Jean-Paul Ollivier, héraut des héros

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La mémoire collective retient les noms de Raymond la Science et Paulo la Science. Célèbres pour des raisons bien différentes, ils ont en commun d’avoir dégainé plus vite que leur ombre.

Raymond Callemin réglait ses comptes à coups de Browning ; « Paulo » Ollivier excelle à décharger une plume qui ne manque jamais sa cible. Il vient de signer, en 110 épisodes, une version augmentée des exploits, drames et légendes vécus depuis 1903 au Tour de France. Ce fruit savoureux d’un long compagnonnage avec les géants de la pédale est un peu sa Recherche du temps perdu. L’ensemble repose sur une documentation méticuleuse. JPO a tout épluché, pour ne retenir que la substantifique moelle d’une épopée qui déborde désormais l’Hexagone, surenchère entre tours nationaux oblige. De ceux qui méritèrent le titre de forçats de la route aux petits nouveaux gavés de pétrodollars, cette épaisse bible pour fidèles inconditionnels n’oublie personne ou presque. Si Roger Walkowiak n’y est pas en odeur de sainteté, Antoine Blondin apparaît à très juste titre comme la divinité immanente. Ce n’est que justice, tant Ricard Cœur de Lion est notre maître à tous. Lui-même soucieux de style et capable d’élégantes envolées lyriques, Ollivier a l’intelligence de ne pas chercher à « faire » de l’Antoine, pour rendre hommage à l’auteur de 524 chroniques magistrales autour du Tour.
L’apparition des équipes nationales, l’ébauche de la caravane publicitaire, la fois où le peloton a piqué une tête dans la Méditerranée, les roulades énamourées de la jeune mariée Raymonde Robic, l’épilogue de la rivalité orageuse Bahamontès-Lorono, le grimpeur de poche « grand douché de Luxembourg », l’apparition de souteneurs devenus sponsors, la veine littéraire du peloton (du poème-pamphlet sur le Ventoux de Pierre Molinéris à la méticulosité de Fignon « prêt à mourir pour une virgule »), l’ouverture de la chasse au Gaul, en 1955, par un Raphaël Géminiani que Bobet sacrera Grand Fusil. Aussi, car tout n’est jamais entièrement rose, le funeste destin de Pierre Everaert.
Cet hommage à l’héroïsme et au panache est l’occasion de clore magistralement les lectures de l’été, à un jet de bidon de la rentrée littéraire.

« Tour de France théâtre des hommes », Jean-Paul Ollivier, Mareuil Editions, 386 pages, 21 €

 

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