Amazon : le journaliste Christian Rol tente l’aventure KDP avec son nouveau roman
Par Laurence Biava – Christian Rol est écrivain et journaliste. « Week-end à mort » est son dernier roman paru chez Amazon KDP au format Kindle hors édition traditionnelle.
« Ces préliminaires sont le préambule au carnage, c’est-à-dire à l’extase ». Nous voilà prévenus ! A bien des égards, Week-end à mort est un récit enlevé, très inspiré, qui comporte un mélange audacieux des genres, des styles, des époques. Sa tonalité globale est effervescente également, elle ébouriffe sans cesse. En premier lieu, on retiendra de ce roman sadien, racé et pas ordinaire du tout – parce que très dense et très maîtrisé – qu’il est particulièrement bien écrit : sa puissance narrative s’accélère dès la fin du premier quart. Composé d’érotisme noir, d’un libertinage un peu vaudou, ce texte aussi violent que sexy qui transgresse tout, fait autant penser à une épopée baroque qu’à un thriller très codifié, taillé sur mesure. Le lecteur se laisse embarquer, dans cette course folle et meurtrière ou dans cette farce pleine d’esprit – c’est encore selon – au point d’être en proie à des pulsions scopiques. Voici donc François Aube Désiré d’Amour, Duc de Sainte-Anne, despote de son état, possédé, « comédien sans théâtre » et victime de troubles de la personnalité. On le cueille dans une geôle, avec ses seconds couteaux Jean Le Bref et Rachid.
Mémorialiste de sa propre folie, avec « un cerveau foudroyé par les médicaments », François fait autant penser à un troubadour/ménestrel, échappé d’une chanson de geste qu’à un Dorian Gray maléfique, dévoré par son narcissisme. La Compagnie des Amis du Clair de Lune que ce Duc de Sainte Anne crée est une de ces inventions fantasques qui libère l’imaginaire et permet aux individus de fomenter des projets, en donnant libre cours à leurs délires cathartiques tout en les expurgeant.
Le réalisme truculent et rabelaisien de l’épopée de ces bandits de grand chemin interpelle et le lecteur entraîné dans cette spirale de la violence n’en revient pas. Sur l’influence de cette Aube Désiré, tour à tour démiurge, (précieux) arbitre des élégances et chroniqueur de sa propre folie – car il écrit aussi ! -, les trois compères quittent la case prison pour déambuler dans le Tout-Paris. Les désordres de la voyoucratie peuvent alors s’exercer.
On ne compte plus les exactions de ces bad boys en flagrants délires, carabins, bizuteurs, corsaires, pirates, et Rapetou de haute volée. Chaos, tumulte, effondrement, misanthropie, tout y passe avec cohérence et sagacité. Le programme de destruction massive de ces trois héros dispense également un troublant air du fond des âges médiévaux, jusqu’à la Normandie où ils finiront à la fois leurs banqueroute et danse macabre. Quant à la fin, quels feux d’artifices, après les hésitations normandes, le patois normand, la pluie normande, le refuge normand.
Les scènes très théâtrales souvent singulières et anachroniques se succèdent ainsi avec d’autres personnages tout aussi bien croqués que les deux premiers délinquants « racaille ». Quand vient le temps de la décadence dans « le Salon Mendès France », c’est tout un monde criminel qui s’explore et s’exploite et les tartufferies publiques tout terrain révèlent une dynamique hors normes.
Dans ce dédale sanguinaire de violences – disons le – gratuites, drainé et orchestré par le Duc, il y a quelques personnages féminins très intéressants, moins courroucés, simplement plus humains. Ils sortent aussi du lot et des lieux communs. Citons la Sœur et la formidable Hannah dont l’un des seuls torts semble être d’avoir finalement « l’antiracisme à fleur de peau ».
Christian Rol n’a pas son pareil pour dépeindre et caricaturer à la fois l’autocratie et vilipender la luxure, la vanité, l’esprit de coterie, les parvenus, les m’as-tu vu. Le lecteur se régale des pérégrinations assez maudites du côté de Neuilly. Quant au ballet final avec les Migrants, il parachève ce sentiment permanent de fulgurance scénaristique. Dans ce délire – encore une fois, et à la fois ancestral et rock n’roll, où le frôlement avec la mort est permanent. On rit, d’un rire de gorge, d’un rire sardonique, d’un rire enjoué et cristallin, à tour de rôle. Le roman évolue comme chez Sade, les descriptions y sont magnifiques, et certaines scènes sont épiques. Oui, le matériau romanesque est soigné, jusqu’à cet inénarrable Duc falsificateur qui se rêve en héros littéraire et en aristocrate.
Les messages distillés par le romancier semblent clairs : critique du consumérisme, « le Grand Marché », la nostalgie d’un temps d’avant, celui souvent des courtisans, la bien-pensance, « leVivrEnsemble », la corruption étatique, mais aussi la rupture de ban, les rêves caressés de devenir quelqu’un… Plus faibles et caricaturales en revanche semblent être le discours sur la lutte des classes, et les (soi-disant) oppositions caractérisées entre les civilisations orientale et occidentale.
Week-end à mort !
Format Kindle
de Christian Rol
Amazon KDP