Sparring : le portrait sensible d’un boxeur réalisé avec style par Samuel Jouy

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Film humaniste, « Sparring » suit la course effrénée d’un boxeur en fin de carrière qui refuse de raccrocher les gants. A l’image du Havre, qui lui sert de décor brut, ce premier film de Samuel Jouy est un portrait sensible réalisé avec style.

A 45 ans, Steve Landry (Mathieu Kassovitz) est soucieux de ne pas passer à côté de sa vie. Père aimant, mari présent, il est dominé par deux passions : sa famille et la boxe. Sensible à l’intérêt naissant de sa fille pour le piano, il se convainc qu’elle a la vocation pouvant la mener à la carrière d’une virtuose. On le découvre face à la caméra, l’œil interrogateur, scrutant avec attention sa petite faisant ses games, le professeur l’extirpe de son rêve lui rappelant qu’il lui doit déjà plusieurs leçons. Tiraillé par le manque d’argent et la furieuse envie d’offrir un piano à sa fille, il se fixe l’objectif d’y parvenir.
A l’affût de tout ce qui se trame autour de la boxe, toujours animé par la volonté d’améliorer la vie de sa famille, Steve, capte l’attention d’un entraîneur (Lyes Salem) en quête de sparring-partner, non pas pour ses performances, il a perdu plus de matchs qu’il en a gagnés mais par sa force de persuasion. Il va encaisser des coups pour entraîner un champion, Tarek M’Bareck (Souleyman M’Baye, boxeur professionnel).

Pour Steve, ce contrat sonne comme une première victoire. Qu’il ne manque pas de fêter avec sa fidèle partenaire, sa femme, Monique, (la pétillante Olivia Merilahti, du groupe The Do). Si elle est persuadée que son mari a signé pour être réduit en bouillie, Steve, buté, obstiné, y croit dur comme fer. Il glisse ses ambitions de boxeur déchu sur sa fille dans un gant de velours, comme la caméra de Samuel Jouy qui filme au plus sobre et avec élégance, un autre personnage phare de « Sparring » : le ring. Il imprime sans cesse nos rétines et les battements d’ailes de Steve, tel une phalène, prêt à se brûler contre la flamme d’une bougie.

Boxer au nom de la foi

En suivant l’élan de Steve, les mouvements de son corps las qui se dessine sous des muscles secs, la caméra, à fleur de vérité, s’immerge dans les vestiaires et y dévoile les rituels des boxeurs de l’ombre, leur fragilité et leur force. La narration polyphonique fait écho à une mise en scène charnelle illuminant l’espace : la lumière voilée normande, les coulisses feutrées du casino de Deauville, la plage, vaste terrain de liberté.
A partir de là, le héros aux prises avec son désir effréné de combat, accélère le rythme, quitte sa peau de perdant et se pose comme le fer de lance d’un déterminisme social dénué de misérabilisme. « C’est un film sur la transmission. Je voulais montrer des gens dignes, un peu en-dessous de la classe moyenne. Une famille qui s’aime et se serre les coudes. Désenchanté, Steve, est confronté au regard de sa fille, par générosité, il reste fort et ne prête pas le flanc à la morosité. J’aime l’idée de transmettre de l’espoir, le cinéma doit sublimer la réalité tout en lui étant fidèle», confie Samuel Jouy.

 

 

« Sparring » prend la forme d’un drame faussement anodin sur les rapports humains, le réalisateur a l’intelligence de ne pas juger ses personnages, chacun d’entre eux cherchant sa place : le champion de boxe, Tarek M’Bareck, devant reconquérir son titre, Steve, voulant regagner son rang sur le ring. S’il offre l’un de ses plus beaux rôles à Mathieu Kassovitz, qui porte le film avec une évidente aura dans un personnage à contre-emploi, boxeur fragile et rageur, Samuel Jouy n’a pas hésité à faire jouer des acteurs non professionnels : « j‘aime prendre des risques. J’ai beaucoup d’admiration pour l’art de l’acteur. Pour moi, il n’y a pas de comédiens professionnels, il existe de bons ou de mauvais acteurs. Souleymane M’Baye, vrai champion de boxe, a entraîné Mathieu Kassovitz au fil de plusieurs mois. J’ai auditionné de nombreux acteurs-boxeurs et j’ai finalement décidé de lui proposer de jouer. C’est un boxeur doté d’un rare style. Idem, pour Olivia Merilahti dont c’est le premier rôle à l’écran. J’avais envie de nouveaux visages, de donner une première chance à tous. Lorsque la production affichait les noms des acteurs que j’avais choisis avant le tournage, on lisait en majorité sur leurs fiches, sans agents ! » avoue-t-il.

Le cinéaste a de plus, évité l’écueil d’un énième récit qui retracerait l’ascension inattendue ou la déchéance avouée d’un boxeur en mal de succès. Le grain réaliste qui traverse les scènes au plus fort des entraînements comme les scènes de repas en famille, de la veine d’un Ken Loach, pétris d’humanité, souligne l’intention d’inscrire « Sparring » aux limites du film documentaire pour l’élever au rang de film de genre.

 

Sparring de Samuel Jouy
Avec Mathieu Kassovitz, Olivia Merilahti, Souleymane M’Baye

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