Maitre Guyon: « En démocratie, il est inadmissible que l’on pousse des citoyens à accomplir un acte qu’ils ne souhaitent pas faire par des techniques de harcèlement moral, de pressions sociales et de contraintes indirectes »

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David Guyon est avocat au Barreau de Montpellier. Dans ce long entretien, Maitre Guyon explique son engagement dans cette crise sanitaire via de nombreux recours effectués auprès de la Justice. Depuis la mise en place du Pass sanitaire, David Guyon s’inquiète pour les libertés fondamentales des Français. Il a donc décidé de résister.

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Il nous éclaire notamment sur le Pass sanitaire en entreprise. Il évoque les dangers qui pèse sur les salariés récalcitrants et aborde aussi la question juridique de la vaccination fortement recommandée par l’exécutif et le chef de l’Etat. Il est d’ailleurs souvent dans les cortèges des opposants au Pass sanitaire dans les rues de Montpellier où il a déjà pris la parole à la tribune. Un entretien passionnant.

Vous êtes engagé depuis le début de cette crise sanitaire sur plusieurs sujets juridiques. Pourquoi cet engagement contre certaines mesures du gouvernement en qualité d’avocat ?
En toute honnêteté, c’est par un bien heureux hasard que je me suis retrouvé au cœur de l’actualité juridique.
En effet, j’étais avant la crise sanitaire, un avocat publiciste, c’est-à-dire que mes domaines de compétences concernaient le droit public. Parmi ce vaste programme figure les contentieux des décisions prises par l’administration.
Avant la crise, c’était surtout dans le cadre de l’urbanisme que ces compétences étaient mises à contribution. Soit en conseillant l’administration afin de lui permettre d’agir dans la légalité, soit en assistant les particuliers pour demander l’annulation de décisions illégales.

Durant le premier confinement, de nombreux citoyens se sont interrogés sur la légalité de ces décisions de confinement et de fermetures administratives. Nous avons donc introduit des recours à l’encontre de ces décisions. Nous avons ainsi pu obtenir l’annulation de la mise en bière immédiate par un arrêt du Conseil d’Etat du 22 décembre 2020.
Enfin, lorsque j’ai vu votre première interview avec mon confrère Brusa sur Putsch Média en mars 2020, j’ai compris que je n’étais pas le seul à m’interroger sur la légalité de ce qui nous arrivait.

Par la suite, les mesures se multipliant et se pérennisant, mon nom a commencé à circuler auprès de ceux qui subissaient ces mesures. Nous avons continué à contester ces décisions jusqu’à ce jour.
En tant qu’avocat c’est avant tout parce que je suis mandaté par des clients, ceux qui souffrent, que nous menons ces combats. A titre personnel, ces mesures sont vécues comme une grande injustice. Je suis heureux de pouvoir mettre mes compétences au service de la liberté et de ceux qui ont besoin que l’on fasse entendre leurs voix.

 

« A titre personnel, ces mesures sont vécues comme une grande injustice. Je suis heureux de pouvoir mettre mes compétences au service de la liberté et de ceux qui ont besoin que l’on fasse entendre leurs voix »

 

Dès ce 30 août le Pass Sanitaire pourrait considérablement entraver la liberté de travailler les salariés qui sont au contact du public. Que cela vous inspire-t-il ?
Face à des mesures liberticides, ce qui m’inspire c’est la résistance à ces dernières par la connaissance et l’intelligence.
La connaissance :  Rappelons qu’il s’agit d’un outil juridique créant l’obligation de justifier d’un élément de sa santé, et notamment d’une non contamination à la covid-19, afin de pouvoir accéder à certains lieux, établissements, services ou évènements.
Plus précisément, l’article 2-2 du décret du 1er juin 2021 liste les trois possibilités pour disposer d’un pass sanitaire :
un examen de dépistage RT-PCR, un test antigénique ou un autotest réalisé sous la supervision d’un des professionnels de santé ;
un schéma vaccinal complet ;
Un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19 est délivré sur présentation d’un document mentionnant un résultat positif à un examen de dépistage RT-PCR ou à un test antigénique réalisé plus de onze jours et moins de six mois auparavant ;
Il ne s’agit donc pas d’une obligation vaccinale.
Ce pass est censé s’appliquer dans les établissements recevant du public soumis à ce dernier. Cela ne concerne pas tous les établissements.
Ensuite, le pass n’a vocation à s’appliquer qu’aux seuls salariés accueillant durant les heureux d’ouverture du public.
Pour ceux qui seront visés, et notamment les non-vaccinés, leurs libertés seront lourdement entravées :
Obligation de se soumettre à un test de dépistage ;
Obligation d’organiser la réalisation de ces tests avec une offre inégale selon que vous soyez en milieu rural ou urbain ;
Risque de subir des pressions et discriminations au travail ;
L’objectif à peine caché du gouvernement est de leur rendre la vie impossible et de les pousser à la vaccination.
L’intelligence :
Plusieurs astuces permettraient d’alléger ces contraintes, tout en respectant la légalité.
La réalisation de tests salivaires RT PCR ; le décret ne distingue pas et la haute autorité de santé indique que le procédé de dépistage doit tenir compte du caractère difficile ou impossible des tests nasopharyngés ;
Les demandes de reclassement sur des postes qui ne sont pas au contact du public ;
Les certificats de rétablissement qui permettent de justifier de l’obligation ;
Un certificat de contre-indication à la vaccination :
Sur ce dernier point, alors que les personnes soumises à vaccination obligatoire ont une liste très restrictive à la vaccination, pour les autres cela ne semble pas être le cas. Un médecin ne prendrait pas de risques inconsidérés en délivrant une contre-indication médicale temporaire ou définitive à la vaccination.

 

« Face à des mesures liberticides, ce qui m’inspire c’est la résistance à ces dernières par la connaissance et l’intelligence »

 

Même si le Pass Sanitaire n’est pas une obligation vaccinale elle est tout de même une très forte incitation pour ces salariés. Quel est votre regard à ce sujet ? 
Dans une société démocratique, il est inadmissible que l’on pousse des citoyens à accomplir un acte qu’ils ne souhaitent pas faire par des techniques de harcèlement moral, de pressions sociales et de contraintes indirectes.
Ce pass sanitaire n’a, en réalité rien de sanitaire, et permettra de conforter les prémices d’un outil technologique de contrôle permanent de la population.
Quelle sera la liberté d’un citoyen qui soumis à un pass verra l’ensemble de ses droits politiques, civils et sociaux suspendus à tout instant par le gouvernement s’il refuse d’accomplir telle ou telle autre démarche ?

 

« Ce pass sanitaire n’a, en réalité rien de sanitaire, et permettra de conforter les prémices d’un outil technologique de contrôle permanent de la population.
Quelle sera la liberté d’un citoyen qui soumis à un pass verra l’ensemble de ses droits politiques, civils et sociaux suspendus à tout instant par le gouvernement s’il refuse d’accomplir telle ou telle autre démarche ? »

 

Si demain votre salaire n’est plus versé sur votre compte et qu’un pass, permettant cela par la centralisation de toutes vos données personnelles, vous empêche d’accéder en plus à tous les lieux de la vie publique, quelle que soit la demande, vous la ferez, y compris à contre cœur.
Qui peut raisonnablement souhaiter ce genre de société ? Nous avons encore la possibilité de dire non. Il ne faut pas rater cette rencontre avec l’histoire.

Est-ce que le Pass Sanitaire est-il en mesure d’affaiblir considérablement le droit du travail dans la mesure que certaines professions sont sous le coup d’une obligation vaccinale au risque d’une suspension de contrat de travail et de la rémunération ?
La vaccination obligatoire est le hold up du siècle. Il introduit la précarité, là ou auparavant, vous pouviez raisonnablement penser disposer d’un emploi à vie. C’est encore plus vrai pour la fonction publique.
Dorénavant, vous êtes un citoyen éjectable. La soumission ou la mort civile.
Surtout, avec un tel précédent, vous permettez une légitimation de mesures plus coercitives prises sur d’autres fondements.
Le pass sanitaire rejoint cette philosophie. Il est moins radical car vous disposez de solutions alternatives à la vaccination, mais il a les mêmes effets si vous refusez de vous y soumettre.

 

« La vaccination obligatoire est le hold up du siècle. Il introduit la précarité, là ou auparavant, vous pouviez raisonnablement penser disposer d’un emploi à vie. C’est encore plus vrai pour la fonction publique »

 

Le droit du travail s’en retrouvera nécessairement affaibli, mais surtout les syndicats, auront une dette morale à l’égard des travailleurs les plus précaires.
Egalement, cette loi remet en cause de nombreux principes comme les droits de la défense puisque l’on vous applique une sanction en dehors du processus habituel. Le point le plus important concerne les sanctions pécuniaires. Alors qu’en droit du travail ces sanctions sont interdites, un employeur pourra suspendre la rémunération de son salarié pour non-respect du pass sanitaire.
Nous verrons si les tribunaux appliqueront ces mesures qui remettent profondément en cause le droit du travail, un droit créer pour rétablir l’équilibre dans le déséquilibre naturel qui existe entre le salarié et son employeur.

 

 

Au bout de deux mois de suspension, le salarié peut-il craindre un licenciement ? Le cas échéant, a-t-il un recours auprès du Conseil des Prud’hommes ?
Au bout de deux mois consécutifs le salarié peut être considéré comme inapte à son emploi. Si la loi refuse d’utiliser le terme de licenciement, dans les faits, il s’agira d’une conséquence inéluctable.
Seulement la loi est mal rédigée. Que se passe-t-il s’il ne s’agit pas de deux mois consécutifs ? Un non-respect perlé de cette obligation n’est pas envisagé par la loi.
D’une manière générale, la loi fait peser un risque juridique et financier sur l’employeur. Il y a de nombreuses zones d’ombre.
Un employeur qui s’aventurerait à licencier son salarié pour non respect du pass sanitaire ne devrait pas aller au-delà de ce que lui permet le texte et devrait redoubler de vigilance pour ne commettre aucune irrégularité.
Une telle décision pourra toujours être contestée devant le conseil de prud’hommes.

 

« Un employeur qui s’aventurerait à licencier son salarié pour non respect du pass sanitaire ne devrait pas aller au-delà de ce que lui permet le texte et devrait redoubler de vigilance pour ne commettre aucune irrégularité »

 

Plus largement, est-ce que le refus de vaccination par un salarié peut-il être considéré comme une faute ?
C’est le point central du débat.
La vaccination obligatoire n’est pas une injection forcée. C’est la raison pour laquelle il convient de recueillir le consentement de l’intéressé. Si aujourd’hui le consentement est extorqué, celui-ci permet en apparence de respecter les textes. Ethiquement cela pose évidemment un problème et les médecins devraient s’offusquer de vacciner des récalcitrants. Pour que ce consentement existe, il ne faut pas qu’un refus entraine une sanction. Autrement la liberté de consentir n’existe plus.
Si nous appliquons le droit, et notamment celui de la convention européenne des droits de l’homme, la vaccination obligatoire n’est possible que si les conséquences d’un refus ne sont pas disproportionnées.
Bien entendu, cette condition n’est pas respectée en l’espèce.
Comme le refus n’est pas fautif, la sanction de suspension ou de licenciement n’est pas justifiée. En effet, on ne peut sanctionner un fait qui n’est pas une faute.
Il existe donc deux solutions à ce jour :
Soit les tribunaux appliquent littéralement le texte ;
Soit les tribunaux retiennent cette solution plus conforme au droit et la loi du 5 aout 2021 ne recevra qu’une application bien timide ;
Le caractère fautif d’un refus de vaccination n’est donc pas encore définitivement tranché à l’aune de cette nouvelle loi qui est un curieux mélange des genres. L’avenir nous permettra de répondre à cette question.

 

« La vaccination obligatoire n’est pas une injection forcée. C’est la raison pour laquelle il convient de recueillir le consentement de l’intéressé. Si aujourd’hui le consentement est extorqué, celui-ci permet en apparence de respecter les textes. Ethiquement cela pose évidemment un problème et les médecins devraient s’offusquer de vacciner des récalcitrants »

 

 

Elisabeth Borne, la ministre du travail a rappelé que le Pass Sanitaire ne serait pas obligatoire pour toutes les entreprises. Mais ne craignez-vous pas des libertés prises par certaines entreprises pour contraindre fortement ?
Ce que la crise sanitaire nous a démontré c’est que toute mesure restrictive de liberté à tendance à se généraliser et se pérenniser avant de se banaliser. L’exemple parfait est celui du port du masque en extérieur.
Alors que l’on sait depuis le début que cela n’a pas un intérêt sur le plan épidémiologique, celui-ci est imposé quasiment partout depuis aout 2020. Les recours se tarissent car cette mesure entre dans les mœurs et devient la norme.
Pour le pass sanitaire, c’est exactement la même chose. Le défenseur des droits et la CNIL avaient d’ailleurs alertait sur ce point.
Enfin, n’oublions pas que chaque fois qu’une règle injuste est mise en place, celle-ci finit toujours par ne plus être respectée jusqu’à rentrer en désuétude. La loi nécessite toujours un minimum d’adhésion sociale, un certain accord du corps social. La loi sur la prohibition aux états unis en est un bel exemple.
Face à une loi injuste, il est un devoir de s’opposer à son application comme l’a fait en son temps Antigone. La loi sur le pass sanitaire fait partie de ces lois.

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