Cédric Zaroukian : « Nous sommes de plus en plus enchaînés, infantilisés et ridiculisés, mais si cela nous permet de « vivre tranquillement » alors nous l’acceptons volontiers »

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Cédric Zaroukian jeune cinéaste déjà primé pour son travail vient de diffuser sur les réseaux sociaux un nouveau court-métrage « Sous contrôle (sanitaire) », où il a voulu réfléchir sur la docilité de l’individu depuis le début de cette crise sanitaire.

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Auto-financé et auto-produit, Cédric Zaroukian, malgré les difficultés et la censure ambiante, évoque aujourd’hui dans Putsch ce court-métrage courageux, pour lequel certains acteurs, ont refusé de jouer pour ne pas en subir les conséquences au vu du sujet abordé. Vous pouvez visionner ce court-métrage au bas de cet article.

Quelle est la genèse de votre carrière dans le cinéma ?
J’ai commencé à utiliser une caméra quand j’étais adolescent. A cette époque j’étais surtout passionné par le cinéma d’action, et plus particulièrement par les films de Jackie Chan (Police Story, Le marin des mers de Chine…). J’adorais son approche action-comédie et je voulais faire pareil. J’ai donc réalisé des vidéos avec des amis en mélangeant combats, gags et acrobaties. Youtube n’existait pas encore mais les vidéos ont eu leur petit succès sur internet grâce à certains Forums où je les partageais.
Ensuite j’ai commencé à vouloir raconter des histoires plus intéressantes, j’ai laissé de coté les combats et les cascades et j’ai écrit quelques scénarios plus classiques. Après différents projets, j’ai obtenu mes premières sélections en festivals en France ainsi que le prix du meilleur scénario avec le court-métrage « Pause Cigale », qui raconte les péripéties d’un scénariste qui ne sait pas quoi écrire… J’ai continué d’apprendre en autodidacte, en m’intéressant d’avantage à l’écriture, à la réalisation, au montage, au son et à l’éclairage… Des réalisateurs comme Martin Scorsese, Sergio Leone, Akira Kurosawa et Marcel Pagnol sont entré dans ma vie et m’ont beaucoup inspiré.
Enfin j’ai réalisé le moyen-métrage « Bientôt les vacances », très inspiré par le film « L’été de Kikujiro » de Takeshi Kitano. Le résultat est assez imparfait mais plein de bonnes énergies, j’aime le présenter comme mon film de fin d’étude. Il a eu plusieurs sélections dont une au festival Européen du Court-Métrage de Nice en 2015.
Après ce projet j’ai fais une pause artistique, je me suis finalement intéressé à la lecture de romans (Dostoïevski, Céline, Balzac, Orwell…) et à la politique en générale. Cinq ans après « Bientôt les vacances » je reprends la caméra pour réaliser le court-métrage « Reality 2.ZERO », qui obtient huit sélections en festivals dont sept à l’international.

 

Parlez-nous de votre court-métrage « Reality 2.ZERO »?
« Reality 2.ZERO » est un condensé de beaucoup de choses. Il parle avant tout de notre rapport à la réalité et au virtuel, mais aussi de la place de l’individu dans un monde qui change. La notion « d’ancien » et de « nouveau monde » y a même été écrite avant que notre président Macron ne nous en parle au début de la crise sanitaire…
Ce court-métrage est aussi une critique du progrès, dans ce qu’il peut avoir de négatif et d’avilissant pour l’homme. J’ai souhaité réaliser un court-métrage dystopique où tout est présenté comme merveilleux, ce qui explique l’approche « parodie de publicité » du film. Je me suis bien-sur inspiré de notre époque Orwellienne où le sens des mots et les valeurs sont inversés: vendu comme un objet libérateur et une ouverture sur les autres, le casque de réalité virtuelle se révèle être un enchaînement à la société de consommation et un terrible repli sur soi.
J’ai aussi voulu faire passer un message simple à travers ce film: quoi que nous fassions dans le virtuel, cela ne vaudra jamais l’expérience du réel. Mais j’ai peur que cette évidence ne devienne de plus en plus difficile à entendre, tant la technologie évolue et l’immersion offerte par la réalité virtuelle/augmentée devient incroyable et spectaculaire.

 

« Je me suis bien-sur inspiré de notre époque Orwellienne où le sens des mots et les valeurs sont inversés: vendu comme un objet libérateur et une ouverture sur les autres, le casque de réalité virtuelle se révèle être un enchaînement à la société de consommation et un terrible repli sur soi »

 

Y a t-il des passerelles avec ce nouveau court-métrage « Sous contrôle »?
Absolument ! « Sous Contrôle » se déroule dans le même univers dystopique Orwellien que « Reality 2.ZERO ». On y retrouve le même type de personnages, endoctrinés par le progrès et dénués de tout sens critique, ainsi que l’étrange société « Gogol Corp », parodie des GAFAM, qui organise maintenant des contrôles sanitaires à domicile et fait la promotion de son formidable vaccin « Kitnik ». Cette société bienveillante et omniprésente semble avoir assez de pouvoir pour gérer la vie de populations entières, que ce soit par le biais du divertissement ou de la santé.

 

 

Parlons maintenant de votre nouvel opus Sous Contrôle. Qu’est ce qui vous a poussé à l’écrire ?
Plusieurs choses, d’abord l’envie de réagir à ce qui m’est de plus en plus apparu comme un gigantesque canular, ensuite la pensée unique et l’hystérie qui s’était emparé des médias mainstream, et enfin les décisions politiques mise en œuvre pour « protéger » la population, à la fois contradictoires, stupides et liberticides.
Nous avons tous été surpris au début de la crise sanitaire et je n’ai jamais nié l’existence du virus et les morts qu’il a causé à travers le monde, mais je crois que tout à été bidouillé, gonflé, saboté, pour amplifier le phénomène artificiellement et ainsi terrifier d’avantage les populations.
Peu ou mal informés, les gens ont marché dans la combine et ont accepté plusieurs fois l’inacceptable. J’ai aussi voulu me moquer de cet aspect de l’être humain, de sa docilité. Étienne De La Boétie avait déjà formidablement bien expliqué le phénomène dans son livre « Discours de la Servitude Volontaire ». Une majorité de personnes obéit sagement à différents niveaux hiérarchiques, par peur ou par arrivisme, et c’est tout un système malfaisant qui s’installe et prend racine. Nous sommes de plus en plus enchaînés, infantilisés et ridiculisés, mais si cela nous permet de « vivre tranquillement » alors nous l’acceptons volontiers. Avec « Sous Contrôle » j’ai aussi voulu parler de ça.

 

« Une majorité de personnes obéit sagement à différents niveaux hiérarchiques, par peur ou par arrivisme, et c’est tout un système malfaisant qui s’installe et prend racine. Nous sommes de plus en plus enchaînés, infantilisés et ridiculisés, mais si cela nous permet de « vivre tranquillement »

 

C’est plus une vision satirique d’une partie de la société qu’une critique de la crise sanitaire ?
A travers la crise sanitaire, je critique en effet une part sombre de la société et de l’humain. Nous sommes nombreux à avoir observé que cette crise avait aussi « révéler » le vrai visage de beaucoup de personnes autour de nous et dans les médias. Les passions se sont déchaînées pendant presque deux an et nous avons vu qui avait le plus peur, qui avait envie de mieux comprendre, qui avait envie de fermer les yeux pour ne rien savoir. Nous avons vu autour de nous des gens insoupçonnés entrer dans une forme de résistance et tenir, d’autres d’habitude si indignés et « grande gueule » devenir très discrets et obéissants. Parfois nous avons même vu resurgir la délation, que nous pensions morte et enterrée depuis longtemps…
Cette crise a aussi divisé beaucoup de personnes en créant de nombreux conflits en famille, entre amis, au travail… Nous avons été fortement touchés dans notre tissu social et je suis encore étonné qu’il n’y ai pas d’avantage d’œuvres sérieuses sur ces sujets. Personnellement j’ai choisi une approche satirique et plus ou moins comique, en mettant l’accent sur les possibles dérives totalitaires qui peuvent accompagner cette société du tout numérique et du contrôle permanent.

 

« Nous sommes nombreux à avoir observé que cette crise avait aussi « révéler » le vrai visage de beaucoup de personnes autour de nous et dans les médias »

 

 

Quels enseignements cherchez-vous à tirer de cette période ?
Et bien, à titre personnel cette triste période n’aura fait que confirmer ce que je redoutais.
Nous sommes née dans une société bourgeoise, relativement paisible, et nous avons oublié que tout pouvait basculer très rapidement. Aussi bien vers le meilleur que vers le pire. Depuis plus de 50 ans la population Française (et l’occident en générale) s’est embourbée dans le divertissement et le matérialisme, le sacré a été chassé de nos vies et la politique sérieuse a été de plus en plus délaissée par les citoyens: nous sommes en train d’en payer les frais.
Il y a comme quelque chose dans l’histoire qui se répète et l’être humain n’a finalement pas beaucoup changé, il retombe rapidement dans ses travers dès qu’on l’y encourage un peu. Aussi, la crise nous confirme à nouveau qu’on ne peut plus faire confiance aux journalistes et médias mainstream, qui ne sont plus que des porte-paroles du pouvoir, diffusant jour et nuit la propagande officielle.
Je reste malgré tout optimiste, je continue de m’informer, de me cultiver et surtout je n’oublie pas de rire, c’est bon pour la santé !

 

« Depuis plus de 50 ans la population Française (et l’occident en générale) s’est embourbée dans le divertissement et le matérialisme, le sacré a été chassé de nos vies et la politique sérieuse a été de plus en plus délaissée par les citoyens: nous sommes en train d’en payer les frais »

 

Avez-vous rencontré des difficultés pour le produire au vu du sujet ?
Oui, principalement lors de ma recherche des acteurs. J’ai affiché tout de suite la couleur dans mes annonces pour ne pas perdre de temps, et je peux dire que j’ai reçu facilement dix fois moins de candidatures que sur un projet plus ordinaire pour incarner mes personnages. Certaines personnes se sont aussi désistées après la lecture du scénario.
J’ai également proposé le rôle de monsieur Duprès à un copain acteur qui tourne beaucoup sur des téléfilms et des séries françaises (je ne donnerai pas son nom pour ne pas lui faire mauvaise pub), il me rejoignait sur le sujet et n’en pensait pas moins, mais il m’a avoué ne pas être emballé à l’idée de relancer le débat autour de lui, dans sa famille et dans son entourage professionnel, car sa position lui avait déjà valu trop de problèmes. Il a donc préféré refuser d’y participer.
Je n’ai pas rencontré d’autres difficultés particulières, je finance moi-même mes projets donc j’ai pu écrire et réaliser mon court-métrage en toute liberté.

 

« La crise nous confirme à nouveau qu’on ne peut plus faire confiance aux journalistes et médias mainstream, qui ne sont plus que des porte-paroles du pouvoir, diffusant jour et nuit la propagande officielle »

 

Comment avez-vous appréhendé sa promotion pour qu’il soit diffusé au plus grand nombre ?
Vu le sujet et mon positionnement, j’ai fait le choix de ne pas l’envoyer en festivals car ce sont bien souvent (et de plus en plus) des relais idéologiques et je pense que mon film n’y aurai pas été le bienvenu.
Je mise entièrement sur internet via le partage sur les réseaux sociaux et les pages/sites d’informations alternatifs.
Je suis resté longtemps loin des Facebook, Instagram et autres Twitter mais maintenant que j’ai accepté de jouer le jeu, j’y partage des images et des extraits de mon travail, et parfois des réflexions sur l’actualité de notre société.

 

« Sous contrôle » écrit, produit et réalisé par Cédric Zaroukian Avec Sandra Madly, Paul Perré, Guillaume Gascoin

 

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