Québec : le milieu de l’édition ébranlé après l’annonce d’un partenariat entre Amazon et le Prix littéraire des collégiens

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Mise à jour le 11 décembre 2018

Alors que le Salon du livre de Montréal bat son plein du 14 au 19 novembre, Amazon suscite un tollé général après l’annonce d’une collaboration entre le géant en ligne et le Prix littéraire des collégiens. Dans la foulée, des libraires, éditeurs et auteurs ont pris position publiquement contre cette décision jugée compromettante pour le milieu du livre québécois.

Né en 2003, le Prix littéraire des collégiens, inspiré par le Prix Goncourt des lycéens, est un prix littéraire décerné annuellement à une œuvre littéraire de fiction québécoise par un jury composé de cégépiens et collégiens provenant des quatre coins de la province. Chaque année, la grande finale a lieu en avril, à Québec.

Vendredi 9 novembre, alors que les cinq finalistes sont annoncés, l’organisation du Prix dévoile, dans le même temps, la participation financière d’Amazon, le géant du web. Cette déclaration fait immédiatement mouche dans le milieu du livre québécois.

 

« […] Faut-il rappeler la précarité du commerce du livre et de l’édition ? Faut-il citer les méthodes inhumaines de ce géant de la vente en ligne, qui constitue un péril pour les petits commerçants et les milieux culturels ? »

 

Le 13 novembre, ce sont ces mêmes cinq finalistes qui tentent alors de s’opposer à cette décision via une lettre ouverte au quotidien Le Devoir. Les écrivains et écrivaines Karoline Georges, Kevin Lambert, Jean-Christophe Réhel, Lula Carballo et Dominique Fortier déplorent une « concurrence dangereuse » à l’encontre des acteurs du milieu. Ils précisent : « […] Faut-il rappeler la précarité du commerce du livre et de l’édition? Faut-il citer les méthodes inhumaines de ce géant de la vente en ligne, qui constitue un péril pour les petits commerçants et les milieux culturels ? ».

 

Capture d’écran du site Le Prix littéraire des collégiens – https://prixlitterairedescollegiens.ca/

 

Ces derniers sont intransigeants sur la question : la préservation de la littérature québécoise et la présence d’une multinationale comme Amazon, à titre de commanditaire pour le Prix, ne font clairement pas bon ménage. Ils ajoutent : « Des libraires loyaux, engagés et dévoués envers les livres qui font notre littérature se battent quotidiennement pour survivre dans un monde où rien n’échappe aux diktats du commerce et du profit. Le logo d’Amazon accolé à celui du Prix que nous aimons lui fait tristement ombrage ».

L’Association des libraires du Québec (ALQ), via sa directrice générale, Katherine Fafard, déplore elle aussi que les organisateurs n’aient pas trouvé une autre solution : « On a besoin d’argent de manière stable, concède-t-elle. Mais l’argent a tout de même une odeur ». De son côté, l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) s’est dite « étonnée » d’une telle décision.

 

« On a besoin d’argent de manière stable. Mais l’argent a tout de même une odeur »

 

Ce mercredi 14 novembre, la cofondatrice du Prix des Collégiens, Claude Bourgie Bovet, a annoncé, lors de l’ouverture du Salon du livre de Montréal, la suspension de l’édition en cours. Dans un communiqué, elle déclare : « La décision est la résultante directe de la réaction désolante de plusieurs acteurs du milieu du livre au Québec suivant l’annonce récente d’un appui majeur ». Mme Bourgie Bovet précise que cette décision n’est pas irrévocable et qu’il faut prendre le temps de la réflexion.

Laurent Dubois, directeur général de l’Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ), regrette cette suspension temporaire et en appelle au gouvernement du nouveau premier ministre François Legault : « Jamais l’UNEQ n’a souhaité que cette édition soit suspendue, car cela n’est bénéfique pour personne. Nous demandons au gouvernement québécois de trouver des solutions rapides de financement pour ce prix essentiel à la diffusion de notre littérature afin que l’édition 2019 puisse avoir lieu et que l’organisation puisse bénéficier d’un soutien qui assure sa pérennité ».

Dans la même lignée, Bruno Lemieux, professeur au Cégep de Sherbrooke et membre du comité organisateur, s’étonne plus encore du retrait du financement du gouvernement québécois que de l’annonce de la participation d’Amazon. Il explique que cette dernière permettra à l’organisation de ne plus fonctionner uniquement « au jus de bras de bénévole » et précise même que cette aide est nécessaire au bon déroulement du Prix.

La coordonnatrice du Prix, Sylvie Bovet, n’en démord pas sur l’importance d’un tel financement : « Après 15 ans, on arrive à un moment où il faut aller de l’avant, où la structure doit dépasser la famille, car le prix est très populaire et il y a beaucoup de demandes de collèges pour participer. On se bat chaque année pour avoir de nouveaux commanditaires, car souvent, ils ne vont rester que trois ou quatre ans ».

Dans un communiqué de presse, adressé le 3 décembre, les organisateurs ont annoncé la reprise du Prix, sans la participation financière d’Amazon. C’est la Fondation Marc Bourgie qui « soutiendra le Prix littéraire des collégiens pour cette édition ».


Infos pratiques
16ème édition du Prix littéraire des collégiens | Québec, Canada
Les titres en lice :
– De synthèse de Karoline Georges
– Les villes de papier de Dominique Fortier
– Querelle de Roberval de Kevin Lambert
– Créatures du hasard de Lucia Carbello
– Ce qu’on respire sur Tatouine de Jean-Christophe Réhel

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