Jeanne Cumet, SOS Calvaires: « Il y a une envie de s’attacher à son histoire pour garder une identité et un patrimoine unique au monde, parce que français »

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Ils peuplent nos communes et nos campagnes : les calvaires, les oratoires et les chapelles. Ils sont partie intégrante de notre patrimoine, de nos territoires et de notre histoire. Mais ils sont bien souvent abîmés, laissés à l’abandon et bien souvent dégradés volontairement. Alors l’association SOS Calvaires s’est donnée pour mission de les restaurer et les entretenir, comptant sur un fort soutien de nombreux citoyens. Entretien avec Jeanne Cumet.

propos recueillis par

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Comment expliquez-vous le développement et la notoriété grandissante de SOS Calvaires depuis les années 1990 ?
SOS Calvaires a été créée en 1987. Cette petite association locale ne faisait pas de bruit mais s’est essoufflée au fil des années. En 2014, elle est reprise par un jeune homme de 25-30 ans qui change le nom et redonne un nouvel élan à l’association. Il implique ses amis, ses connaissances et petit à petit l’œuvre renaît. Par les réseaux et surtout par le bouche à oreille, SOS Calvaires commence à se faire connaître timidement. En 2019 et 2020, un youtubeur vient poser une croix avec nous, et c’est le déclenchement de la « notoriété ». Lui, a gagné beaucoup de followers et nous aussi. Chacun a profité honnêtement de l’autre. Et suite à ses deux vidéos YouTube, l’association a été connue dans toute la France. Il y a eu un flot important de demandes d’ouverture d’antennes. Ça ce sont les faits. Comment l’expliquer ? Je pense qu’il y a un besoin grandissant de la part des jeunes générations de trouver un idéal, quelque chose qui les porte, des actions qui œuvrent pour le bien commun et pour leur pays, à l’heure de la mondialisation. Il y a une envie de s’attacher à son histoire pour garder une identité et un patrimoine unique au monde, parce que français. Et chaque pays est unique. Je pense que la jeunesse essaye de restaurer l’amour de la France, ce que la génération du dessus essaie de diluer. Et ça passe bien sûr par le patrimoine !

« Il y a un besoin grandissant de la part des jeunes générations de trouver un idéal, quelque chose qui les porte, des actions qui œuvrent pour le bien commun et pour leur pays, à l’heure de la mondialisation. Il y a une envie de s’attacher à son histoire pour garder une identité et un patrimoine unique au monde, parce que français »

 

Avec cet appel aux Français à identifier des calvaires en décrépitude ou oubliés, avez-vous aujourd’hui une estimation globale du nombre de calvaires en France ?
Il est difficile de savoir combien de calvaires il y a en France. Aucun recensement national n’a jamais été fait. C’est un des buts de notre application lancée en novembre dernier. Je peux en tous cas vous dire qu’il y a 150 000 calvaires enregistrés sur les cartes IGN de France, mais ce compte est bien incomplet. La preuve est que sur notre application il y a maintenant 12 000 calvaires référencés et que 75% de ces calvaires sont absents de ces cartes IGN. Donc il pourrait y avoir potentiellement 500 000 calvaires en France, on espère le savoir dans quelques années.

 

« Il y a 150 000 calvaires enregistrés sur les cartes IGN de France, mais ce compte est bien incomplet. La preuve est que sur notre application il y a maintenant 12 000 calvaires référencés et que 75% de ces calvaires sont absents de ces cartes IGN. Donc il pourrait y avoir potentiellement 500 000 calvaires en France »

 

On peut lire sur votre site : « Restaurer un calvaire c’est remettre la croix au centre du village, remettre le Christ au cœur de nos vies ». Quelle est la portée de SOS Calvaires dans cette quête ?
SOS Calvaires a pour but la restauration du patrimoine. Travailler les vieilles pierres, reconnecter les gens avec leur patrimoine, leur histoire, leur pays. Mais de fait, on ne travaille pas sur des moulins ou des lavoirs mais bien sur du patrimoine chrétien, parce que c’était le projet d’origine de l’association et qu’on remarque tous les jours que c’est un patrimoine délaissé. Après, le travail de la grâce n’est pas de notre ressort mais disons qu’on y participe par nos actions.

Y-a-t-il un portrait robot type de Français qui vous contacte pour vous signaler les calvaires oubliés ?
Il n’y a aucun portrait robot type, comme vous dites. Tous les jours, nous sommes contactés par beaucoup sur les réseaux sociaux ou directement par téléphone pour nous signaler des calvaires endommagés. Même des maires de tous bords politiques nous contactent pour demander notre aide. Et sur les chantiers de restauration, sur les poses etc. on n’a pas un seul type de personne. C’est aussi cela qui est très satisfaisant et confortant : la foule de gens qui s’intéresse à nos actions et à la conservation de ce patrimoine est très hétéroclite.

 

Sentez-vous une appétence plus forte de la part des Français pour restaurer ces calvaires et donc un attachement plus fort à ce qu’ils représentent ?
Si c’est bien le sens de votre question, nous pouvons constater au niveau de l’association que de plus en plus de monde se sent concerné par ce patrimoine parce que depuis plusieurs années les réseaux et les médias sont accessibles à tous et nous bénéficions ainsi de plus de visibilité. De plus cette association comme beaucoup d’autres a été créée sous le nom des « Amis des calvaires et chapelles du Lion d’Angers ». En changeant le nom par SOS Calvaires, on donne une idée de sauvegarde et d’urgence. C’est aussi une notion qui interpelle et pour laquelle les gens s’impliquent. On remarque d’ailleurs qu’en impliquant les habitants des villages dans lesquels nous travaillons, ils redécouvrent leur calvaire et leur patrimoine, et il se crée alors un nouveau lien avec cette croix qu’ils voient tous les jours.

 

Avez-vous connaissance par ailleurs de dégradations volontaires de calvaires ?
Malheureusement oui. Nous avons en moyenne un signalement de dégradation toutes les deux semaines, ce qui est énorme. Par exemple en octobre dernier, nous avons eu la tristesse d’apprendre la destruction d’un calvaire en pierre dans l’Oise, restauré par SOS Calvaires un an auparavant. Il a été démoli à coups de masse. Le dernier en date est un calvaire de granit du XVIe siècle installé sur une propriété privée le 17 décembre dernier. Le propriétaire prenait tous les frais en charge. Et dans la nuit du 26 décembre, le Christ sculpté à même la croix a été badigeonné de goudron. La pierre qui n’avait pas encore été scellée a été ébranlée parce que ces vandales ont enlevé les cales de bois enfoncées dans le socle qui la maintenaient droite. Le propriétaire a porté plainte auprès de la gendarmerie. Affaire à suivre donc. Mais effectivement, il y a beaucoup de dégradations et étrangement cela n’intéresse personne.

« Nous avons en moyenne un signalement de dégradation toutes les deux semaines, ce qui est énorme. Par exemple en octobre dernier, nous avons eu la tristesse d’apprendre la destruction d’un calvaire en pierre dans l’Oise, restauré par SOS Calvaires un an auparavant. Il a été démoli à coups de masse »

On imagine que SOS Calvaires ne constitue pas une chapelle politique, même si certains peuvent le croire. Qu’en est-il ?
SOS Calvaires a pour mission de restaurer le patrimoine chrétien français et pour mener à bien cette mission, l’association a été créée suivant la loi 1901 et reconnue d’utilité publique. Comme expliqué plus haut, les personnes adhérentes ou qui travaillent à la restauration des calvaires viennent de tous horizons. Il n’empêche que chacun à ses opinions politiques, religieuses etc. Mais ce n’est absolument pas un sujet. Il est important de séparer l’entité des membres qui la composent.

 

Pour découvrir, aider et participer à SOS Calvaires, voici leur site : www.soscalvaires.org

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