PSG : le poison mortel du football français ?

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Nicolas Vidal est le fondateur et directeur de publication de Putsch.media

« Depuis quatre siècles, Paris donne au monde et se donne au monde. Que donne-t-elle ? L’aliment que Descartes appelle « la vraie nourriture ». Traduisons : la nourriture de l’esprit. La vérité alors claque comme une gifle  Paris n’attendait ni Neymar ni cette fameuse coupe d’Europe de football. Elle fonde sa valeur sur autre chose. »

C’est ainsi que le philosophe Robert Redeker s’exprime sur le Paris Saint Germain dans son dernier ouvrage «Peut-on encore aimer le football ?»*.

Osons aller plus loin dans la réflexion en posant cette question qui pourrait cristalliser le débat : la Ligue 1 a-t-elle (vraiment) besoin du PSG et de son kaléidoscope de stars ? Le club de la capitale est-il « la locomotive » qui propulsera le football hexagonal au sommet de l’Europe? Le PSG n’est-il pas au contraire le poison mortel qui est en train de tuer le football français, de celui qui se joue modestement tous les week-ends de Ligue 1 de Guingamp à Nimes passant par Angers ?

Alors oui, ils sont nombreux à se féliciter de la bonne santé économique et sportive de la Ligue 1 grâce au PSG, qui garnit à lui tout seul la vitrine clinquante de la Ligue de football professionnel avec ses trophées nationaux et ses stars. La LFP trépigne maintenant d’en mettre plein les yeux à la Chine. Mais cela n’est pas sans conséquence. État des lieux.

 

Le PSG, une marque au carrefour de puissants intérêts

D’une part, Didier Quillot, directeur général exécutif de la Ligue de Football professionnel, ne s’en cache pas. Il déclarait à nos confrères du Monde en mars dernier que « les Chinois sont friands de marque. Et le PSG d’aujourd’hui, c’est un peu comme Vuitton » alors que la LFP avait décalé le match Nice-PSG pour permettre la diffusion en Chine et ainsi séduire le marché asiatique. Le PSG représente plus qu’un club de football professionnel, il incarne une marque à part entière. Et c’est un premier élément d’inquiétude qui égratigne l’équilibre purement sportif de la Ligue 1.

On imagine très aisément que l’augmentation probable des audiences à l’étranger pour la Ligue 1 sera une opportunité supplémentaire de monétiser le football français hors des frontières de l’Hexagone. Certes. Néanmoins, aujourd’hui, seul le PSG semble être en mesure de conquérir de nouveaux territoires à condition qu’il émerge durablement sur la scène européenne, ce qui aujourd’hui, est loin d’être le cas.
« L’arrivée d’un joueur tel que Neymar ne peut que «booster» davantage notre championnat, et nous faire que du bien » déclarait Nathalie Boy de la Tour, la présidente de la LFP au Figaro le 28 juillet 2017.
Force est de constater que la LFP et sa présidente voient dans le PSG (et Neymar) la parfaite monnaie d’échange pour pénétrer le marché asiatique et notamment chinois qu’elle convoite ardemment. Pour cela, le PSG doit recruter des stars, remporter à tout prix la Ligue des Champions pour continuer produire du rêve et de la valeur marchande.
La LFP a donc tout intérêt à utiliser le PSG comme un cheval de Troie pour conquérir de nouveaux marchés.

D’autre part, depuis l’arrivée des Qataris via le fond QSI en 2011, le PSG a changé de dimension. Il est en réalité un prise stratégique, pilotée par Nasser Al-Khelaïfï, en prévision notamment de l’organisation de la Coupe du monde en 2022 au Quatar.
Néanmoins, force est de constater que le PSG vole d’échec en échec en Ligue des Champions depuis quatre saisons, but ultime des Qataris pour imposer le PSG comme un grand d’Europe et en faire une marque sportive à forte valeur ajoutée.
Plus de 400 millions d’euros ont été dépensés pour s’attacher les services du brésilien Neymar et du jeune joueur français Kylian M’Bappé. Ébouriffant. A ce propos, le PSG n’est toujours pas débarrassé des enquêtes diligentées par la chambre d’instruction du fair-play financier de l’UEFA portant notamment sur des contrats de sponsoring. A suivre.

Le club souffre également d’un manque d’attractivité sur le marché des transferts. Un sondage récent de nos confrères de France Football faisait apparaître notamment que 89 % des votants considèrent que « le PSG a fait son pire mercato de l’ère QSI, pour cette nouvelle saison« .

Alors même que Frédéric Thiriez, ancien président de la LFP, se félicitait en 2012 du suspens sportif qui faisait la beauté et l’attrait du football français, aujourd’hui le changement de paradigme est criant.
Avec 500 millions d’euros de budget, le PSG humilie sans aucune modestie la quasi totalité des clubs de Ligue 1, écrase le championnat, pulvérise les records et sera très certainement champion de France si tôt dans la saison qu’un nouveau record sera battu. Il devrait également remporter en prime la coupe de France et la Coupe de la Ligue sans forcer.

Certains se réjouissent de cette main mise sur le football français et se pâment devant tant de performances et de stars. Didier Quillot, encore lui, déclarait que « le PSG était une locomotive pour la Ligue 1 ». Que Nenni. Le fossé financier et donc sportif se creuse chaque saison un peu plus entre le PSG et les autres clubs, même huppés du championnat de France. L’exemple du club de la Principauté est révélateur.

En effet, l’AS Monaco a caressé le rêve, il y a deux ans, de concurrencer le PSG, en gagnant un titre de Champion de France. Depuis, le club a réduit considérablement la voilure en vendant ses meilleurs joueurs et se retrouve aujourd’hui dans une position de relégable avec une équipe extrêmement rajeunie et financièrement plus modeste . On ne reviendra pas sur la correction infligée au rival lyonnais (5-0) il y a deux semaines. Le PSG est, à ce jour, une locomotive qui s’est débarrassée de ces wagons.

Cette hégémonie financière et sportive du PSG a enterré, il y a bien longtemps, l’intérêt de la Ligue 1 et de toutes les compétitions organisées par la FFF et la LFP ( Coupe de la Ligue et la Coupe de France).
Les édiles de la LFP peuvent se gargariser de records, de chiffres, de buts, de spectacle, d’audience et de parts de marché. Ils ne peuvent, néanmoins, s’exonérer de la responsabilité d’avoir délibérément signé l’arrêt de mort du suspens et de la saine concurrence sur l’autel des marchés internationaux, des droits TV et du star-system.

La Ligue 1 n’a aujourd’hui plus aucun intérêt. Le PSG est désormais sacré Champion de France avant même le début de la première journée de championnat, et se fait inlassablement et piteusement recaler en Ligue des Champions chaque année. Tout ça pour çà.

* Robert Redeker « Peut-on encore aimer le football ? » Editions du Rocher

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