Pascal Pointud: « Ces aides annoncées par Gabriel Attal sont comme des respirateurs artificiels. Elles maintiennent en vie mais au final on sait que le patient mourra »

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Pascal Pointud, ancien Vice-Président national du mouvement de la ruralité, chroniqueur chez Tocsin et chez Ligne Droite, nous propose une analyse sans concession sur la révolte des agriculteurs confrontés à la politique bruxelloise et à la surdité du gouvernement et d’Emmanuel Macron. Pascal Pointud évoque des solutions concrètes pour sauver notre agriculteurs et nos paysans.

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Que doit-on comprendre de cette exemption partielle des 4% de Jachères annoncée par l’Union européenne ? Lorsque la France se tourna vers la mécanisation de son agriculture, on obligea nos paysans à passer au remembrement entre 1955 et 1975. Ce fut donc la destruction des petites parcelles au profit d’une réorganisation et ipso facto de la destruction du bocage, des haies des bosquets et même d’assécher les mares. Pour cela, nos paysans ont bénéficié d’aides publiques et aujourd’hui, afin qu’ils puissent percevoir des aides européennes pour remettre de la biodiversité, recréer des habitats naturels pour les oiseaux, remettre en place les zones humides, il a fallu que des technocrates comprennent que pour éviter l’érosion des sols et des inondations touchant les zones périurbaines qui se rapprochent de plus en plus des zones agricoles, il fallait fixer les terres agricoles. Donc en résumé, on a payé pour détruire la biodiversité et on repaie pour remettre ce que des érudits en blouses grises ont pondu. Des génies, je vous dis! Les 4% de jachère sont là pour permettre à nos paysans de percevoir la nouvelle PAC en protégeant l’environnement. Nos paysans n’ont pas attendu des directives européennes pour replanter des haies, remettre des zones humides, ressusciter des mares. Mais où Bruxelles a sévi, il y a 50 ans environ, Bruxelles impose dorénavant. Ainsi, on a enlevé des aides précieuses pour garantir un faible revenu et cette exemption partielle n’est actée que pour 2024 sans assurance pour l’avenir. On ne doit pas faire payer  aux paysans ce que les technocrates de Bruxelles ont inventé !

« On ne doit pas faire payer  aux paysans ce que les technocrates de Bruxelles ont inventé ! »

Que pensez-vous des aides apportées aux agriculteurs par Gabriel Attal ? Sont-elles de nature à calmer la colère? Les aides pour le moment annoncées par Gabriel Attal sont surtout des reports de remboursement de prêts et donc ce qui est remboursable n’est jamais une aide puisque il faut justement les rembourser. On a vu avec les PGE lors de la crise sanitaire que les faillites ont augmenté de façon exponentielle depuis 2 ans dans des proportions jamais observées. Ces aides sont des primes pour l’arrachage de vignes mais ensuite que fera le viticulteur ? La baisse pour les éleveurs de semi et de montagne n’a pas été résolue. Il n’y a eu aucune annonce sur la filière ovine qui souffre terriblement depuis les années 80. En réalité, ces aides sont comme des respirateurs artificiels. Elles maintiennent en vie mais au final on sait que le patient mourra. 150 millions d’euros pour les éleveurs, ramenés à chaque exploitation représente moins de 1000€. C’est une blague plutôt qu’une solution et surtout absolument rien sur les transmissions des exploitations alors qu’il faut exonérer de frais les successions et repenser totalement le processus.

« En réalité, ces aides annoncées par Gabriel Attal sont comme des respirateurs artificiels. Elles maintiennent en vie mais au final on sait que le patient mourra »

Quel regard portez-vous sur le traitement médiatique de la révolte des agriculteurs ? Le traitement médiatique fut une belle réussite pour l’opinion publique et pour nos paysans en étant très massivement soutenus tout en évitant le blocage de trop qui aurait exaspéré nos concitoyens, ce conflit a permis de tirer plusieurs conclusions. On peut manifester et se faire entendre en France sans pour autant casser ou brûler, que nos policiers et gendarmes ne se sont jamais plaints des manifestants et que l’osmose a bien pris avec les Français. Néanmoins, il faut aussi en conclure que, pour une fois, la FNSEA n’a pas géré la crise de A à Z et sa base l’a totalement dépassée alors que dès les prémices elle avait demandé à ses adhérents de ne pas y participer préférant sa vieille technique éculée de traiter directement avec l’exécutif sauf que l’origine du mouvement vient d’un paysan du Sud Ouest indépendant. Et puis s’est engouffrée la Coordination rurale qui a démontré sa vision pragmatique de la situation et qui a obligé la FNSEA a rentrer dans la bataille. Reste que Gabriel Attal a toujours privilégié d’abord le dialogue avec Arnaud Rousseau et les Jeunes Agriculteurs démontrant ainsi qu’il se contrefiche des 2 autres syndicats et que les vieilles recettes continuent à se mettre en place.

« Pour une fois, la FNSEA n’a pas géré la crise de A à Z et sa base l’a totalement dépassée alors que dès les prémices elle avait demandé à ses adhérents de ne pas y participer préférant sa vieille technique éculée de traiter directement avec l’exécutif »

Nos paysans sortent grandis médiatiquement de ce conflit mais je ne suis pas certain que tout cela améliorera leur quotidien puisque les vraies réponses ne peuvent venir que de l’Union européenne et comme malheureusement la macronie n’a jamais remis en cause les accords de libre-échange, je ne suis pas certain que demain sera meilleur qu’aujourd’hui. La guerre médiatique a été gagnée par ceux qui représentent le mieux nos campagnes, nos territoires ruraux car les escrologistes en ont tellement fait et de façon totalement délirante et mensongère que les Français ont compris le message des vrais bosseurs et non de ceux qui se réclament du droit à la paresse ou de la viande artificielle et du véganisme. Les Français aiment manger de bons produits et ces manifestations ont démontré une adhésion massive à nos racines, à notre culture, soit-elle gastronomique mais le rejet massif des « escrologistes » se verra dans les urnes en Juin.   Emmanuel Macron va rencontrer la Coordination rurale et la Confédération paysanne cette semaine. A-t-il enfin pris conscience de la gravité de la situation? Tout d’abord il faut savoir que plus de 55% des Paysans ne sont pas syndiqués, que d’élection en élection en chambres d’agriculture la FNSEA recule, donc la base représente d’abord une vision réelle du malaise et les syndicats comme la Coordination rurale a su mettre en avant ses troupes quand la FNSEA n’avait qu’à montrer le Président du Conseil d’Administration du Groupe agroalimentaire AVRIL qui a le cul entre deux chaises, à savoir celui d’administrer 15 sociétés en relation avec l’agriculture mais aussi celui de l’industriel qui a voulu la taxation du GNR. Mais le verdict viendra des urnes et la chance pour la FNSEA c’est qu’elles auront lieu qu’en 2025 ce qui leur laissera le temps peut être de remettre la main sur une base méfiante.   Quelles seraient selon vous les mesures immédiates et urgentes à prendre pour entamer le sauvetage de notre agriculture ? Le temps est venu de repenser notre agriculture. Si nous devions continuer à ce rythme-là, dans moins de 20 ans, il ne restera que des industriels, où devons nous proposer aux éleveurs de revoir à la baisse le cheptel mais en leur garantissant un prix qu’ils auront fixé en écoulant par eux-mêmes une très grande partie de leur production, il faut revenir à un patriotisme agricole mais surtout convaincre nos paysans d’être à la fois producteurs éleveurs mais aussi commerçant. Je sais bien que ce terme les horripile mais leur survie passe inexorablement par là.

« Il faut revenir à un patriotisme agricole mais surtout convaincre nos paysans d’être à la fois producteurs éleveurs mais aussi commerçant »

Il faut aussi constater que les abattoirs municipaux disparaissent au profit des industriels comme le groupe Bigard alors que je fus un des premiers responsables politiques à promouvoir l’abattage mobile qui présente bien des atouts (plus de transport donc plus de stress pour l’animal et donc une viande de meilleure qualité, un investissement entre 1 et 1.5 million € qui est tout à fait supportable alors que la remise aux normes par exemple de l’abattoir de chez moi à Ambert coutera environ 8 millions € et que la survie n’est pas actée. C’est l’éleveur qui gère l’emploi du temps et il n’est plus dépendant de l’abattoir traditionnel, on supprime aussi bien des intermédiaires en garantissant la même sécurité alimentaire et vétérinaire. J’ai appuyé l’initiative d’Emilie Jeannin en Côte d’Or mais qui malheureusement a subi le covid lors du lancement de son abattoir mobile et a du à cause du confinement mettre un genou à terre. Mais l’initiative permettrait d’enrôler plusieurs collectivités sur un même projet puisque des départements limitrophes pourraient être traités avec ce système innovant. Il faut multiplier aussi notamment pour l’ovin la renaissance des races anciennes. Je suis pour un élevage de races anciennes mais si adaptées à son territoire, de promouvoir un élevage de territoire qui serait un gage d’identité. Je l’ai proposé notamment pour la brebis Rava emblématique des volcans d’Auvergne, facilement identifiable et j’avais négocié avec l’UMIH 63 qui validait mon projet de mettre à la table des restaurants avec une cuisine différente de cet agneau de territoire que le touriste rencontre lors de ses randonnées sur nos volcans et qui avec pédagogie pourrait être expliqué et dégusté lors du déjeuner dans les restos avoisinants des volcans. J’avais également trouvé dans le déchet qu’est la laine de cette brebis l’opportunité de la recycler en laine d’isolation pour les bâtiments et donc de redonner un revenu supplémentaire tout en préservant la race et en la développant avec des jeunes éleveurs qui auraient été aidés financièrement par les collectivités. Rappelons-nous que l’agneau du Pré Salé a une véritable notoriété ou celui du Quercy, pour les céréaliers. J’avais rencontré dans la Lozère des élus et des agriculteurs qui ont ressuscité une blé ancien, remis en marche un moulin et qui ont du coté de Villefort entraîné une dynamique avec des boulangers du territoire acteurs de leur propre savoir faire avec les paysans et ont remis au goût du jour un pain et des viennoiseries typiques à ce territoire. Ça marche du tonnerre ! Les solutions passent pour moi par le localisme, le territoire mais pas forcément par une agriculture productiviste trop pénalisante pour le paysan qui ne maîtrise plus rien et qui ne facture plus rien. Je suis aussi pour les 63% de communes n’ayant plus aucun commerce d’installer en ayant négocié avec des paysans locaux, l’installation dans les villages désertés où nos Anciens n’ont plus la possibilité que d’avoir des supermarchés à environ 15 minutes de leur domicile alors que nous pouvons mettre en place avec le Casier français des produits de 1ère nécessité à un prix où le paysan comme le consommateur tombe sur un prix équitable. Il faut aussi revenir de consommateur à conso acteur, ce qui a marché lors des confinements doit redevenir un automatisme. Il faut implanter des magasins de producteurs avec pourquoi pas un fonctionnement associatif où le consommateur peut devenir actionnaire et employé en bénéficiant d’un prix modéré afin d’éviter des charges devenus trop lourdes à assumer.

« Nous devons exclure des accords de libre échange notre agriculture dès lors qu’il s’agit d’en faire un troc sans importance afin de vendre des Rafales ou des Airbus ou bien des Audi, des BMW ou des Mercedes et donc de faire reculer d’année en année notre monde paysan »

Et si Emmanuel Macron n’annonce rien de cela, que pourrait-il se passer selon vous ? Emmanuel Macron n’a pas la main sur notre agriculture puisque Bruxelles décide de tout, il sera intéressant de voir qui représentera Renaissance comme tête de liste pour les européennes. Reste que sa soumission est totale et qu’il n’a toujours rien compris dans la définition de souveraineté que lui estime européenne et que moi, et bien d’autres, ne conçoivent qu’étant nationale, nous devons exclure des accords de libre échange notre agriculture dès lors qu’il s’agit d’en faire un troc sans importance afin de vendre des Rafales ou des Airbus ou bien des Audi, des BMW ou des Mercedes et donc de faire reculer d’année en année notre monde paysan. Rappelons-nous que de second en exportation, nous sommes actuellement 5 ème au niveau mondial en moins de 20 ans, que notre balance commerciale agricole est en grand danger alors que jamais, elle ne fut déficitaire et qu’aujourd’hui les vins et spiritueux ainsi que certaines céréales sauvent la face mais pour combien de temps. Et lorsqu’on voit que Emmanuel Macron veut intégrer l’Ukraine grenier à blé dans l’Union européenne, ce serait le coup mortel dans bien des domaines comme les œufs, la volaille ou encore les céréales… et donc des filières aujourd’hui en grand danger seraient définitivement occises . Emmanuel Macron est aux ordres de Klaus Schwab, la mondialisation et sa pensée unique, peu lui importe l’avenir paysan français, puisque il ne connait pas et surtout n’apprécie pas ce monde là. Vouloir élire un Homme qui n’a jamais connu les urnes locales se paie aujourd’hui très cher. La Ruralité ne l’intéresse pas. Emmanuel Macron est un employé zélé de DAVOS et de Ursula Von Der Leyen mais certainement pas un amoureux de la FRANCE.

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