Déborah Banoun: « Peut-on tirer sur celui qu’on a écouté? »

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Déborah Banoun est metteuse en scène, directrice artistique de la Cie Jetzt et de l’Annexe, lieu culturel et citoyen (93) propose pour cette nouvelle édition du Festival d’Avignon, « Yalla », une pièce que Sonia Ristic, l’autrice « a réussi a nous faire entendre le chaos de l’âme, tout en posant une question, simple, d’aucun dirait naïve : Peut-on tirer sur celui qu’on a écouté ? ». Un autre regard sur le conflit israélo-palestinien.

propos recueillis par

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Déborah Banon a répondu aux questions de Putsch à l’occasion du Festival d’Avignon.

Qu’est ce qui vous a séduit dans le texte de Sonia Ristic pour l’adapter au théâtre ?
Ce texte a été un vrai coup de cœur. De mon point de vue, peu d’auteur.trice ont une écriture si poétique, tout en étant emprunt du réel. Yalla ! est à la fois, puissant, beau, tout en parlant du monde à travers un regard rempli de doute et de contradiction.

Bien que les deux personnages de cette histoire aient leur point de vue, leur propre conviction, ils sont soudainement en proie en doute. Nous assistons à leur mutation, une mutation née de leur position, organique, physique. Tangible. L’un face à l’autre, dans une ultime position de combat, ils vont se regarder, s’écouter, alors qu’ils ne se comprennent pas, ne s’entendent pas. C’est ce que je trouve puissant dans ce texte. Sonia Ristic réussi a nous faire entendre le chaos de l’âme, tout en posant une question, simple, d’aucun dirait naïve : Peut-on tirer sur celui qu’on a écouté ?

Parce qu’au fond nous avons tous nos à priori, nos histoires, nous sommes tous le fruit d’une famille, d’une culture… Et, il est souvent difficile de s’en extraire. C’est parfois le travail de toute une vie. Avec Yalla ! on touche à ce moment de grâce, de temps suspendu ou tout devient possible.

Ce texte n’est pas une adaptation. Il n’a effectivement pas été écrit à la base pour le théâtre, mais je n’ai rien changé, ni modifié du texte d’origine. C’était une demande très ferme de l’autrice, ce que je comprends. Ce texte a un rythme, une musique singulière, chaque mot a été pesé, choisi.

En quoi cette pièce est-elle un tournant dans le travail de la compagnie ?
Chaque pièce est pour la Compagnie un tournant, une nouvelle exploration. Une avancée sur le chemin de la création théâtrale. Je considère que mon métier est d’abord de mettre en œuvre un propos, une histoire. J’essaye de m’effacer pour raconter au spectateur une histoire.
J’aime à penser que je n’ai pas un style mais des styles qui s’adaptent au propos. Certes, j’aime le plateau nu, j’aime les acteurs, les situations qui partent d’une réalité, d’une vérité, mais je n’éprouve pas le besoin de reproduire, plutôt de découvrir, ce qui au plateau me permettra de partager avec les spectateurs cette histoire !

Est-ce une pièce sur nos préjugés portant sur un conflit éminemment complexe ?
Oui. Absolument, c’est une pièce sur nos préjugés, mais attention, les préjugés, ne sont rien d’autre qu’une histoire, une culture, un temps géographique, un espace philosophique.
Si nous croyons en ce discours, ou que nous sommes touchés par tel propos, par tel livre, ou encore par ce reportage… C’est que nous nous y sommes préparés.
Et je pense que c’est dans des situations ultimes, dans des moments de danger, de survie ou de bascule profonde que nous pouvons entendre, voir et comprendre d’autres choses. Enfin, pour les adultes. Les enfants c’est différents, ils construisent. Et puis je crois que l’être humain, l’humanité, le monde et son environnement sont complexe. Ceux qui n’utilisent pas la nuance, le contraste sont dans une description rassurante du monde, mais peu vivante, non ?

Crédit Photo – Pierre Jolly

 

Quelle force donne le monologue à la pièce ?
Il nous rappelle qu’ils sont impuissants à s’entendre, et que ce fait ne dépend pas uniquement d’eux, mais de leur position, géographique, de leur position mentale. Pourtant, et c’est aussi là ou Sonia est intelligente, ils se répondent, il se comprennent. Comme si les silences entre les mots, avaient plus de pouvoir que les mots eux même. Un peu comme en musique. On dit que c’est les silences qui fabriquent le rythme.

Quel rôle joue le spectateur dans cette pièce ?
Il est central. Comme je le disais plus haut, je pense que c’est dans des situations dites « ultimes » que l’on peut entendre et comprendre un autre point de vue. On va au théâtre pour être bouleversé.
Mon défi dans cette pièce était de mettre le spectateur au centre du dispositif dramaturgique. Qu’il ne soit pas le témoin éloigné, mais qu’il ressente le danger, vive le moment présent. Sans pour autant, je déteste ça, le mettre mal à l’aise. Je crois y être arrivé…

Qu’est-ce le théâtre peut amener comme éclairage au lecteur sur ce conflit que ne peuvent pas faire les médias par exemple ?
Le théâtre offre un temps organique, Intellectuel, mais aussi émotionnel. Nous sommes physiquement ensemble sur un temps choisi. C’est à partir d’expérience commune que nous apprenons, nous construisons contre ou avec les autres. Et à l’inverse d’un média, nous sommes au théâtre plongés au coeur de l’humain, de sa complexité, de sa multiplicité, sans pour autant forcement chercher à résoudre, ou à expliquer, mais pour partager une expérience. Un temps de commun.

Yalla ! Distribution
Un texte de Sonia Ristic, publié aux éditions Lansman (mention obligatoire)
Avec Pauline Etienne, et Bachir Tlili.
Mise en scène Déborah Banoun.
Création Lumière Pierre Peyronnet.
Scénographie Guillemine Burin des Roziers et Gala Ognibene.
Une production Cie Jetzt.
Avec le soutien avec le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France – Ministère de la Culture (Aide à la création et à la diffusion 2021) et de la SPEDIDAM, société de perception et de distribution gérant les droits des artistes interprètes. (mention obligatoire)
Avec le soutien du Pavillon (Création et résidences), de l’Annexe (Résidences), du Théâtre La Reine Blanche Scène des Arts et des Sciences (Mise à disposition), de l’Espace Alya (Mise à disposition) et des CCAS.

Yalla ! Calendrier à venir
A Avignon cet été,
16 juillet 2021 à 18h à L’Espace Alya. (31bis Rue Guillaume Puy, 84000 Avignon)
17 juillet 2021 à 19h au Festival Contre Courant des CCAS (2201 Route de l’Islon, Rond-Point de la Barthelasse, 84000 Avignon)

Puis 9-17 août 2021 Tournée de 7 dates en Normandie, Pays de la Loire, et Nord Pas de Calais, Centres de vacances CCAS.
26-27 novembre 2021 Représentations au Pavillon (Romainville, 93)
27-29 janvier 2022 Représentations au Théâtre de l’Opprimé (Paris, 75)

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