Jérémy Robert: la nouvelle garde littéraire qui vient

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Jérémy Robert est un jeune libraire avant tout passionné de littérature mais étonnamment atypique dans son parcours. Destiné à une carrière de médecin, le jeune libraire a tout arrêter pour bifurquer vers le métier de libraire alors qu’il rêvait de pratiquer la médecine en milieu hospitalier tout en lisant Moby Dick

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Il nous reçoit un matin dans la prestigieuse librairie Lamartine, située au coeur du très chic 16ème arrondissement, rue de la Pompe, au milieu des étals de romans et des bacs à BD. «  Je travaille depuis plus de trois ans à la librairie Lamartine. Suite à mon stage, Stanislas Rigot m’a proposé au bout de 6 mois de m’embaucher. Je vagabonde depuis entre la formation de libraire et bien entendu tout ce qu’il y autour de la librairie ».
Jérémy Robert, malgré son jeune âge et son style dandy parisien qu’il cultive avec son noeud papillon et ses élégantes lunettes, prend de plus en plus part aux responsabilités publiques que lui confient Stanislas Rigot au cours d’événements organisés par la librairie.
Jérémy Robert est tout autant passionné qu’ambitieux et caresse l’idée de devenir un jour un influenceur littéraire du Tout Paris à la façon de son boss, « Stanislas Rigot qui est un modèle à suivre » selon lui.
Vous l’aurez compris, impossible de passer à côté de Jérémy Robert si vous poussez  les portes de la libraire Lamartine. Il a déjà un style bien à lui, un discours passionné et une présence aérienne entre les amoncellements classieux de livres dans un écrin boisé.

« Mon parcours est particulier car, sans formation préalable, j’ai souhaité entrer dans le monde des livres et de l’édition. » Mais son amour éclectique des livres l’a entraîné vers la librairie « car je ne voulais pas me limiter à une ligne éditoriale d’une maison quelle qu’elle soit. Je souhaitais également avoir une vision globale de l’actualité littéraire et de son évolution. »

Grâce à son père, tout jeune, nait en lui l’amour de la littérature avec notamment la lecture de Roy Lewis « Pourquoi j’ai mangé mon père ». Ses lectures sont toujours suivies d’échanges avec ce paternel qui l’accompagne dans les découvertes littéraires. «  C’était le seul moment où j’avais le droit à toutes les questions et à toutes les idées. Ce fut mon apprentissage de la liberté de penser ».
Il a ensuite enchaîné les lectures, les auteurs et les oeuvres ; Johnatan Livingston, Ernest Hemingway, et Franz Kafka, qu’il considère « comme une révélation sur la philosophie grise. Mon père m’a très clairement ouvert l’esprit à d’autres littératures que la nôtre. Je me suis aussi totalement plongé dans l’oeuvre de Romain Gary que j’ai lue une année durant. »

Jérémy Robert n’oublie rien de ses premiers émois littéraires et essaie de les faire partager à sa clientèle la plus jeune « Je propose souvent Jack London car, à mon sens, à cet âge-là, on a très envie de partir et de voir ailleurs sans prendre conscience des difficultés de la vie. Alors je le recommande beaucoup. Pour les adolescents, Martin Eden est ma recommandation phare et incontournable. C’est un livre qui permet de comprendre que le savoir est la plus grande des armes. »

« Le savoir est la plus grande des armes »

Jérémy Robert nous avoue que l’environnement social propre au quartier procure à la librairie une clientèle privilégiée d’adolescents familiarisés à la lecture, poussée en ce sens par les parents. «  Nous sommes très souvent pourvoyeurs de lecture sur ce public adolescent. Grâce à mon jeune âge, j’entretiens une complicité avec eux et je suis en mesure de leur proposer un panel de livres assez large ».

Lorsqu’on demande à Jérémy Robert de nous définir le métier de libraire, il pose un regard pragmatique sur un écosystème culturel qui souffre de plus en plus « Etre libraire, malgré ce que l’on peut dire, reste un métier de vendeur. Néanmoins, nous vendons ce que nous aimons, ce qui représente une différence importante avec l’acte standard de la vente. Pour ma part, je ne conseille jamais de livres que je n’ai pas aimés. Je ne suis pas du tout objectivé sur mes ventes ni en terme de chiffre d’affaires, ni en terme d’auteurs qu’il faudrait mettre en avant. Je suis tout à fait libre de ce côté-là. »

La sélection littéraire de Jérémy Robert

 

A la lumière de sa passion des livres qui transparait chez lui, Jérémy Robert s’accorde à dire qu’il est un libraire de passion qui tente de la transmettre à chacun de ses clients «  Je suis dans l’émotivité pour le livre. Je vends pas l’histoire d’un livre mais je vends à quel point je l’ai aimé, ce qui est tout à fait différent comme approche. Je peux consacrer 10 heures de lecture un dimanche pour terminer un livre que je recommanderai dès le lundi ».

« Je peux consacrer 10 heures de lecture un dimanche pour terminer un livre que je recommanderai dès le lundi »

Lorsqu’on lui pose la question de la fidélisation des clients chez Lamartine, Jérémy Robert met en avant son jeune âge mais s’empresse de nous glisser que sa meilleure stratégie reste son amour indéfectible pour la transmission littéraire et sa passion pour les auteurs. «  Les clients les plus fidèles ne sont pas forcément les plus assidus mais lorsqu’ils poussent les portes de la librairie, ils sont en demande de conseils et de sélection. Même si je n’ai pas l’aura fascinante de Stanislas Rigot, je peux compter sur un petit fan club de clients qui viennent me voir pour choisir leur prochain livre. C’est assez agréable d’avoir cet échange avec les lecteurs. »

Jérémy Robert nous confie qu’il perçoit une nouvelle appétence du public pour la lecture et les livres en général « Contrairement à ma génération de trentenaires qui a délaissée le livre,  cette nouvelle et jeune génération qui surfe sur internet s’est aperçue que l’ennui était aussi sur la Toile. Et j’ai l’impression qu’il y a un retour enthousiaste vers les livres notamment sur Percy Jackson ou encore Robert Muchamore. Par contre, ils sont très directs dans leur approche. S’ils n’aiment pas, il n’y a rien à faire. Les adolescents sont cashs. Par ailleurs, chez les adultes, 80 % des ventes sont faites sur les effets de mode et des grands thèmes sur l’actualité. C’est très clair. »

Jérémy Robert concède aussi que des émissions comme « On n’est pas couché » de Laurent Ruquier ou « la Grande Librairie » de François Busnel ainsi que la radio sur certaines émissions sont extrêmement prescriptrices d’achats de livres. «  On n’est pas couché » de Laurent Ruquier génère le buzz et les gens y sont assez sensibles » poursuit-il tout en regrettant néanmoins que les médias donnent aux téléspectateurs et aux auditeurs des sujets qu’ils plébiscitent alors qu’ils devraient justement « élever le débat ».

Concernant l’actualité littéraire, Jérémy Robert l’analyse comme un mécanisme cyclique qui répond à des enjeux d’actualités mais également des effets de succès sur un auteur. «  Quand Sapiens est paru, il a connu un grand succès. Suite à cela, une ribambelle d’ouvrages dans la même veine, durs, exigeants et peu accessibles au plus grand nombre, a été publiée. »

Le jeune libraire Jérémy Robert devrait faire parler de lui dans les mois à venir. Et gageons que sa passion des livres et sa capacité à fédérer de nouveaux lecteurs soient ses meilleurs atouts pour lui ouvrir la voie à une ascension fulgurante dans le monde littéraire. Augustin Trapenard n’a qu’à bien se tenir.

 

La sélection de livres de Jérémy Robert:

« Un jardin de sable » de Earl Thompson
Le livre de Earl Thompson raconte les USA sous la présidence de Roosevelt.
C’est une plongée dans les bas-fonds du Kansas avec en toile de fond le rêve américain avec Jacky. Né dans une famille pauvre et délaissé par sa mère, le lecteur le verra grandir au milieu des prostituées et des clochards. Un ouvrage fort qui traite de la triste réalité de la plupart des Américains.

Un Jardin de sable
d’Earl Thompson (Editions Monsieur Toussaint Louverture)
Traduit de l’anglais (États-Unis)
par Jean-Charles Khalifa
Préface de Donald Ray Pollock
832 pages – 24,50 euros

 

« Le Mystère Croatoan » de José Carlos Somoza
Cet auteur a pour habitude de mélanger plusieurs style littéraires dans ses ouvrages. Encore une fois, il ne déroge pas à cette règle. Dans son dernier livre, le lecteur voyage au coeur d’une Espagne réaliste au frontière du roman d’anticipation. La trame est saupoudrée de fantastique et d’enquêtes policière. Un roman complet a la plume si particulière que José Carlos Somoza maîtrise à la perfection.

« Le Mystère Croatoan » de José Carlos Somoza
Editions Actes Sud
Lettres hispaniques
Janvier, 2018 / 11,5 x 21,7 / 416 pages
traduit de l’espagnol par : Marianne Millon

 

« Dans les eaux du grand Nord » de Ian McGuire
Que se passe-t-il lorsque un équipage de baleinier dont tout les marins sont

hommes peu recommandables acceuille a leur bord un médecin au passé trouble ?
C’est ce que Ian McGuire va tenter d’élaborer dans cet ouvrage très rythmé et où la tension narrative ne retombe jamais. Un véritable page-turner

« Dans les eaux du grand Nord » De Ian McGuire
Traduit de l’anglais par Laurent Bury
Éditions 10/18
312 pages
17,90 €

 

« L homme qui savait la langue des serpents  » d’Andrus Kivirähk
Un coup de coeur extraordinaire pour cet ouvrage publié en 2013. Un livre imposant et difficile à résumer mais dans lequel on rentre avec une grande simplicité et qu’on termine avec regret. Le roman aborde l’histoire d’un petit village en marge de la grande ville en Estonie où certains individus parlent la langue des serpent, premier langage parler par l’homme et qui permet de communiquer avec les animaux. Cela se rapproche d’un conte pour adulte. Une grande aventure qui posent des questions quant à l’avènement de nouveaux savoirs qui remplacent les anciens avec une remarquable maitrise littéraire.
Andrus Kivirähk est un auteur à lire et à suivre de très près. Son dernier roman « Le papillon » est paru en janvier 2017 aux Editions Le Tripode.

« L homme qui savait la langue des serpents  » d’Andrus Kivirähk
440 pages – Editions Le Tripode
978-2-37055-005-7
Prix: 23,00 €
Parution: 17 janvier 2013

 

www.lamartine.fr

Jérémy Robert - Libraire Lamartine
Jérémy Robert – Libraire Lamartine ( crédit N.V )

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