Antoon Krings : « Parfois j’ai l’impression de parler d’un univers révolu, où les oiseaux, les insectes, les abeilles n’ont plus leur place »

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Dès son plus jeune âge, cet artiste s’est passionné pour l’observation de la nature, en particulier celle qui se trouvait dans son jardin. Plus tard, il est devenu designer textile, avant de se consacrer pleinement à l’illustration et à l’écriture en créant ses premiers livres pour enfants. Ses albums ont connu un succès tel qu’à ce jour, ils sont traduits dans plus de vingt pays. Putsch a interviewé Antoon Krings, à l’occasion de l’exposition que le MAD, Musée d’Arts Décoratifs de Paris, lui consacre jusqu’au 8 septembre 2019.

propos recueillis par

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Comment avez-vous réagi lorsqu’on vous a proposé l’idée d’une exposition dédiée aux « Drôles de petites bêtes »?

Je connais très bien ce musée et j’en ai gardé des souvenirs mémorables. Quand le MAD m’a contacté, j’en ai été très honoré. Alorq qu’en en général, peu d’expositions sont consacrées à l’illustration et aux auteurs pour la jeunesse, qui sont souvent méconnus, négligés, voire oubliés. C’est donc un autre regard sur la littérature jeunesse que le musée proposait en consacrant leur nouvelle exposition à mon parcours et à mon univers.

 

Antoon Krings — Mireille l’abeille, 1994 © Gallimard Jeunesse/Giboulées

 

Qu’est-ce que cela vous inspire que la Belle la Coccinelle, Camille la Chenille et leurs amis, côtoient les œuvres d’artistes du passé ?

Au départ, pour tout dire, j’ai éprouvé une certaine appréhension de voir mes images côtoyer ces œuvres du passé, mes personnages frayer avec les grands artistes qui m’ont influencé, nourri, et pour lesquels j’ai une grande admiration. Mais nous en avons parlé avec Anne Monier, la commissaire de cette exposition. Et puis je me suis projeté dans cet espace — celui qui nous accueillait entre les murs du musée, mais aussi celui qu’il nous restait à créer, à scénographier. Ce fut une expérience incroyable de tracer ce parcours entre les arts des anciens, leurs ouvrages, la photographie et mon jardin, ces passerelles entre les Anciens et le travail des illustrateurs, qui sont des artistes à part entière. De faire en sorte que tout cela se regarde ensemble, nous fasse signe le temps de l’exposition.

 

« J’essaie de susciter chez l’enfant l’envie d’apprendre davantage, autrement, d’observer, de se comprendre comme un élément faisant partie d’un tout, de l’inviter peut-être ainsi à mieux protéger la nature »

 

Pensez-vous que ce mélange de genres puisse favoriser la découverte de l’art chez les plus petits ?

Je ne parlerais pas d’un mélange des genres. Ce qui nous importe à travers cette exposition, c’est bien d’exercer le regard des enfants, qui n’ont pas nécessairement accès à la culture, d’éveiller leur curiosité. Il s’agit plutôt même d’un « discours », d’une extension de mon univers, d’ouvrir mon jardin à toutes sortes de découvertes… Au fond, il s’agit toujours, comme souvent, de… raconter une histoire !

Parlons d’actualité. La pollution est catastrophique pour la  survie  des insectes. Si Mireille l’Abeille et ses copains pouvaient s’adresser aux humains, que leur diraient-ils?

Mon goût pour la nature, cette passion que j’éprouve depuis l’enfance font de moi le témoin attristé d’un monde où le vivant disparaît inexorablement. Parfois j’ai l’impression de parler d’un univers révolu, où les oiseaux, les insectes, les abeilles n’ont plus leur place. Par leur présence même, ce qu’ils sont, ce qu’ils font, mes personnages sensibilisent les enfants à toutes ces questions… Et c’est en cela qu’ils portent une parole « écologique », au même titre qu’ils sont porteurs avant tout de beauté, de complexité et de mystère.

Antoon Krings — Capucine la coquine, 2018 © Gallimard Jeunesse/Giboulées

 

Antoon Krings —
Louis le papillon de nuit, 2011 © Gallimard Jeunesse/Giboulées

 

Pensez-vous que vos personnages pourraient être invités à sensibiliser les plus petits (mais aussi leurs parents) sur les risques climatiques ?

À travers mes histoires, mes fictions et mes personnages, j’essaie de susciter chez l’enfant l’envie d’apprendre davantage, autrement, d’observer, de se comprendre comme un élément faisant partie d’un tout, de l’inviter peut-être ainsi à mieux protéger la nature, et d’éveiller une conscience écologique. Mais c’est toujours une façon de partir du rêve pour aller au concret…

 

« Je rêve d’une comédie musicale, sur scène »

 

En 2006 est sorti le film « Drôles de petit bêtes : Les Quatre Saisons » puis, en 2017 il y a eu la nouvelle adaptation « Drôles de petites bêtes ». Avez-vous d’autres projets pour le grand écran ?

Le film de 2006 fut une première expérience, mais j’avais envie d’adapter mon univers sur grand écran et de réaliser un long métrage. Et par chance j’ai rencontré le producteur Aton Soumache, qui souhaitait produire un film d’auteur où je puisse m’impliquer totalement, de l’écriture à l’image. L’occasion de réinterpréter mon univers sous une autre forme, dans une tout autre dimension, tout en préservant ce lien affectif que j’entretiens avec la nature : comment restituer ce domaine miniature, donner à voir ce que dissimule, ou révèle, les feuillages, la végétation — cette fenêtre ouverte sur ce monde caché et tous ses secrets… Mais depuis nous avons réalisé aussi une série télévisée et nous projetons de faire une saison 2, et pourquoi pas, plus tard, un deuxième long métrage ?

Et au-delà du cinéma, avez-vous d’autres projets ?

Je rêve d’une comédie musicale, sur scène, on en parle… Et bien sûr l’aventure éditoriale se poursuit avec ma collection, que je continue d’enrichir avec de nouveaux personnages, de nouveaux caractères.

Les petits lecteurs de vos albums sont vraisemblablement en vacances en cette période. Y-a-t-il un message que Simon le papillon, Loulou la tortue (ou d’autres personnages) voudraient faire passer aux enfants cet été ?

Je leur dirais de se promener dans les bois, en montagne, au bord de la mer. De ne pas se fatiguer les yeux sur les écrans, et de les ouvrir grand sur le monde qui les entoure, la nature et ses mystères.

Antoon Krings — Apollon le grillon, 2017 © Gallimard Jeunesse/Giboulées

 

 


Expo : « Drôle de petites bêtes »
Musée des Arts Décoratifs
Jusqu’au 8 septembre 2019
Site internet de l’exposition

 

 

 


(crédit photo à la une : Antoon Krings — © Manuel Braun)

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