il irréaliste d’espérer que les élus qui nous représentent respectent l’intelligence des gens qui les élisent et se présentent devant eux en défendant clairement leurs convictions ? Peut-on espérer comme indépendantiste que les élus qui prétendent partager nos convictions cessent de blâmer les Québécois pour leur propre incapacité à avoir de l’ambition ?
Baisser les bras. Alléger la tâche. Changer les règles. Tant de manifestations d’une peur trop confortablement installée dans l’élite indépendantiste. Tant de choix qui ne cessent de faire stagner notre mouvement, de l’affaiblir. Des choix qui n’inspirent pas confiance et qui alimentent le cynisme. Avec une telle attitude, M. Lisée, il ne faudra pas se surprendre si le 1er octobre prochain, vos concitoyens renvoient votre parti faire ses devoirs.