Pavel Vilikovský : « Même dans les régimes démocratiques, il y a certainement des manipulations »

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Il est l’un des plus importants écrivains slovaques. Dans « Autobiographie du mal », Pavel Vilikovský remonte le temps jusqu’aux débuts de la Guerre Froide à Bratislava : période où les communistes ont mis en place un système de manipulation et de surveillance de masse. Cette époque invite à réfléchir sur notre présent. Putsch a interviewé Pavel Vilikovský, à l’occasion du salon « Livre Paris » 2019 pendant lequel Bratislava a été mise à l’honneur.

propos recueillis par

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Quelles ont été vos sources d’inspiration pour l’écriture de « Autobiographie du mal » ?

Ma source d’inspiration s’est nourrie d’évènements connus comme l’enlèvement d’un homme politique démocrate en Autriche, mais aussi un fait moins connu, l’installation par les communistes sur le territoire tchécoslovaque d’une fausse « zone d’accueil de l’armée américaine » pour les réfugiés.

Quand vous avez esquissé l’histoire du personnage Dušan/Karsten ? Avez-vous pensé à fixer des limites à sa descente aux enfers, cela pour rendre plus réaliste l’environnement dans lequel Karsten était contraint d’agir ?

Mon intention était de présenter le dilemme moral auquel les gens étaient exposés dans certaines circonstances, et ensuite, de chercher à comprendre comment Karsten va agir.

Le policier Halek est vraiment convaincu de ne rien faire d’autre « que » son travail ? Mais parfois on retrouve une certaine perversion. C’est le pouvoir qui lui est monté à la tête ou il y a autre chose ?

C’est le pouvoir qui lui est monté à la tête, avec, en plus, le sentiment d’impunité.

Pensez-vous que la manipulation des régimes communistes de l’après-guerre est toujours pratiquée par les États démocratiques ? En d’autres termes, aujourd’hui encore Halek pourrait être un agent secret au service d’un Pays occidental ?

Même dans les régimes démocratiques, certainement, il y a des manipulations, mais quand on les dévoile, elles sont punies. Au moins, il existe ce danger ; celui de la juste punition.

Pensez-vous que, de nos jours, des gouvernements démocratiques pourraient  exclure des formations du débat politique car non conformes à leur vision du monde ?

Personnellement, je suis pour le débat politique, si on y utilise, bien sûr, les arguments véridiques, dignes de foi. Supprimer, réprimer par la force les opinions, c’est dangereux. Elles peuvent exploser et causer des révolutions ou des coups d’état.

Vous êtes Slovaque. Votre pays s’est séparé pacifiquement de la République Tchèque après la fin du régime communiste. En ce moment en Europe on regarde d’un mauvais œil la volonté de certains peuples à garder leur spécificité. On les définit comme « nationalistes » ou « populistes ». Quel regard portez-vous sur ce débat ?

Selon moi, le caractère spécifique d’une nation (surtout dans le monde globalisé) se manifeste dans la culture et dans l’art. Les nationalistes et les populistes s’adressent souvent aux instincts plus bas des peuples, et font appel aux symboles et à de fausses traditions.

La Slovaquie fait partie du Groupe de Visegrád. A votre avis, est-ce une nouvelle version du Rideau de fer ?

Si le groupe de Visegrád doit être à nouveau séparé par un nouveau « rideau de fer », ce sera aussi la faute des hommes politiques de ces Etats.

Dušan/Karsten, a fui son pays pour trouver refuge en Occident où, quelques années après, naquit la Communauté Européenne. Le personnage de votre livre pourrait penser que l’Europe d’aujourd’hui a maintenu les promesses du « bloc occidental » de son époque ? Quelle est votre opinion sur ce sujet ?

Ceux qui vivaient dans le « camp socialiste » pouvaient avoir une vision idéaliste en ce qui concerne la vie dans le « monde occidental » parce qu’il n’y avait pas d’informations.  Ils risquaient par la suite d’être déçus quand ils en ont connu la réalité. Car la réalité diffère toujours de l’idéal. Je ne sais pas si le bloc occidental donnait des promesses irréelles. Il professait plutôt, qu’à certaines conditions, vous pouviez atteindre certains buts dans la vie ; et il y avait des contre-vérités dans les deux camps ! Enfin, la Slovaquie, elle aussi fait partie de « l’Europe d’aujourd’hui » et nous pouvons nous poser la question de savoir si elle observe les promesses données au « bloc occidental ».

 


Les livres de Pavel Vilikovský traduits en français

« Autobiographie du mal »
Éditions Maurice Nadeau
Traduit du slovaque par Peter Brabenec
193 pages – 21 euros

« Un chien sur la route »
Edition Phebus
Traduit du slovaque par Peter Brabenec
224 pages – 19 euros


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( crédit Photo – © Peter Zupnik / CIL )

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