Guy de la Fortelle: « Macron nous demande de payer le prix de la liberté sans qu’aucune guerre n’ait été déclarée, ni approuvée par le parlement, sans qu’aucun referendum n’ait été convoqué »

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Guy de la Fortelle, fondateur du blog l’investisseur sans costume revient sur Putsch pour réagir à l’allocution saisissante d’Emmanuel Macron sur « le prix de la liberté ». Il est question également des réels enjeux de la guerre en Ukraine mais aussi du scandale de l’OATIGATE.

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Guy de la Fortelle aborde également la bombe à retardement que représente le PGE et la situation économique catastrophique de la France, avec son lot inquiétant d’inflations, de pénuries et de désordres à venir.

 

Guy, une première impression sur la déclaration de Macron concernant le prix de la liberté ?
Emmanuel Macron nous exhorte à accepter de payer le prix de notre liberté et de nos valeurs… Et mon cul, c’est du poulet ?
La déclaration de M. Macron a une saveur particulière après celles de Bruno Le Maire en mars dernier qui prédisait l’effondrement rapide de l’économie russe.
6 mois plus tard, il nous revient de « payer le prix de la liberté ». Les sanctions ont été un échec prévu et annoncé, en partie par votre serviteur, qui ont produit l’inverse de ce qu’elles prétendaient mais atteint l’objectif réel bien loin de notre liberté.
Le conflit ukrainien doit être pris au niveau mondial et historique, c’est-à-dire celui de la grande confrontation entre la Chine et les États-Unis qui entre dans sa phase chaude avec ce conflit.

 

« La déclaration d’Emmanuel Macron a une saveur particulière après celles de Bruno Le Maire en mars dernier qui prédisait l’effondrement rapide de l’économie russe.
6 mois plus tard, il nous revient de « payer le prix de la liberté ». Les sanctions ont été un échec prévu et annoncé qui ont produit l’inverse de ce qu’elles prétendaient »

 

Notre liberté n’a rien à voir là-dedans, si ce n’est qu’il est à noter que tout le monde s’en contrefiche. Et cela finira par se payer cher. Car la liberté ne se distribue pas comme des bonbons à des enfants sages. Elle s’exerce et à défaut violemment et insidieusement.
L’Amérique fonctionne encore avec un schéma géostratégique hérité de la conception britannique de McKinder à la fin du XIXe siècle.
Ils estiment que les puissances maritimes qu’ils sont ne peuvent pas faire le poids face à un continent eurasiatique unifié fort de sa profondeur territoriale, de population et de ressources. Les Anglo-Saxons estiment, avec raison, que l’homme est un loup pour l’homme et que cette perte d’hégémonie serait poussée et se traduirait par une perte d’autonomie et de souveraineté pour eux. Ils doivent donc empêcher à tout prix un rapprochement entre l’Europe et la Chine, notamment au travers des Nouvelles Routes de la Soie et leur grand pont terrestre qui reliait la péninsule européenne à l’Asie du Sud-Est… En passant par l’Ukraine.
Si Vladimir Poutine a l’initiative de l’agression, l’OTAN, les États-Unis et la famille Biden ont la responsabilité de la rupture de l’équilibre à l’Est depuis Maidan.

 

« Un cadre du Département d’État américain s’est retrouvé ministre des finances du second gouvernement Maidan en Ukraine ; que la Sous-Secrétaire d’État Victoria Nuland a fait ses emplettes en Ukraine pour former un gouvernement à la solde de l’Amérique ; qu’elle a obtenu le limogeage d’un procureur ukrainien pour protéger le fils Biden… »

 

N’oublions pas qu’un cadre du Département d’État américain (affaires étrangères) s’est retrouvé ministre des finances du second gouvernement Maidan en Ukraine ; que la Sous-Secrétaire d’État (vice-ministre des affaires étrangères) Victoria Nuland a fait ses emplettes en Ukraine pour former un gouvernement à la solde de l’Amérique ; qu’elle a obtenu le limogeage d’un procureur ukrainien pour protéger le fils Biden… Jusqu’aux projets d’armée privée à 10 milliards de dollars d’Erik Prince, le plus gros mercenaire sur terre à la tête des milices BlackWater tristement célèbres en Irak.
L’ingérence Américaine en Ukraine était massive là où les intérêts européens et mêmes russes étaient à la finlandisation d’un territoire historiquement martyr et aujourd’hui ultra-corrompu. Si vous enfumez la tanière de l’Ours, il ne faut pas vous plaindre qu’il vous charge. Les sanctions européennes n’ont aucun sens si l’on ne comprend cette stratégie américaine qui vise à couper l’Europe de la Chine.

 

« L’ingérence Américaine en Ukraine était massive là où les intérêts européens et mêmes russes étaient à la finlandisation d’un territoire historiquement martyr et aujourd’hui ultra-corrompu. Si vous enfumez la tanière de l’Ours, il ne faut pas vous plaindre qu’il vous charge »

 

Pour revenir à la forme de l’allocution de M. Macron, j’observe les mêmes sophismes que ceux utilisés lors du COVID : Il faut accepter une privation de liberté au profit d’une liberté plus grande… Et également plus lointaine… Très lointaine.
Il s’agit d’un sophisme car le prix de la liberté ne peut jamais être la perte de celle-ci. Et pourtant je suis à peu près sûr que la phrase que je viens d’énoncer n’a rien d’évident pour nombres d’entre-nous. Il faut à mon avis prendre la question sous l’angle du consentement. Or nous sommes obligés d’observer qu’il n’y a plus de respect du consentement en France en particulier et en Occident en général. Pouvons-nous imaginer qu’en 1916, en pleine bataille de la Somme, les généraux britanniques allaient négocier pied à pied avec les responsables syndicaux des contingents à envoyer en France ?

Aujourd’hui, Emmanuel Macron nous demande de payer le prix de la liberté sans qu’aucune guerre n’ait été déclarée, c’est-à-dire approuvée par le parlement, sans qu’aucun referendum n’ait été convoqué. Il n’y a plus eu d’appel à la démocratie directe en France depuis l’échec de 2005.
Car tout le monde sait au fond qu’il ne s’agit pas de protéger nos libertés mais de les sacrifier au profit d’un système agonisant devenu prédateur à l’intérieur comme à l’extérieur.
Car au fond, la politique étrangère n’est jamais que la prolongation de la politique intérieure.

 

« Car tout le monde sait au fond qu’il ne s’agit pas de protéger nos libertés mais de les sacrifier au profit d’un système agonisant devenu prédateur à l’intérieur comme à l’extérieur.
Car au fond, la politique étrangère n’est jamais que la prolongation de la politique intérieure »

 

Concernant les PGE, une étude prévoir que 25% de l’hôtellerie-restauration ne pourrait rembourser le prêt. Est-ce envisageable ? Et le cas échéant, quel serait l’ampleur du choc économique ?
C’est sans doute pire qu’envisageable car souhaité.
Les PGE sont venus gonfler les engagements hors-bilan de l’État et ajouter à l’instabilité de factures incontrôlées qui peuvent surgir à tout moment et en escadrille.
À mon avis nous aurons l’inflation et ses dérives plutôt que de laisser ces risques se matérialiser.
Cela fait partie des raisons de l’impossibilité de la hausse des taux : Ils n’accepteront jamais de laisser le diable sortir de la boite et tout cela finira aux toilettes de l’hyperinflation.
Ce qui se profile avec les durcissements d’accès au crédit alors même que les taux remontent fort lentement est un raid sur tous ces petits entrepreneurs pris à la gorge car ils n’auront plus accès au crédit et se feront racheter par les plus gros, non parce que meilleurs, mais parce que plus proches du robinet du crédit.

 

« Les PGE sont venus gonfler les engagements hors-bilan de l’État et ajouter à l’instabilité de factures incontrôlées qui peuvent surgir à tout moment et en escadrille »

 

L’euro poursuit sa chute vertigineuse. Quelles pourraient être les conséquences à court et moyen terme ? Est-ce que cette situation pourrait-elle amener l’explosion de la zone euro?
Il y a deux facteurs à prendre en compte dans la chute de l’Euro. Il y a tout d’abord la hausse du Dollar : les périodes de crises profitent toujours au centre, les États-Unis, alors que la périphérie trinque de la fuite des liquidités. Dit autrement, nous sommes en train de payer l’addition de l’aide américaine après 2008… Voir le plan Marshall de 1945.
Alors que le sentiment est encore à la fiction de la hausse des taux, la récréation est déjà finie en Chine et en Turquie ou les banques centrales ont desserré les étaux pour tenter de compenser le reflux de dollars.

Le second facteur est politique : Une monnaie ne vaut que par la stabilité et la puissance du souverain.
Ici, l’Euro faible est davantage un symptôme des errements européens qu’une cause. La réalité est la divergence entre les États du Nord et du Sud, entre les atlantistes et les souverainistes, entre les partisans de la guerre et de la paix, des sanctions et de leur levée : La politique européenne est aujourd’hui un champ de ruine dont personne ne peut savoir si il s’en relèvera une soviétisation ou une souveraineté renouvelée… Au fond, cela dépendra sans doute de chacun d’entre nous. De la somme de micro-événement et de la reconstitution des peuples qu’observe Guilluy, seul dans son coin que la lumière médiatique ne saurait éclairer.

 

« La politique européenne est aujourd’hui un champ de ruine dont personne ne peut savoir si il s’en relèvera une soviétisation ou une souveraineté renouvelée… Au fond, cela dépendra sans doute de chacun d’entre nous »

 

Il semblerait également qu’il se profile une grave crise dans le secteur de l’immobilier conséquente d’un accès au crédit de plus en plus fermé. A quoi cela est-il du ?
À court terme, il y a un bête problème de définition du taux d’usure qui empêche les banques de faire crédit et permet aux grandes sociétés financières de faire leur marché avant les particuliers dans le secteur résidentiel qui retrouve de l’attrait structurel face à l’immobilier commercial toujours en perdition et dont les portefeuilles de nos grandes bancassurances sont pleins.
À long terme, la question immobilière est celle de la monnaie : Nous avons déjà vu plus haut que la normalisation était impossible.
Nous entrons plus vraisemblablement dans une période de stagflation où l’inflation fera la course en tête sur les hausses des taux.
Et c’est ça qui est important : la hausse des taux qui fait craindre une chute de l’immobilier est plus que compensée par l’inflation et la nécessité de réorienter 2 500 à 3 000 milliards d’épargne sur les livrets, fonds euros et comptes-courants qui se fait manger par l’inflation.
Nous allons nous rendre compte que l’immobilier va retrouver son rôle de rempart contre l’inflation.

 

Il y a également cette situation extrêmement opaque concernant l’OATIGATE. Charles Henri-Gallois déclarait dans Putsch que cela révélait d’un énorme scandale d’Etat. Partagez-vous son analyse ? Si oui, pourquoi?
Le scandale de l’OATiGate est bizarre et profond. Oui, il y a scandale mais pas où il est perçu et je remercie Charles-Henri Gallois et d’autres qui l’ont levés.
Pour le dire simplement, l’État lève une partie de sa dette à taux variable, c’est-à-dire revalorisée de l’inflation… Et cela semble stupide car les taux fixes sont autour de 2% à 30 ans alors que l’inflation est à 6 et bientôt 8%. Pourquoi payer incroyablement plus cher ce qui peut être levé à moindre coût ?
Il y a là une raison double : cela permet à l’État de lever davantage de dette et surtout de renvoyer la facture à l’échéance, c’est-à-dire aux calendes.

Et c’est-là que le sujet est très bizarre : Les députés Jean-Philippe Tanguy et Philippe Brun se sont émus à l’Assemblée d’une facture de plus de 15 milliards rien que pour l’année 2022… Alors que cette « facture » est « fantôme » et qu’elle est en fait sortie du budget pour flotter dans les limbes financière, ni dans le bilan, ni en-dehors.
Je vous invite à consulter l’article que j’ai écrit sur le sujet tant il est difficile de résumer la situation, sinon, que c’est l’État qui fait de la cavalerie avec des mouchoirs sur les fers des chevaux.

« Le scandale de l’OATiGate est bizarre et profond »

 

Enfin, pourquoi la taxe sur les super profits est tombée à l’eau ? Est-elle une solution viable selon vous ou y-a-t-il d’autres alternatives plus efficaces?
À mon avis il vaut bien mieux taxer le capital que les revenus. Je pense comme Bruno Bertez pour cela. Un des dysfonctionnements majeur du capitalisme actuel est le manque de rentabilité du capital. Attention, je ne dis pas que les grandes entreprises ne font pas assez de profit, je dit qu’il y a bien trop de capital à rémunérer par rapport à ces profit.
Cela est dû aux politiques des banques centrales qui ont créé des tombereaux de capital improductif depuis 2008.
Aussi, taxer les revenus de ces grands groupes ne fait qu’augmenter le problème de manque de rentabilité et mettre de l’huile sur le feu obligeant des politiques monétaires toujours plus « accomodantes », c’est-à-dire laxistes.
À l’inverse, taxer le capital et massivement encore permet non seulement de traiter le problème à la racine mais également de manière plus juste car cela revient à retirer un capital qui n’aurait jamais dû être émis en premier lieu.
Cela pose évidemment un problème de liberté de circulation des capitaux car le capital dont nous parlons est essentiellement en dehors des juridictions étatiques.
Il y a là un double jeu des organisations internationales qui, sous couvert de lutte contre les paradis fiscaux, les protègent de fait et dépouillent les États de leurs prérogatives.
Je préfère bien davantage la liberté et la concurrence fiscales qui permettent à chacun d’aller voir ailleurs s’il trouve les taux trop élevé mais l’oblige à contribuer à hauteur de ses capitaux et revenus s’il trouve l’herbe de notre pré carré plus verte qu’ailleurs.
Mais il est certain que la confiscation actuelle du beurre de l’argent du beurre et du cul de la crémière par une haute bourgeoisie d’affaires qui joue à pile-je-gagner et face-tu-perds est destructeur, y compris de ces mêmes fortunes à terme.

 

Suivez les analyses économiques de Guy de la Fortelle sur son blog : https://www.investisseur-sans-costume.com

 

 

 

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