Avec Eric Neuhoff, l’iceberg germanopratin dérive et se disloque lentement

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Paris change-t-il ?

Tôt enrôlé, à son corps défendant, dans les « Nouveaux Hussards », Eric Neuhoff ouvre avec élégance le ban de la rentrée 2022.
Dans la notice donnée au Dictionnaire (*) de Jérôme Garcin, il confiait avoir commencé à écrire pour devenir riche et célèbre. Il arpente les sentiers de la gloire sans caillou dans la chaussure. Quelques prix ont assuré son compte en banque. Il propose aujourd’hui un roman virevoltant autour de Claire et Pierre, un couple d’éditeurs en mal de trésorerie. C’est d’autant plus savoureux que Neuhoff a crucifié jadis la corporation, par Hemingway interposé : «  Ils sont nos ennemis naturels » et qu’un Pierre passablement désabusé confie « On a eu de la chance, quand même. On n’a rien foutu de toute notre vie. Ça n’est pas si mal ». On a négocié des arrangements rêveurs avec une réalité terre-à-terre, on a dîné à gogo, on a ménagé les jurés qui comptent, on a entretenu des fréquentations sans intérêt, on a regardé distraitement les gens divorcer, on a assisté au phagocytage des librairies par les boutiques de prêt-à-imiter, parce que les gens ne lisaient rien et que les couturiers se servaient de la littérature pour vendre leurs modèles.

Mathieu, auteur maison, proche du couple, est le fil rouge d’un roman dont les lieux et les marionnettes sont identifiables. Sybarite quelque peu encalminé, ce dilettante amoureux revoit une femme qui ressemblait jadis à Candice Bergen. Il pense que sa vie pourrait repartir. Elle est mariée. Depuis quand est-ce un obstacle ?
L’iceberg germanopratin dérive et se disloque lentement. Nostalgique malicieux, Eric Neuhoff l’aime en Lettres perçantes, tirées au cordeau, confirmant qu’il n’est bon Usbek que de Paris.

Marc Emile Baronheid

Rentrée littéraire, Eric Neuhoff, Albin Michel, 201 pages. 19,90 €
(*) Dictionnaire des écrivains contemporains de langue française par eux-mêmes, s.d. Jérôme Garcin, Fayard/Mille et Une Nuits, 2004

 

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