Aurélien Pradié (LR) : « La disparation de Soir 3 est une décision budgétaire. Ni stratégique, ni courageuse. Seulement comptable »

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Le 18 juin 2019, 81 députés ont adressé une lettre à la Présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, pour l’inviter à revenir sur la décision de transférer « Soir 3 » sur la chaîne Franceinfo. Ce jeune élu du Lot a accepté de répondre aux questions de Putsch, plusieurs semaines après l’envoi du courrier, resté lettre morte.

propos recueillis par

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Pourquoi avez-vous envoyé une lettre avec 81 autres députés à Delphine Ernotte ?

Le 18 juin dernier, la Présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, a annoncé le projet de transfert sur Franceinfo TV du Soir 3, l’emblématique journal télévisé de France 3, à partir de la rentrée 2019. Cette disparition du Soir 3, sans concertation réelle avec les acteurs et parlementaires, nous concerne tous.  Élus issus des territoires, nous savons que la disparition de ce programme impactera la qualité de l’information de nos concitoyens. Ce journal historique de référence sait mettre en lumière des sujets qui touchent notamment la vie locale. L’information de proximité, à travers, l’attachement à un territoire n’est pas accessoire. Le Soir 3 porte cette singularité. Elle permet de construire du lien, une identité collective et une vie commune. Elle renforce la cohésion et l’inclusion de tous nos concitoyens dans notre société. Cette mission est cruciale, pour l’information mais aussi pour une certaine idée du lien social. Le rôle du politique est bien de préserver des repères de l’information de qualité, de veiller à la pérennité du service public, pas de démissionner face au défi essentiel de l’information de nos concitoyens, pas d’épouser les modes et les mouvements des temps.  Cette tribune a une force particulière car elle rassemble des députés nombreux issus de tous les Groupes politiques de l’Assemblée. Ce rassemblement est inédit et démontre l’importance du sujet. Ce n’est pas anodin.

À votre avis pourquoi France Télévisions a décidé de supprimer Soir 3 ?

Manifestement, c’est une décision budgétaire. Ni stratégique, ni courageuse. Seulement comptable. Pour mutualiser l’information et réaliser des économies notamment sur les équipes et la technique. Rappelons que le Soir 3 est un rendez-vous incontournable pour 700.000 Français en moyenne depuis une quarantaine d’années. Il a atteint les mois derniers des records d’audiences avec 1,5 million de téléspectateurs malgré des horaires irréguliers et parfois tardifs. Ce projet de disparition du Soir 3 vise tout simplement à détruire ce qui fonctionne et ce qui fait sens. Sa disparition est une lourde erreur.

 

« Il ne doit pas y avoir une vérité d’Etat, ni un Gouvernement qui dira aux journalistes ou aux journalistes ce qui est dicible et ce qui ne l’est plus »

 

On pourrait vous dire qu’il faut faire des économies …

Sûrement pas sur un journal du service public qui aborde des sujets capitaux. Le Soir 3 a d’autant plus sa place dans l’époque que nous connaissons. A l’heure du phénomène massif des fausses informations, de la surinformation et de l’immédiateté, le service public doit être encore plus aujourd’hui qu’hier une garantie de l’élaboration d’une information fiable et de qualité pour les téléspectateurs français. La gestion comptable de courte vue ne doit pas remplacer une vision stratégique de long terme.

 

« Le Soir 3 est un rendez-vous incontournable pour 700.000 Français en moyenne depuis une quarantaine d’années »

 

Croyez-vous que la suppression de Soir 3 ait un impact sur le pluralisme des médias en France ?

Quand on sait qu’en France, il existe sept chaînes d’information permanente, le transfert de ce journal sur une chaîne d’information continue a encore moins de sens. Est-ce le rôle du service public de démultiplier cette offre et de s’y noyer ou au contraire est-ce le rôle du service public de conforter son rendez-vous d’information de référence ? Notre réponse est claire : la mission du service public de l’information doit conserver son indépendance et sa spécificité. Il est encore temps d’abandonner ce funeste projet.

 

« Ignorer la parole de la Représentation nationale, ce serait ignorer ce qu’est la mission du service public »

 

Plus en général, quel regard portez-vous sur les lois approuvées par la Majorité : anti fake news, Avia …

Il faut être extrêmement vigilant à ce que ces lois ne portent pas préjudice à la liberté d’expression et de communication. A quel moment est-on face à une fake news ? Qui décide que c’est une fake news ? C’est un sujet hyper sensible. Il ne doit pas y avoir une vérité d’Etat, ni un Gouvernement qui dira aux journalistes ou aux journalistes ce qui est dicible et ce qui ne l’est plus. Je suis attaché à la vérité des faits mais j’aimerais que ce soit avant tout une responsabilité individuelle. Ce n’est surtout pas aux opérateurs privés de décider ce qui pourra être dit ou ne devra pas l’être. Avec ces lois, nous ne réglons rien : pour combattre les fausses idées, il faut les attaquer sur le fond, pas sur la forme. La facilité c’est certainement de « purifier » les discours. Ce n’est pas pour autant que l’on fait progresser la pensée …

Une dernière question. S’il n’y a pas de réponse à votre lettre, que pensez-vous faire ?

Le courrier a été adressé à la Présidente Delphine Ernotte le 18 juin dernier pour lui demander de revoir sa décision de suppression du Soir 3. Trois semaines plus tard, elle ne nous a toujours pas répondu. Il y a 2 jours, je me suis donc adressé publiquement à Madame Ernotte en vidéo, partagée sur les réseaux sociaux. Je n’envisage pas qu’elle puisse ignorer encore plusieurs jours la sollicitation de 82 députés issus de tous les Groupes politiques. Elle dirige un outil du service public. Ignorer la parole de la Représentation nationale, ce serait ignorer ce qu’est la mission du service public. Une telle ignorance serait un mépris que je n’imagine pas, ni à l’égard des députés, ni à l’égard des Français que nous représentons.

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