Algérie : « Bienvenue chez vous! »

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« Bienvenue chez vous ! » L’accueil est aussi courant qu’unanime… Surtout si vous êtes Français.e.s. Dans les rues d’Alger et de bien d’autres villes ou villages, ces trois mots résonnent fréquemment comme une manière de dire son contentement devant un.e touriste de passage et, plus encore, devant tel homme ou telle femme recherchant la trace d’un passé lointain… Une façade, un jardin, un parfum !

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Par José Lenzini – « Bienvenue chez vous ! »

c’est aussi une manière de dire que vous ne risquez rien, que celui ou celle qui vous accueille ainsi est garant.e de votre sécurité, qu’il ou elle est disponible pour parler de cette Algérie d’hier dont ils ne savent généralement pas grand-chose tant l’Histoire est lointaine pour cette population dont près de 80% a moins de 15 ans et n’a jamais connu la guerre d’indépendance et la présence coloniale. Mais ils sont prêts à vous accompagner dans votre propre recherche du passé qui est surtout vôtre, d’une école, d’une maison d’enfance, de voisins peut-être encore vivants et mémoriaux ou de leurs enfants porteurs des souvenirs si souvent partagés après que l’Algérie a changé de drapeau. Des témoins qui échangeront le thé à la menthe, quelques biscuits et des larmes aussi.

« Bienvenue chez vous ! »
c’est une forme d’espoir que les relations seront un jour meilleures entre ces deux rives d’une plaie Méditerranée, que les visas n’auront plus cours et que les échanges se normaliseront dans une sorte de fraternité recouvrée. Un espoir de pouvoir également trouver sur la rive d’en face, une autre vie… Sans pour autant trahir la sienne, celle de ses proches et de ce pays qui, malgré ses fiers dénis, vit des années bien noires. Plus sombres encore que celles où les intégristes étaient à deux poils de barbe du pouvoir et prêts à burkatiser les femmes aujourd’hui encore tellement voilées pour marquer leur identité et se prémunir de ces barbus qui restent en embuscade.

« Bienvenue chez vous ! » c’est un cri d’angoisse, une manière de partage et d’échange aussi dans cette Algérie qui affiche un chômage de près de 17% de la population active… alors qu’un taux officieux de 30% paraît plus réaliste. Enterrée l’Algérie socialiste, pragmatique et non alignée chère à Boumediene, qui de nos jours peut de moins en moins compter sur sa rente pétrolière ne représentant plus 96% de ses exportations ! Une rente qui jusqu’à ces dernières année représentait 50% de son PIB et 60% de ses recettes… lesquelles ont chuté à 40%. Un pays démonétisé où le cours du dinar algérien est tombé à 14% quand il ne s’échange pas, au noir, à près de 150% de sa valeur officielle.

« Bienvenue chez vous ! » c’est l’angoisse de voir fondre le nombre de fonctionnaires à un million alors que le pays en compte 2,5 millions… Une annonce récemment faite par le chef de l’Etat dont chacun sait qu’il ne dirige plus le pays depuis plus de deux ans mais que chacun.e mythifie en évoquant les grands travaux (universités, écoles, logements sociaux, routes et autoroutes) dont il est à l’origine. Longue vie à ce président aussi chancelant que la plus grande mosquée d’Afrique à l’initiative de laquelle il est… Un édifice qui est en cours de construction, par des Chinois omniprésents dans le secteur du bâtiment, sur une zone instable comme ce pouvoir qui remercie ses généraux par demi-douzaine préparant un avenir qui se dessinera peut-être à l’occasion des élections législatives d’avril 2019.

« Bienvenue chez vous ! » semble crier dans le silence de leurs renoncements et de leurs espoirs ces femmes et ces hommes que l’on croise appuyé.es sur une rambarde, immobiles, le regard fixé sur la ligne bleue des songes. Ils sont là sur le port de Sidi-Fredj (anciennement Sidi Ferruch), lieu historique où les Français débarquèrent en 1830 à la conquête de territoires nouveaux. Sidi Fredj où les enrochements font barrage aux vagues du haut large. Sidi-Fredj où un jeune artiste a pris à témoins ces rochers de béton en les parant de bleus et de rouges signaux (voir nos photos)… Autant de phares statiques et de mots lancés au large comme pour y trouver remèdes à cette Algérie lourde et statique tel un rocher de Sisyphe bloqué à mi pente. Des mots, des signes, des cris de joie et des exhortations pour créer une passerelle entre les temps, les Histoires, les populations qui viennent chercher dans ce grand large à portée de main la promesse de lendemains où sur une autre rive de la Méditerranée ils seraient reçus avec ces mêmes mots : « Bienvenue chez vous ! »

Dans ces photos, des messages de paix peints sur des rochers à Alger (© José Lenzini)

 

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