Convoi de la liberté : à Paris, blocages et lacrymogènes

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Par Simon Martin et Alexandre Ori – Il était censé arriver le vendredi. Mais le gros du convoi de la liberté a finalement atteint la capitale ce samedi. Entre désorganisation et désaccords, pacifisme et brouillard lacrymogènes, récit de l’arrivée du mouvement à la capitale.

Il est minuit passé, ce vendredi 11 février dans l’est de Créteil. Sur des routes de rase campagne à une heure de Paris, un jeu du chat et de la souris s’engage entre une partie du convoi et les forces de gendarmerie. Bloqués, déviés et escortés de village en village, les manifestants sont désorganisés et les informations fusent surs leurs communications. « On passe notre temps à se séparer ça n’a plus de sens – Blocage à Provins, faites demi-tour ! – Groupe dérouté vers Chenoise, où êtes-vous ? Nous sommes tout seul ».

Retards et division
Une première entrée chaotique du convoi dans la capitale, à l’image du mouvement en général à quelques heures de sa dernière étape : disloqué, divisé, perdu. Censé entrer à Paris vendredi soir, les retards accumulés aux problèmes d’organisation rendent impossible l’arrivée des manifestants à la date prévue. Les groupes se séparent, chacun cherchant un endroit où passer la nuit, avant de reprendre lentement la route ce matin pour rattraper l’objectif.
Tôt dans la matinée, les communications reprennent ; certains manifestants isolés passés dans Paris à la faveur de la nuit appellent le gros des troupes à les rejoindre. Plusieurs points de retrouvaille sont évoqués, et les informations circulent sur les positions des forces de l’ordre, déployées autour de la ville depuis la veille. Finalement, un consensus se dessine, appelant au regroupement des véhicules sur le rond-point de l’Arc de Triomphe à 11 :30.

Asphyxier la capitale
En milieu de matinée, une partie du convoi ayant atteint Paris décide finalement de se regrouper sur le périphérique pour une opération escargot. Sur le canal de communication radio de l’application Zelo, les conducteurs tentent de se coordonner. « On est venu en voiture, on reste en voiture » décrète un manifestant pour répondre à ceux qui appellent à manifester à pied. Il ajoute dans la foulée : « Manifester à pied on le fait toutes les semaines et ça change rien». Bref silence radio, puis un consensus semble se faire : « Bloquer le périph c’est bloquer Paris ».

Drapeaux aux fenêtres, feux de détresse allumés, une quinzaine de véhicules ralentit à 30km/h sur les voies de droite. Bientôt rejoint par d’autres groupes, le cortège bloque tout le périphérique sud. Il est 13 heures, lorsque trois camions font leur entrée. Sur l’un deux, il est inscrit « ne fais jamais rien contre ta conscience même si l’état te le demande ». Toute l’après-midi durant et jusqu’en début de soirée des actions de ce type se sont répétées.

Se faire asphyxier
Un autre objectif, hautement symbolique, s’est naturellement imposé : L’Arc de Triomphe. Les premiers véhicules devaient se retrouver à 11h30 Place de l’Etoile mais l’arrivée de plusieurs dizaines de cars de CRS a fait avorter l’opération. Venus accueillir le convoi, les manifestants à pied ont pour certains été fouillés et verbalisés. Forcée à quitter les lieux une sympathisante s’emporte : « La France se dit un pays libre et maintenant, parce qu’on a des drapeaux français, on se fait arrêter et verbaliser. C’est honteux ».
Aux alentours de 14h, les différents convois convergent sur l’Arc de Triomphe. Théâtre de violents affrontements à l’ère des gilets Jaunes, le lieu n’a rien perdu de sa douloureuse mémoire. Les CRS appellent immédiatement à quitter la Place de l’Étoile, occupée par des dizaines et des dizaines de véhicules. Aux injonctions, les manifestants répliquent par un chant : « On est là, on là ! Même si Macron ne veut pas, nous, on est là ! ».

C’est alors que la situation dégénère. Des gaz lacrymogènes sont tirés, les charges se multiplient, la violence s’impose. Ici, des conducteurs sont extraits de leur voiture, les clefs sont confisquées. Là, un pare-brise est brisé par un coup de matraque. Partout le chaos se fait l’unique maître des lieux.
Sur Zelo, une manifestante décrit : « sur les champs, on essaie de monter des barricades, mais dès qu’ils touchent un truc les CRS chargent. » Un autre martèle : « maintenant le but c’est d’épuiser les CRS, c’est tout ce qu’il reste à faire ». Mais progressivement, la Place est reprise. Sur Zelo les échanges fusent : « On est en train de perdre la bataille » s’alarme un convoyeur. Un autre confirme : « à l’Étoile la résistance a atteint sa limite ».

Fin de la route française
Lentement, les différentes têtes du convoi sont refoulées en dehors du centre, dispersées et bloquées hors de la ville. Seule une poche de manifestants à pied sur le bas des Champs-Elysées persiste à manifester dans la soirée, encadrée par une présence des forces de l’ordre toujours très importante sur le boulevard.
Finalement vers 19h, malgré un dernier appel des convoyeurs à se rassembler place de l’étoile, un calme relatif retombe sur les rues de la capitale. Pour le convoi de la liberté, c’est la fin de la protestation parisienne, dernière étape du trajet français. Les manifestants poursuivant le convoi sont pour la plupart retournés au point de rassemblement à Fontainebleau, mis en place depuis plus d’une journée. Pour eux, un nouvel itinéraire se dessine loin de la capitale, avec un départ pour Bruxelles prévu ce dimanche matin.

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