Olivier Delacroix : « Une société qui ne met pas les femmes au cœur et ne les reconnaît pas comme piliers, c’est une société qui boîte »

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Olivier Delacroix, c’est une silhouette, une voix et un ton reconnus par tous. Le journaliste aux dreadlocks sillonne le territoire français depuis 9 ans à la rencontre et à l’écoute de témoins en tout genre pour sa série documentaire «  Dans les yeux d’Olivier  » dont la diffusion reprend dès ce mercredi 29 mai pour une huitième saison. Il continue aussi d’officier quotidiennement sur Europe 1 avec son émission «  Partagez vos expériences de vie  ». Ce grand amoureux et admirateur des femmes leur dédie son dernier livre «  Parce qu’il y a les femmes  » publié chez Michel Lafon. L’occasion de revenir sur les rencontres qui l’ont marqué et de rendre hommage à ces combattantes du quotidien, mais aussi celle de livrer son point de vue d’humain et d’homme sur la société qui l’entoure.

propos recueillis par

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Votre livre démarre avec un extrait de la lettre ouverte de l’artiste Jules Beaucarne écrite suite au décès brutal de son épouse assassinée par un déséquilibré en 1975… Il y écrit  : «  C’est la société qui est malade, il nous faut la remettre d’aplomb et d’équerre, par l’amour et l’amitié et la persuasion. (…) Sans vous commander, je vous demande d’aimer plus que jamais ceux qui vous sont proches. Le monde est une triste boutique, les cœurs purs doivent se mettre ensemble pour l’embellir, il faut reboiser l’âme humaine  ». Pourquoi avoir choisi ce texte pour préfacer votre livre et en quoi Jules Beaucarne vous inspire-t-il ?

Je pense que quand vous écoutez ce que vous venez de lire ça s’impose, je pense qu’on partage lui et moi ces valeurs d’aimer l’autre au-delà de son côté sombre avec la perception surtout qu’il y a toujours du bon chez un homme ou une femme. Il y a toujours une parcelle ou quelque chose qui peut être dans un recoin, mais nous nous devons de faire l’effort de regarder l’autre, de ne pas avoir peur de l’autre, d’attendre, d’être patient, c’est une question d’aimer l’autre envers et contre tout. C’est un challenge, c’est quelque chose qui est dur. Je crois que je partage ce sentiment-là qu’envers et contre-tout il faut aimer l’autre. Du coup lorsqu’il évoque une société malade, je l’évoque aussi dans mon livre lorsque je parle des femmes, on ne les met pas au cœur de notre société, dans cette société patriarcale qu’est la France, on continue de négliger dans certains domaines les femmes et tant qu’on continuera à faire cela on sera dans une société qui boîte, dans une société qui est mal. Au-delà des femmes il faut aimer l’autre… Je me rappelle qu’avec l’éducation catholique que j’ai reçue on disait  :  «  Aime ton prochain  », mais ce n’est pas ça, parce que ça ne se résume pas qu’à ces mots, c’est dans l’attitude de tous les jours… Je vais vous parler de la mienne parce que je ne connais pas celle de Jules Beaucarne… Je suis ouvert à tout le monde et ça commence chez moi bien évidemment avec ma femme et ma fille, mais c’est aussi quand je sors, avec mon voisin, avec une famille roumaine qui est en bas de chez moi et qui me connaît, mais aussi le chauffeur de taxi à un feu rouge, la queue dans un magasin. J’ai remarqué que le sourire parfois est suspect pour certains, en fait je souris à des gens et ils paraissent étonnés que je puisse sourire. Je suis tourné vers l’autre et j’ai une profonde conscience que je me suis construit à travers l’autre, on ne se construit pas tout seul, on s’élève à travers l’autre parce que que l’on soit ou non d’accord avec lui c’est ce qui fait notre construction, ce qui nous permet d’avancer, de réfléchir donc de se construire.

« J’ai un positionnement très clair dans cette émission qui est celui de passeur »


Votre livre est une rétrospective des rencontres féminines qui ont jalonné votre existence personnelle mais aussi et surtout professionnelle dans le cadre de votre émission «  Dans les yeux d’Olivier  »… On a l’impression que vous aviez à votre tour besoin d’exprimer tout ce que vous ne pouvez pas dire sur vos plateaux de tournages, parce que ce n’est pas votre rôle à ce moment-là?

Exactement, vous avez parfaitement cerné, d’ailleurs ce matin j’étais en réunion à France Télévision pour un projet de quatre films manifestes sur France 5 l’année prochaine en prime, où là je pose des questions, je suis en quête de réponses, je suis aussi dans ces films une force de proposition, alors que pour «  Dans les yeux d’Olivier  » je suis là pour écouter, pour aider l’autre à se raconter. Je sais que ce positionnement est justement ce qui fait le succès de cette émission et la confiance de la communauté qui grandit de plus en plus autour de ce magazine documentaire. C’est justement le fait d’avoir enfin un journaliste qui à travers ses questions n’oriente pas l’autre, soit là pour l’aider à trouver des clés, à ouvrir des portes qu’il n’ouvrirait pas tout seul, et donc à l’aider à cheminer dans son récit et voir ce qu’il a fait des choses dures que parfois la vie nous impose. Qu’est-ce qu’il en a fait  ? Comment l’a-t-il transformé en force  ? Quelle stratégie a-t-il mis en place pour s’élever  ? Du coup j’ai un positionnement très clair dans cette émission qui est celui de passeur, on a beaucoup utilisé ce mot mais je trouve qu’il sonne bien et qu’il est très juste en ce qui me concerne.

 

« Le regard que je porte sur ma profession aujourd’hui est qu’elle est faite à 90% ou 95% de gens qui font bien leur travail »


Vous dites  : «  Dans les yeux d’Olivier est une histoire de regard, d’écoute, de confiance et de temps accordé  ». Vous  prenez le temps de vous immerger dans le quotidien des personnes que vous interviewez et c’est ce qui leur permet de se livrer à cœur ouvert… On peut dire que votre manière de pratiquer le journalisme va à contre-courant de l’ère actuelle avec le règne des chaînes infos… Quel regard portez-vous sur votre métier et sur son évolution  ? Où place-t-on l’humain  ?

J’ai d’abord envie de vous dire que dans les temps qu’on traverse, je n’ai pas envie d’alimenter cette non-confiance et ce fantasme que les journalistes sont tous pourris et au moment où l’on parle, j’ai de nombreux confrères qui ont été coursés voire molestés, voire frappés dans les manifestations. Il y a une volonté aujourd’hui de détruire l’image du journalisme. J’entendais l’autre jour sur France Info Mme Le Pen remercier les journalistes qui venaient de l’interviewer en disant  : «  Merci Messieurs les procureurs  ». Ce type de personne publique ou de leader politique est très dangereux parce qu’il alimente l’idée que les journalistes sont des gens malhonnêtes. Alors il y a bien évidemment une presse, on va éviter de parler de cette presse people qu’on met de côté, mais il y a une presse aujourd’hui, avec les chaînes continues d’info, qui se nourrissent de ce que je trouve de la misère humaine. On peut évoquer les gilets jaunes, mais tous les samedis… On a eu sept semaines de suite ces chaînes continues d’info qui je pense ont contribué à encore plus semer le trouble, d’ailleurs c’est souvent à ces journalistes-là qu’on s’en prend, mais ça c’est inacceptable. Concernant le regard que je porte sur ma profession aujourd’hui… Tout naturellement je pense à Thomas Sotto que j’ai croisé hier, Marc-Olivier Fogiel aussi, qui sont des gens qui ont un ton, qui ont une intégrité, qui ne sont pas achetables, de nombreux autres aussi, comme Thierry Demaizière qui fait un travail formidable… Je pense qu’il y a chez ces hommes-là ce qui est à l’origine de ce que j’ai appris lorsque j’étais à L’Institut Pratique de Journalisme, j’ai appris que le métier de journaliste était de se rendre d’un point A à un point B et sur ce point B de constater, de s’imprégner d’une réalité et de ramener cette réalité par écrit, par oral, par les caméras, de rétribuer cette réalité le plus justement possible, et c’est ce que je m’évertue à faire aujourd’hui, c’est ce que de nombreux journalistes, comme ceux que je vous ai cités, s’évertuent à faire aussi, je pense à Léa Salamé aussi qui est une excellente journaliste, on sent que quand elle pose une question elle n’a pas déjà préparé la réponse qu’elle attend. La critique que je pourrais faire mais que j’ai pu constater est que beaucoup de journalistes partent avec leurs questions mais aussi avec leurs réponses, ce qui est une ineptie totale  ! Alors on peut y voir le malaise que traverse notre profession aujourd’hui parce que les gens ne sont pas dupes. J’ai des confrères que je considère comme vraiment talentueux, faisant leur travail de manière profondément déontologique, et puis d’autres, dont je tairais le nom, mais qui me semblent être plus dans une manipulation de l’information, donc il faut rester vigilant. Le regard que je porte sur ma profession aujourd’hui est qu’elle est faite à 90% ou 95% de gens qui font bien leur travail. Je rencontre aussi énormément de journalistes en province  : La Voix du Nord, Le Dauphiné Libéré, La Provence, Nice Matin… Quand je pars en tournage, ils viennent souvent me voir. On a d’excellents confrères en province, il ne faut pas les oublier tous ces journalistes-là, parce qu’on aurait tendance à Paris à penser qu’il n’y a que nous qui existons. Mais je le répète, la profession est faite vraiment majoritairement et à 95% de gens qui font bien leur travail. Les 5% dont je vous parle contribuent à l’image déplorable qu’a aujourd’hui la profession.

 

« Il me semble que la première chose serait de légiférer sur ces hommes qui frappent leur femme et qui en sachant ça savent qu’ils peuvent dormir en prison le soir-même selon la gravité »

 

Vous êtes depuis longtemps particulièrement sensible au sort des femmes victimes de violences conjugales… La FNSF (Fédération Nationale Solidarité Femmes) s’est récemment vue attribuer par le Premier Ministre Edouard Philippe le label « Grande cause nationale 2018  »… Cependant vous dites qu’au terme de cette année aucune mesure importante n’est ressortie pour «  changer en profondeur le sort des femmes violentées et les protéger de leurs agresseurs  ». Que faut-il selon vous mettre en place pour améliorer les choses?

C’est un constat que je fais. C’est bien de faire des grandes déclamations, de dire que les violences faites aux femmes et la protection des femmes sont la grande cause nationale, mais il faut que les actes suivent. Aujourd’hui, depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au gouvernement, qui est en plus quelqu’un pour qui j’ai voté et en qui j’ai mis de l’espoir, en fait sur cette cause-là on a plus reculé qu’on a avancé.

Et pourquoi  ? Parce qu’aujourd’hui on voit des foyers d’accueil d’urgence des femmes disparaître, on voit des associations ne plus être subventionnées. On a un double discours. Et quand j’entends Marlène Schiappa déclamer que c’est un souci, en fait les actes ne suivent pas. Pour moi aujourd’hui la première chose qui serait à faire serait de légiférer ne serait-ce que sur une chose…

 

« Quand j’entends Marlène Schiappa déclamer que c’est un souci, en fait les actes ne suivent pas. Pour moi aujourd’hui la première chose qui serait à faire serait de légiférer ne serait-ce que sur une chose… »

 

Pourquoi au Canada un homme qui frappe sa femme peut se retrouver en garde en vue puis déféré  ? Pourquoi aujourd’hui en France un mec peut taper sa femme tous les soirs  ? Et on va mettre des mois, si la femme décide de porter plainte, et c’est souvent une difficulté très complexe parce qu’elle est liée aussi à l’amour qu’on porte à l’autre, parce qu’il y a des enfants, parce que quitter un foyer pour aller où  ? Comment  ? Avec quel moyen  ? La complexité des violences faites aux femmes est de l’idée du départ qui doit se préparer, ce n’est pas à la portée non plus de toutes les femmes, parce que plus leur situation est complexe plus le départ est compliqué. Donc aujourd’hui, on est en 2019, je constate qu’à part  déclarer qu’on fait de 2018 une grande cause nationale, c’est le contraire qui s’est passé. Et il me semble que la première chose serait de légiférer, comme je l’ai dit, sur ces hommes qui frappent leur femme et qui en sachant ça savent qu’ils peuvent dormir en prison le soir-même selon la gravité. Je considère qu’un homme qui tape sa femme et qui lui pète le nez doit dormir en prison le soir, même si ce n’est qu’une semaine. Pourquoi ça se fait au Canada  ? Pourquoi ça marche au Canada  ? On y prend aussi globalement le problème, parce que cet homme qui frappe il a un problème. Dans cette problématique de la violence, le Canada s’occupe des femmes victimes mais aussi des auteurs des violences. On a l’exemple devant nous et on ne fait rien, alors je me pose la question… Est-ce que ça coûte trop cher de mettre un mec en prison  ? Parce qu’un détenu coûte entre 180 et 200 euros par jour au contribuable. Est-ce qu’on fait des choix stratégiques  ? Il est où le problème en fait  ? Parce que je pense que si on mettait ça en débat à l’Assemblée, qu’on soit de droite ou de gauche, d’extrême droite ou d’extrême gauche, ça serait vite voté alors que ça ne bouge pas. J’invite la Ministre à déjà prendre une première mesure concernant les auteurs de violences qui pourrait mettre à l’abri bon nombre de femmes aujourd’hui.

 

« Le milieu de la mode est, je trouve, celui où j’ai vu se dégager le plus de violence faite à l’autre et pas qu’aux femmes »

 

 

Vous dites dans votre livre  : «  J’aime les femmes et je ne supporte pas qu’on les traite mal. A commencer par leur image. C’est pour cette raison que j’exècre l’univers de la mode, en tout cas ce que j’ai été amené à en voir  ». Par quoi avez-vous été choqué  ?

Il y a plusieurs choses en fait. J’exècre le milieu de la mode parce qu’en fait il est d’abord une représentation de la femme qui n’est pas du tout proche de celle que nous voyons tous les jours, c’est un constat que vous pouvez faire vous-même comme moi. Quand on se balade dans la rue, je ne vois aucune femme pratiquement squelettique, qui a 16 ans et qui représente l’image de la femme… Il y a quelque chose qui m’échappe totalement  ! Il y a 30 ans quand je travaillais avec Christophe Dechavanne et que je faisais «Ciel mon mardi  !  », les mannequins étaient des femmes qui pouvaient être limite plantureuses, en tout cas je trouve qu’elles s’approchaient plus d’un physique de celui de plein de femmes et les femmes pouvaient se reconnaître.

 

« Le milieu de la mode est exécrable et ça touche même certains réalisateurs qui sont spécialisés dans la mode et qui sont très bien avec les grands couturiers mais qui se comportent avec leurs équipes  comme des divas, parlent mal et traitent mal leurs équipes »

 

Aujourd’hui, la représentation dont la mode est un vecteur, est je trouve un mauvais vecteur parce qu’il aide à faire culpabiliser tout un tas de femmes qui se trouvent trop grosses ou pas assez machin. Au-delà de ça le milieu de la mode s’inspire bien évidemment du monde qui nous entoure mais, notamment pour moi qui suis aussi musicien, elle m’a profondément dérangé au moment où elle pillait le rock’n roll. Parce que quand vous connaissez les gens de la mode, quand vous connaissez le snobisme, quand vous connaissez l’hypocrisie de tous ces gens qui veulent se faire passer pour des gentils, alors qu’on rencontre beaucoup de méchants dans ce milieu où les gens se traitent mal les uns les autres… Le milieu de la mode est exécrable et ça touche même certains réalisateurs qui sont spécialisés dans la mode et qui sont très bien avec les grands couturiers mais qui se comportent avec leurs équipes  comme des divas, parlent mal et traitent mal leurs équipes. Ce milieu est, je trouve, celui où j’ai vu se dégager le plus de violence faite à l’autre et pas qu’aux femmes, c’est pour ça que j’en parle dans mon livre.

 

Vous sembliez faire office de visionnaire en 2014 – notamment suite à l’assassinat du journaliste américain James Foley – car vous pressentiez la menace terroriste islamiste s’étendre jusqu’à la France… Votre entourage vous taxait même de paranoïaque lorsque vous vous inquiétiez du fait qu’aucune mesure ne semblait être mise en place dans le pays pour appréhender ce fléau… Les attentats de 2015 vous ont hélas donné raison. Qu’est-ce qui vous avait alerté  ?

Au tout début en fait ce n’était pas une alerte, c’est que je suis très ami avec Avy Marciano, qui joue dans «  Plus belle la vie  », ça pourra peut-être en étonner certains, mais son talent va bien au-delà même s’il fait très bien ce qu’il a à faire dans «  Plus belle la vie  », c’est un acteur hors pair, et j’ai voulu à l’époque m’intéresser à l’histoire d’Israël. Puis partant de l’histoire d’Israël bien évidemment j’ai voulu m’intéresser au contexte et j’en suis venu à chercher à comprendre ce qu’était le wahhabisme, qui étaient les chiites, les sunnites, ce qui les séparait, quelle était leur interprétation du Coran. Juste avant le «  Printemps arabe  », parce que j’aimais brasser les documentaires sur YouTube, je tombe sur un doc d’une quarantaine de minutes fait par les gens de «  Strip Tease  » qui ont une émission sur la RTBF qui s’appelle «  Tout ça ne nous rendra pas le Congo  ». Et donc je tombe sur ce doc consacré à un mouvement qui s’appelle «  Sharia4Belgium  », dont d’ailleurs tous les membres ont fini par partir en Syrie, sauf ceux qui ont été arrêtés avant, et je trouvais que ces réalisateurs belges prévenaient déjà à travers ça du radicalisme et de l’islamisme radical qu’ils vivaient à Bruxelles, à Anvers. Très étonnamment d’ailleurs je pense que ces gens qui étaient avides de communication les avaient laissés rentrer, et à la manière de «  Strip Tease  » aucun commentaire puisque ce sont les mêmes réalisateurs, mais les interventions de ces gens m’avaient heurté au plus profond de moi-même et fait poser question.

 

« J’ai vu tout de suite la faille qu’allaient manipuler ces pays que sont le Qatar, l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, au moyen de la chaîne «  Al Jazeera  », qui est un outil médiatique et propagandiste, et en même temps, en créant ce désordre, comment ils allaient installer une sorte de ceinture de sécurité autour »

 

Puis le «  Printemps arabe  » succède à tout ça et à partir de ce moment-là oui je développe ma propre analyse géopolitique mais je pressens que ces gens que j’ai vus en Belgique représentent un fanatisme, un Islam radical dont l’Arabie Saoudite, qui est le berceau du wahhabisme, se fait le relai, le formateur des imams radicaux qui inondent d’ailleurs nos mosquées en France d’une littérature et d’une interprétation du Coran radicales. Vous employez le mot «  visionnaire  », je ne suis pas visionnaire, j’ai juste penché mon nez et compris les enjeux et j’y ai vu tout de suite la faille qu’allaient manipuler ces pays que sont le Qatar, l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, au moyen de la chaîne «  Al Jazeera  », qui est un outil médiatique et propagandiste, et en même temps en créant ce désordre comment ils allaient installer une sorte de ceinture de sécurité autour. Créer le chaos chez les autres faisait qu’ils se protégeaient mieux eux-mêmes et on connaît la suite… Vous savez, j’étais profondément triste d’apprendre qu’une sœur (Soeur Inès Neves Sancho) avait été assassinée et décapitée, une sœur de 77 ans qui apprenait la couture aux femmes de villages en Afrique, qui apprenait la lecture aux enfants… On l’a retrouvée décapitée  ! Je trouve que je ne me suis pas inquiété pour rien et je pense qu’il faut rester extrêmement en alerte, nous Français, sur ce combat-là aussi, qui est celui de beaucoup de nos concitoyens et de nos concitoyennes musulmans qui font l’objet de nombreuses brimades.

 

« Il y a une conscience et une solidarité dans les banlieues dont on devrait s’inspirer »

 

Au sujet des banlieues, vous dites  : «  Dans l’ensemble, ce que j’ai vu de ces quartiers ne correspond pas aux images véhiculées par une grande partie des médias qui relaient toujours les mêmes poncifs sur la banlieue, attisent les haines et, ainsi, apportent de l’eau au moulin des partis extrémistes  ». Qu’avez-vous vu  ?

Cette banlieue je l’ai vue et je l’ai surtout racontée dans mon livre au travers de ces femmes qui sont des femmes de caractère, qui sont des combattantes, qui très tôt ont développé la conscience qu’elles étaient là, qu’elles existaient en tant qu’individus et qu’elles avaient des droits. Lorsque j’évoque les autres ce sont ces jeunes filles qui vivent dans des familles pratiquant un Islam assez radical, à qui on ne donne pas le choix, et qui va même jusqu’à les emmener en vacances «  au bled  », comme ils disent, pour les marier de force et qu’elles y restent. Pour ne pas nourrir de fantasme, j’ai vu le 93 qui est quand même le département le plus pauvre avec je crois les Bouches du Rhône, Marseille, ce sont des quartiers pauvres où on a parqué les gens, c’est la résultante d’une politique quand même colonialiste et française qui nous éclate à la gueule aujourd’hui. Mais en règle générale j’ai quand même vu une banlieue qui n’était pas prête à accueillir les «  Frères musulmans  » et l’Islamisme radical. Il y a une conscience et une solidarité dans les banlieues dont on devrait s’inspirer et c’est ce pourquoi aussi l’un de mes combats est que je prône que la République revienne dans ces banlieues et qu’elle les réinvestisse parce qu’il y a plein de gens magnifiques, c’est la France d’aujourd’hui.

 

« Je trouve qu’il y a une exagération aujourd’hui dans les revendications parce que la France reste un pays avec un système social très protecteur, je trouve que la France est un pays où on nous gâte beaucoup en terme de droits, de libertés et puis aussi d’aides »

 

Vous sillonnez l’ensemble du territoire français dans le cadre de vos reportages et vous avez été amené à rencontrer des personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté (15% de la population française vit avec moins de 1026 € par mois pour une personne seule). Depuis quelques mois, notre pays connaît une révolte sociale avec le mouvement des «  Gilets Jaunes  »… Quel regard portez-vous sur ce qui se passe actuellement dans notre société française  ?

Je pense qu’à l’origine le mouvement des «  Gilets Jaunes  » et les revendications de la base sont tout à fait justifiés parce qu’aujourd’hui beaucoup de gens souffrent, beaucoup de gens travaillent et ne peuvent pas boucler leur fin de mois. Mais j’ai confiance, on parlait de Macron tout à l’heure, je pense qu’on a un président qui a conscience de toutes ces choses-là malgré le fait qu’on ne cesse de l’invectiver, on pourrait le pendre pour certains qu’on le ferait. Je pense qu’on a un président et un gouvernement qui planchent vraiment sur ces questions-là et sont bien conscients de la problématique. Maintenant, je pense que c’est quelque chose d’extrêmement complexe et pour le coup je ne me suis pas passionné pour la politique économique et sociale autant que pour le printemps arabe et tout ça… Ce que je pense aujourd’hui et ce qui se passe c’est qu’il y a une revendication de gens qui en ont ras le bol, comme ces combattantes que je vois et qui ne vont pas manifester mais qui pourraient être dans ces manifs à la base. Mais voilà je ne vais pas vous révéler que ce mouvement a été récupéré par les extrêmes que sont aujourd’hui Marine Le Pen ou Mélenchon, que ce mouvement a été instrumentalisé. Dans ce mouvement et dans ces manifestations on voit toute une partie des éléments qui composent les manifestants une France infime mais anarchiste voulant casser le système parce que ne voulant aucun système, mais on ne vit pas sans système, et extrêmement bien organisé. Je trouve que ça entache le mouvement parce que certains gilets jaunes ont suivi cette violence, parce que quand on est dans la douleur, quand on est dans la pauvreté, lorsqu’on en chie en fait, et bien à un moment lorsqu’on voit des gens casser une banque, casser un magasin de montres de luxe, casser Le Fouquet’s et bien on suit bêtement. Lorsqu’un CRS est à terre, et je le mets dans mon livre, j’ai beaucoup de compassion pour ce CRS, ils font un métier en ce moment où ils en prennent plein la gueule, mais j’ai aussi de la compassion pour ces gens, et au début de l’interview on évoquait qu’il faut aimer son prochain, parce que justement je regarde ces gens en me disant que ça m’évoque beaucoup de tristesse pour eux de voir qu’ils sont capables à dix ou douze de lyncher un homme à terre. Là c’est le côté sombre de l’homme qui se manifeste, et je suis certain que si vous prenez à part chacun de ces agresseurs il y a tellement de belles choses sans doute en eux, donc je pense aujourd’hui que ça a assez duré. Voir tous les samedis des villes saccagées en province, Paris aussi, comme si on était en Occupation, je trouve qu’il y a une exagération aujourd’hui dans les revendications parce que la France reste un pays avec un système social très protecteur, je trouve que la France est un pays où on nous gâte beaucoup en terme de droits, de libertés et puis aussi d’aides. Il serait peut-être temps de faire le bilan et de remettre chaque chose à sa place, parce qu’on a plus l’habitude, depuis que ce jeune président est arrivé, de voir la partie vide du verre plutôt que la partie pleine. Mon ressenti est qu’on a quand même un gouvernement qui est au travail, qui commet des erreurs de communication, je pense qu’ils sont très mauvais et qu’on pourrait décerner à Macron sans doute le grand prix des bourdes de communication, parce qu’il a je pense vraiment beaucoup de travail à faire là-dessus, mais à l’inverse de ça je pense que la France est un pays qui historiquement se plaint toujours, on n’est jamais content. Le vivre ensemble c’est aussi se pencher un peu sur celui qui manque. Dans les quartiers la solidarité est très présente, d’ailleurs vous noterez que les mecs de ces quartiers ne sont pas vraiment dans ces manifestations, on en voit quelques uns à la fin mais on sait pourquoi ils sont là ceux-là… Pour moi c’est assez clair, aujourd’hui il faut du courage en fait, il faut vraiment persévérer et c’est ce que je fais.

Que voulez-vous que l’on retienne de votre livre  ? Quel dernier message voulez- transmettre  ?

Ce que j’aimerais que l’on retienne de mon livre bien évidemment c’est ce que je vous ai dit au début, c’est qu’une société qui ne met pas les femmes au cœur et ne reconnaît pas les femmes comme piliers de cette société, c’est une société qui boîte, qui est malade et on en voit d’ailleurs les conséquences aujourd’hui.

 

 

 


«  Parce qu’il y a les femmes  » d’Olivier Delacroix
éditions Michel Lafon
268 pages – 17,95€

 

 

 


Saison 8 de la série documentaire «  Dans les Yeux d’Olivier  » à suivre sur France 2 tous les mercredis en deuxième partie de soirée  :

*29 MAI : «  Erreurs de jeunesse  »
*05 JUIN : «  Crimes conjugaux  »
*12 JUIN : « Ce que j’ai découvert après sa mort  »
*19 JUIN : «  Violences sexuelles au travail  »

L’intégralité des saisons de «  Dans les Yeux d’Olivier  » sont à revoir sur la chaîne Youtube :  https://www.youtube.com/channel/UCYZTnnGNVLCNvGipMkuLTxg

FNSF (Fédération Nationale Solidarité Femmes)  : http://www.solidaritefemmes.org/

 

 


(crédit photos. A la une, Olivier Delacroix : © Laurent Julliand. Photo de couverture  : © Mathieu Thauvin)

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