Appel collectif pour la refondation d’une politique publique de la culture

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À l’heure où, dans notre région comme partout, la crise sanitaire révèle les limites d’un modèle marchand appliqué à tous les secteurs d’activité, cet appel émanant d’acteurs et d’actrices de la culture en Occitanie, n’a pas pour but de réclamer sa part dans les décisions à venir, mais de prendre part aux réflexions collectives qui s’imposent.

Nous parlons depuis une longue histoire, l’histoire précieuse et accidentée d’un modèle qui nous a parfois permis d’opposer une exception – dite « culturelle » – à la stricte logique commerciale. Bien que relative, on sait que là où elle n’existait pas (chez nos voisins espagnols et italiens), les conditions de travail des artistes et de ceux qui les accompagnent se sont réduites très rapidement aux stratégies de survie de quelques uns, livrés aux injonctions de quelques monopoles.

Mais depuis une dizaine d’années, la promotion progressive et agressive d’une logique de rentabilité, rongeant l’ensemble des politiques publiques, ne s’est pas arrêtée davantage aux portes des salles de spectacles qu’à celles des hôpitaux, des écoles, des exploitations agricoles ou des transports. Il nous paraît donc moins digne aujourd’hui de défendre la sauvegarde de cette exception que de travailler, avec d’autres, à transformer la règle commune.

La raison artistique, comme les autres (médicales, éducatives, agricoles,…) a sa singulière nécessité. Elle crée, à travers ses pièces, ses musiques, ses danses, ses images, ses ateliers, des formes où se travaillent nos sensibilités, où se réfléchissent nos histoires, où se questionnent nos contradictions, où se pensent nos expériences collectives. C’est là sa fonction, qui n’est ni strictement utilitaire ni de pur divertissement. Nous demandons que ces raisons soient remises au centre, car ce sont elles qui nourrissent nos pratiques, et non leur attractivité touristique, leur supplément d’âme ou leur indice de performance. C’est à partir d’elles que nous travaillons sur le territoire, et que nous inventons une économie. C’est sur elles que repose une démocratisation culturelle, qui est loin d’être achevée. Ce sont elles qui autorisent, à l’égal des autres, la voix des artistes dans le débat public.

On parle beaucoup, ces temps-ci, du Conseil National de la Résistance et, en termes de politiques culturelles, on revient aux aventures fondatrices de la décentralisation. Dans les deux cas, il y eut moins d’union que de combats pour que les politiques publiques d’un pays se tiennent à la hauteur d’une histoire inédite, à l’écoute de l’intérêt général. Le temps ne connaît pas la marche arrière, et l’âge d’or n’a jamais existé. Mais nous avons sous les yeux un âge de fer, et nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins.

Va-t-on encore une fois, dans cette période de crise, procéder à une austérité sélective, se soumettre à l’impératif de la croissance à retrouver, et sacrifier à l’urgence du moment des pans entiers des politiques publiques ? Va-t-on poursuivre le dépeçage du corps et de l’esprit de la plupart des services publics ? Ou va-t-on cesser d’entretenir la division selon les mérites et les utilités pour redonner à chacun les moyens d’accomplir ses missions ?

Les artistes et les lieux de spectacle, déjà mis sous tension depuis de nombreuses années, subissent de plein fouet la crise actuelle. Et les temps qui viennent, pour nos pratiques fondées sur la réunion d’un public, sont très incertains. Nous aurons à réinventer des rapports, des situations, des conditions nouvelles, pour un temps indéterminé, et nous le ferons. À vrai dire, nous avons déjà commencé à le faire, en appliquant, à l’échelle de nos métiers, des solidarités adaptées aux premières urgences.

Mais cela ne se fera pas sans une volonté politique qui affirme son soutien sans faille et pérenne aux missions publiques de la culture. Cela nécessitera de nouveaux moyens, laissés au soin de ceux qui, depuis des années, déploient une expérience de leurs métiers et de leur art. Pour ce secteur, comme pour les autres, il faudra bien se décider à inverser la maxime productiviste : elle dit que le temps, c’est de l’argent, nous répondons que l’argent, c’est du temps : celui qui est nécessaire à la création d’une forme, au soin d’un patient, à l’éducation d’une jeunesse, au travail d’une terre.

#urgenceculture #refondationculture #culturepublique

Les artistes et structures artistiques et culturelles d’Occitanie
30 avril 2020

Ce texte rédigé en commun le 27 avril 2020 a déjà été signé par 837 signataires (structures et lieux pluridisciplinaires de production, de diffusion, de formation, d’insertion professionnelle, compagnies, artistes et techniciens indépendants), présents sur l’ensemble du territoire d’Occitanie.

Parmi tous les signataires, nous pouvons nommer de manière non exhaustive : ALBANESE Carole – L’Estive, Scène nationale de Foix et de l’Ariège
ALBERNHE Brice – Festival Villeneuve en scène
ALIHODZIC Améla – Playtime
ANTOINE Yaëlle et GUYEZ Marion – Compagnie d’Elles
AUBERT Marion – Compagnie Tire pas la nappe
BAES Virginie – Compagnie les 198 os
BONNEMAISON-FITTE Benoît – Affichiste
BORRAS Serge – La Grainerie, Fabrique des arts du cirque et de l’itinérance
BOURNAC Sébastien – Théâtre Sorano
BROQUIN Lou – Compagnie Créatures
CERDELLI Laurence – Collectif La Basse Cour
CHARRU Camille – Circa, Pôle national de Cirque Auch
CLAVAGUERA Marie – Compagnie La Lanterne
DECOURTYE Camille et MATEU TRIAS Blaï – Compagnie Baro d’Evel
DEPUCCIO Gisèle et MONTANARI Jean-Paul – Montpellier Danse
DO Véronique – Scénographe – scène conventionnée du Lot
DUBOURG Nicolas – Théâtre la Vignette
FERREIRA Katia et BRETON Charly – Compagnie Cinquième quart
FOUILLAND-BOUSQUET Marion – Théâtre+Cinéma, Scène nationale Grand Narbonne
GAILLARD Corinne – La Place de la Danse, CDCN Toulouse Occitanie
GAILLARD Emmanuel – Odyssud Blagnac, Scène conventionnée d’intérêt national
GARCIA VALDÉS Ariel – Acteur et metteur en scène
GARRAUD Nathalie et SACCOMANO Olivier – Théâtre des 13 vents, CDN Montpellier
GESLIN Bruno – Compagnie La Grande Mêlée
HOULES Bruno – Théâtre des 2 Points, Scène conventionnée d’intérêt national
IZQUIERDO MUNOZ Marta – Compagnie Lodudo
LAFAURIE Denis – Le Cratère, scène nationale d’Alès
LE BRIS-CEP Laureline, TUR Gabriel et TUR Jean-Baptiste – Collectif Le Grand Cerf Bleu
LEFÈVRE Anne – Théâtre le Vent des signes
LEGRAND Martine – Scène nationale d’Albi
LEZIN Mariana – Compagnie Tropuscule théâtre
LUCAS DE LEYSSAC Gabriel – Le Kiasma-Agora
MAILLET Pierre – Compagnie Les Lucioles
MAISONNEUVE Mathieu – L’Usine, CNAREP Tournefeuille/Toulouse Métropole
MANUEL Sylviane – La Verrerie d’Alès, Pole national cirque Occitanie
MEURISSE Florence et BORY Aurélien – Compagnie 111
MILIN Gildas – ENSAD Montpellier
MINI Sandrine – Théâtre Molière-Sète, Scène nationale archipel de Thau
MUZAC Marion – Compagnie MZ Production
NOEL François – Théâtre de Nîmes
OHAYON Jacky – Théâtre Garonne
OLIVER Théodore – Compagnie MégaSuperThéâtre
OLIVERES Florian – Scènes Croisées de Lozère, Scène conventionnée d’intérêt national
OSWALD Solange et FESEL Joël – Groupe Merci
OTON Nicolas – Compagnie Machine Théâtre
PACHAL Maud – Le Périscope, Scène conventionnée d’intérêt national
PAGÈS Fanny – L’Astrada de Marciac, Scène conventionnée d’intérêt national
PHILISPART Guilaine – Compagnie Les trigonelles
RIOU Marie-Claire – Le Parvis, Scène nationale Tarbes Pyrénées
RIZZO Christian – ICI, CCN de Montpellier
SALARIÉ.E.S ASSOCIÉ.E.S – Théâtre du Grand Rond
SEVERAC SCHIMTZ Guillaume – Collectif Eudaimonia
SITJÀ Borja – L’Archipel, scène nationale de Perpignan
SOULAS Maya – Maison des écritures Lombez Occitanie
SOULIÉ Hélène – Collectif Exit
STOEV Galin et GIL Stéphane – ThéâtredelaCité, Centre Dramatique National Toulouse Occitanie
THIBAULT Anne et FENNER Sébastien – Compagnie Merci mon chou
VARELA Jean – Printemps des Comédiens
VIAN Marion et SAUNIER-BORRELL Philippe – Pronomade(s) en Haute-Garonne, CNAREP
VIDAL Maguelone – Intensités

Site de la pétition

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