Est-ce que certaines des revendications des Gilets Jaunes seront prises en compte par la liste de La République en Marche aux Européennes ?
Le mouvement des Gilets Jaunes a exprimé une crise de confiance dans nos instances démocratiques qui ne nous était pas inconnue. Pour ma part, je fais ce lien parce que je pense qu’en Europe, comme en France, nous avons rarement aussi peu cru en ces instances.
Le projet que nous portons s’inscrit dans une refonte globale de la gouvernance de l’Union Européenne. Il permettra de répondre également à des interrogations des gilets jaunes.
Ce qui émane de la mobilisation, c’est un sentiment de déclassement des classes moyennes, d’incompréhension de la période économique, politique et sociale que nous traversons. Cette incertitude qui fait face à la mondialisation, nous oblige à repenser notre modèle de protection. Nous avons toujours reconnu la nécessité d’une Europe qui protège. Vous voyez, je viens du Parti Socialiste, pour lequel le mot « frontière » était un tabou. Je n’ai pas peur de dire que l’UE a des frontières qui sont surtout économiques et marchandes. Elles doivent permettre de protéger les Etats membres. Le problème de l’Europe n’est pas tant qu’elle soit uniquement libérale mais qu’elle a considéré que sa richesse et sa prospérité pouvaient venir de l’ouverture de la concurrence entre ses Etats membres. De mon point de vue, à l’époque du numérique et des grands marchés tels que les marchés chinois ou américain, l’objectif ne peut être de mettre en concurrence les membres de l’UE en permettant un dumping fiscal et social. Il s’agit au contraire de nous protéger vis-à-vis de l’extérieur. Si on refuse de comprendre que l’UE doit protéger ses citoyens, on ne comprendra pas alors ce que doit être l’Europe.
« Je suis un européen convaincu. Mais je ne suis pas convaincu par cette Europe »
Pour revenir à la campagne, quel sera le message principal de la campagne de LREM menée par Nathalie Loiseau?
Nous voulons l’Europe, mais une autre Europe, souveraine, concrète et à hauteur d’hommes. Je suis un européen convaincu mais notre modèle de gouvernance ne me satisfait pas. C’est un constat que nous sommes beaucoup à faire, et Marine Le Pen aussi, qui ne pose plus la question préalable de la sortie de l’Europe – alors que c’était encore dernièrement son cheval de bataille. Elle affirme avoir les moyens, au sein du Parlement européen, de pouvoir faire basculer l’UE. Elle avance donc le constat suivant : quel est l’intérêt de sortir de l’Europe si nous pouvons la changer de l’intérieur ? Ne soyons pas dupes. Ces partis souhaitent le retour aux Etats-Nations et la dislocation de l’UE, afin de revenir à une souveraineté nationale. Je ne dis pas qu’il faut une souveraineté uniquement européenne mais j’estime que pour plusieurs sujets tels l’écologie, le numérique et l’économie, la réponse ne peut être efficace qu’à l’échelle européenne. Nous ne sommes pas des européens béats. On souhaite rester dans l’Europe avec des changements structurels, notamment en terme de gouvernance. L’UE est mal incarnée. Ses citoyens ne savent pas ce qu’elle fait et cela alimente la défiance.
« Le Grand Débat, est un outil novateur mais ce n’est pas dans la culture française »
Revenons en France. Selon un sondage Ifop-Fiducial réalisé pour Paris Match et Sud Radio, seul 30% des français sont intéressés par le Grand Débat National. Finalement n’aurait-il été plus simple d’organiser un référendum ?
Le Grand Débat, est un outil novateur mais il ne s’inscrit pas dans la culture française. C’est par ailleurs la première fois qu’un tel exercice a été organisé.
A ce titre, la demande du RIC est paradoxale parce que les Français ne sont pas habitués à la démocratie participative, comme peuvent l’être par exemple les Suisses.
Avec le Grand Débat, j’ai constaté que nous allions plus loin que ce que j’avais l’habitude de voir. Il n’y avait pas que des citoyens engagés politiquement. Beaucoup de citoyens apolitiques ont participé. Mais c’est vrai que certains Français n’ont pas apporté leurs voix à ce Grand Débat.
« C’est vrai que de certains Français n’ont pas apporté leurs voix à ce Grand Débat »
Que pensez-vous de l’éventualité d’introduire en France un outil référendaire plus « automatique » ?
J’y crois personnellement. Le referendum pourrait être un outil plus automatique et plus facile mais il nécessite des garde-fous pour éviter de déstabiliser un pouvoir en place, élu tous les cinq ans. Personnellement je suis favorable à la co-construction et la participation active du citoyen à l’élaboration de la loi. Les gardes-fous devraient également empêcher que le référendum devienne l’expression d’un ressentiment momentané.
« Le referendum pourrait être un outil plus automatique et plus facile mais avec des garde-fous pour éviter de déstabiliser un pouvoir en place, élu tous les cinq ans »
Pensez-vous que le gouvernement devrait écouter davantage l’Assemblée nationale et, en particulier les députés de sa majorité?
Oui car les institutions de la Vème République sont très défaillantes. Le terme est fort mais je le pense profondément. Depuis la Constitution de 1958, nous avons un pouvoir parlementaire qui s’est affaibli. Je pense qu’il faut revoir la responsabilité de l’exécutif devant le parlement, le rôle de l’administration, qui doit simplement mettre en oeuvre les décisions, en donnant aux politiques les moyens pour pouvoir trancher. Aujourd’hui tout cela ne marche pas très bien. Nous avons une technocratie omniprésente et conséquemment son poids dans la prise des décisions est extrêmement forte. Finalement le parlementaire que je suis a rarement le dernier mot. Donc il y a un équilibre à retrouver entre le parlement, l’exécutif et l’administration et cela passe par une réforme de la Constitution.
« Nous avons une technocratie omniprésente et son poids dans la prise des décisions est extrêmement forte. Finalement le parlementaire, que je suis, a rarement le dernier mot»
En tant que député de Paris, comment avez-vous réagi à l’agression de la femme transsexuelle, Place de la République à Paris ?
C’est un acte odieux. Je crois que ces agressions doivent être condamnées le plus fermement possible. Cela vaut aussi pour les actes barbares auxquelles on assiste, aussi dans ma circonscription, contre des personnes de religion juive, des minorités ethniques et cultuelles. Mais la condamnation ne suffit pas. Il y a un travail à faire dans notre société parce que le vivre-ensemble est mis à mal. Tout cela débute dès l’école. Dans ma circonscription, il y a une association qui travaille beaucoup avec les jeunes, sur les regards portés sur les cultes. Il faut des actes qui représentent un investissement à la racine mais qui mettent beaucoup de temps pour produire des effets.
Une dernière question. Désormais, la campagne électorale des municipales à Paris est lancée. Vous êtes pro Mounir Mahjoubi ou pro Benjamin Griveaux ?
Je suis pro Paris. Je m’occupe des élections pour En Marche, donc je dois rester neutre. Après mon choix subjectif ira à celui ou à celle qui saura rassembler. En l’occurrence, avant même de prétendre à être candidat pour la Mairie de Paris, il faut d’abord savoir rassembler les siens et élargir son électorat parce que Paris se gagne à droite et à gauche. La victoire dépend de la capacité d’un candidat à incarner un projet. Lors des élections présidentielles, Emmanuel Macron a gagné à Paris parce qu’il a été capable d’aller au-delà des clivages droite-gauche. Donc il ne faut pas reproduire les mêmes erreurs que d’autres ont commises dans le passé, à savoir une guerre fratricide entre des ambitions personnelles et une incapacité à s’ouvrir à différentes forces politiques qui ne sont pas si éloignées les unes des autres. En tous cas je prendrai ma décision une fois que tous les projets auront été exposés. Mais en tant que responsable du mouvement, j’ai à coeur de faire primer le collectif.
( Photo Pierre Person – @M.Ghisalberti/Putsch)