Théâtre : 1968… Quand De Gaulle tire sa révérence
Propos recueillis par Danièle Masse. « De Gaulle, la révérence » : c’est le titre d’une pièce de théâtre qui sera présentée en avant première à Toulon au théâtre Comédia les 29 et 30 mai prochains avant une tournée en France passant notamment par Avignon du 7 au 29 juillet. C’est la seule pièce en lien avec les événements de mai 68 et qui traite d’une énigme historique divisant toujours les spécialistes…Alors que la révolution étudiante est à son paroxysme, le général De Gaulle disparaît des radars. Personne ne sait où il est ! » Pour raconter cela nous avons choisi de plonger dans les arcanes du pouvoir, lors des 3 derniers jours du mois de mai 1968… En suivant le Général de Gaulle dans sa fugue à Baden-Baden, la pièce montre comment le vieux chef, refusant la défaite, va dans un dernier coup d’éclat retourner la situation à son avantage. Victoire en trompe l’œil cependant puisqu’un un an plus tard il devra se retirer en plein milieu de son mandat de Président de la République » nous explique Philippe Chuyen co-auteur, metteur et scène et acteur de cette épopée historique riches en surprises, rebondissements et mises en abyme.
Et l’amiral Flohic a-t-il été coopératif ou réservé par rapport à votre projet ?
Francois Flohic était très heureux de participer à ce projet. Pour ma part, j’étais très ému et impressionné de le rencontrer. Après que nous l’ayons eu interviewé et filmé, j’ai vécu avec son image et décortiqué ses paroles pendant plusieurs semaines. L’image qu’il renvoie est celle d’une personne sympathique et fondamentalement bonne, elle constitue donc naturellement le fil narratif de notre spectacle. Je crois qu’il sera surpris de se voir incorporé de la sorte à notre théâtre, j’espère qu’il sera content du résultat.
Pourquoi ce titre « La révérence » ?
Le titre m’est apparu très vite. L’essai qu’avait écrit 10 ans plus tôt José Lenzini « Mai 68 La fin du Gaullisme », était aussi une perche tendue pour appuyer cette idée que le gaullisme est mort en mai 1968. L’idée de « faire la révérence » illustrait bien selon moi l’escapade à Baden souvent décrite comme le dernier coup de théâtre de De Gaulle.
Vous êtes coauteur, acteur et metteur en scène de la pièce. N’est-ce pas un pari difficile dans la mesure où il faut constamment se dédoubler, prendre du champ par rapport à l’action, aux personnages ?
Depuis que je fais du théâtre avec Artscénicum je n’ai cessé de procéder de la sorte. C’est à dire élaborer (par l’écriture ou l’adaptation) la matière textuelle, puis me mettre en scène, seul ou avec d’autres comédiens. Ça fait partie de moi, de ma manière de travailler ; un peu comme un artisan, j’essaye de maitriser les différents stades de la fabrication du produit. Et puis cette façon de faire permet de monter des textes originaux, inédit. Bien sûr je reconnais qu’il y a des difficultés à faire comme cela, mais je crois que cela est bien adapté à l’économie de petite compagnie comme la mienne et cela constitue les conditions de la réalisation.
Dans ce contexte très historique, il convenait sans doute de coller à la réalité. Comment y êtes-vous parvenu ?
Comme je l’ai dit plus haut l’amiral Flohic nous a donné beaucoup de repères. Et puis bien entendu, il a fallu se documenter sérieusement sur les différents personnages que nous choisissions de faire vivre. On ne peut pas faire dire n’importe quoi, par exemple, à un Général de Gaulle et à un Pompidou lorsqu’ils s’attrapent sur la question de savoir s’il faut dissoudre l’assemblée ou faire le référendum. Donc beaucoup de documentation, livres, films et autres documents… Cette pièce avait aussi l’avantage à mes yeux de devoir remplir des vides que l’histoire officielle ne connait pas. Qu’a-t-il bien pu se passer par exemple entre De Gaulle et Massu, qu’ont-ils bien pu se dire ? Le défi était passionnant et donc très stimulant.
Ne craignez-vous pas qu’une pièce en rapport étroit avec les « événements » de mai risque de vieillir et de perdre de ses ressorts ?
Non je ne crois pas. Pour ma part j’ai toujours considéré que l’Histoire devait éclairer notre présent. L’Histoire et le présent doivent être considérés, je pense, comme un continuum : tout se tient et si l’on parle par exemple de nos ancêtres révolutionnaires de 89, ou de la Commune on arrive sans peine à parler de mai 68 ou de nos temps présents qui par leur dépolitisation rend notre époque si singulière. Et puis la grande force du théâtre, qui est un art vivant, se joue des barrières temporelles car le spectateur vit les faits en même temps que les interprètes. En racontant l’histoire des hommes, l’art vivant permet quel que soit l’époque évoquée de faire résonner le cœur de chaque spectateur. Les grecs qui ont inventé le théâtre et dont les thèmes empruntait à l’histoire de leur cité ou à leur légendes religieuses nous prouvent que l’histoire n’est jamais démodée.
Texte : Philippe Chuyen et José Lenzini
Mise en scène : Philippe Chuyen
Avec : Blanche Bataille, Philippe Chuyen, François Cottrelle, Morgan Defendente, Thierry Paul
Costumes : Isabelle Denis, Corinne Ruiz Images : Patrick Barra Création
lumière : Jean-Louis Alessandra, Michel Neyton Régie : Claire Jullien
Diffusion : Monique Tosi
Co-productions : Espace Comedia, Bibliothèque de théâtre Armand Gatti – La Seyne-sur-Mer
Soutiens : Ina, Adami, Spedidam, Ville de Bouc-Bel-Air, avec l’aide de Châteauvallon – Scène nationale dans le cadre d’une résidence de création et avec le soutien du Fonds d’Insertion pour Jeunes Artistes Dramatiques, D.R.A.C. et Région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Présentation au public les 29 et 30 mai 2018 – 20 h 45 à l’Espace Comédia de Toulon.
Le spectacle sera joué au festival Off d’Avignon en juillet 2018.
© PUTSCH