PUTSCH a rencontré Albert dans les allées du Salon de la jeunesse de Montreuil. Albert est une revue destinée aux enfants de 8 à 13 ans qui propose une actualité large, tournée exclusivement vers les plus jeunes. Un format de 4 pages joliment agencé, des visuels, de la couleur et des couvertures réalisées à chaque numéro avec des illustrateurs différents. Un beau projet lancé par Valentin Mathé qui, après un licenciement, s’est plongé dans l’édition jeunesse avec la Poule qui pond. Tour d’horizon d’un petit journal illustré qui tient la route.
Valentin, à quand remonte votre histoire avec la littérature?
J’ai toujours aimé qu’on me raconte des histoires. Comme chez beaucoup d’enfants, mon père me lisait des albums jeunesse le soir. Parfois, je lisais seul, la nuit, à la lampe de poche sous la couette, pour que mes parents ne voient pas que je ne dormais pas. Pourtant, en tant que dyslexique, on m’a poussé à me tourner vers des études scientifiques et je suis devenu ingénieur en informatique. En 2014, j’ai quitté mon poste et j’ai alors souhaité me réorienter vers une profession plus culturelle : c’est là que j’ai décidé de monter ma propre maison d’édition d’albums jeunesse.
Et avec la presse?
J’aime qu’on me raconte des histoires, c’est valable aussi pour les informations. J’ai toujours aimé regarder le 20h, puis avec l’arrivée d’Internet, j’ai commencé à être un boulimique de l’info. J’adore ça ! Je ne fume pas, je ne bois pas beaucoup, mais je suis accro à France Info et à l’agrégateur d’info de Google. Je suis même allé jusqu’à vivre avec une journaliste !
Quel rôle doit jouer aujourd’hui l’édition jeunesse dans la construction et l’éducation des plus jeunes?
La lecture est un loisir. Pour moi, l’édition d’albums jeunesse doit suivre le même but que l’édition de livres pour adultes. Il faut avant tout passer un bon moment en lisant un livre, un magazine ou un journal. Si cela peut nous permettre, en plus, d’apprendre des choses, de prendre de la hauteur et de nous faire réfléchir, c’est encore mieux.
Quelle est la genèse de votre maison d’édition La poule qui pond ? Qu’est-ce qui se cache derrière le titre?
Suite à un licenciement économique, je me suis retrouvé au chômage. C’était l’occasion de changer de voie : j’avais envie d’un métier plus artistique. J’aime beaucoup l’idée de créer quelque chose et surtout d’accompagner des artistes sur des projets qui leur tiennent à cœur. Lorsque j’ai lancé La Poule qui pond, je pensais que cela durerait quelques mois, tout au plus une année. Je pensais devoir chercher à nouveau un poste dans l’informatique. Mais au final, le projet a marché ! 4 ans plus tard, je suis toujours là et j’adore mon métier.
Que vous a apporté le crowdfunding pour votre projet?
Très peu de banques (voire aucune) n’accepte d’accompagner financièrement le lancement d’un projet culturel. Pourtant, il me fallait une certaine somme pour démarrer : sur un album, il faut payer immédiatement l’imprimeur, l’auteur et l’illustrateur. Le financement participatif m’a permis d’organiser des préventes et de réunir la somme dont j’avais besoin pour ces dépenses. L’autre avantage du financement participatif est de communiquer autour du projet et de toucher toutes sortes de publics. Voir que des personnes qu’on ne connaît pas du tout nous suivent, participent financièrement et croient à notre projet, cela donne de l’énergie et pousse à aller au bout.
Quand avez-vous décidé de lancer Albert ? Et pourquoi ce nom, Albert?
L’idée est venue au cours de l’année 2015, mais c’est réellement fin 2015 que nous avons commencé à vraiment lancer le projet : nous avons sorti un premier numéro 0 en janvier 2016 et un deuxième en mars 2016. Le temps de réaliser une campagne de communication et de financement participatif au printemps 2016, nous étions prêts pour la sortie du premier numéro en septembre 2016.
Le nom Albert a été choisi en hommage à Albert Londres, l’un des plus grands journalistes et précurseur du grand reportage car il né à Vichy, tout près de chez nous (nous sommes à Clermont-Ferrand). Nous trouvions qu’un prénom était aussi une manière de créer une proximité avec le lecteur, d’en faire en quelque sorte un compagnon de route.
Quelle est votre ligne éditoriale et à qui s’adresse t-elle ? Combien comptez-vous de lecteurs et quel est le profil de vos abonné(e)s?
Nous nous adressons principalement aux enfants de 8 à 13 ans, c’est à dire à la tranche scolaire de fin de primaire et début du collège, un âge où l’on commence à comprendre que l’on est plus dans sa bulle et qu’il se passe des choses autour de soi. Par conséquent, c’est aussi une tranche d’âge où, on se pose beaucoup de questions : on essaie donc d’apporter un maximum de réponses sur un sujet donné.
Comme nous essayons d’adopter un ton neutre (contrairement à de nombreux journaux jeunesse), des adultes nous lisent aussi : soit parce qu’ils suivent de très loin l’actualité et trouvent qu’Albert apporte l’essentiel, soit parce que leurs propres enfants leur posent des questions. Ils peuvent ainsi trouver dans Albert des éléments de réponses.
Aujourd’hui, nous comptons environ 500 abonnés, dont une grande partie de particuliers. Pour le reste, nous sommes de plus en plus suivis par des écoles, des collèges et les médiathèques.
Vous mettez l’accent sur les couvertures différentes à chaque numéro. Comment sélectionnez-vous les illustrateurs ? Que doivent-ils apporter à Albert?
Au coup de cœur ! Au début, nous avons beaucoup fonctionné avec les illustrateurs de la maison d’édition qui ont acceptés de nous suivre dans ce projet un peu fou. Nous avons aussi reçu des books et recontacté les illustrateurs dont les travaux nous plaisaient. De plus en plus, nous allons chercher de nouveaux talents, que nous rencontrons soit dans les salons soit par l’intermédiaire des réseaux sociaux.
Nous avons choisi de confier ce travail à des illustrateurs jeunesse et non à des dessinateurs de presse, car nous voulions mettre l’accent sur un univers imaginaire, créé de toutes pièces par un illustrateur à partir des éléments réels de l’actualité. Ils doivent ainsi apporter leur vision d’un événement ou d’une situation particulière. Nous veillons simplement à ce que le dessin n’apporte pas de contresens par rapport aux faits. Pour le reste (technique utilisée, composition de l’image…), ils ont carte blanche.
Pourquoi avoir choisi un format 4 pages? Quels sont les grands thèmes abordés?
Le format de 4 grandes pages (A3) était selon nous le volume suffisant pour la cible que nous visions, car les enfants sont déjà beaucoup sollicités par ailleurs. Cela nous permet aussi, de notre côté, de cibler les sujets que nous estimons vraiment importants, sans avoir une multitude de petites brèves qui n’apportent pas grand chose à la compréhension d’un sujet.
Nous avons donc toujours deux articles (dont un décryptage en 5 questions/réponses) qui traitent de sujets de société, de culture, de politique, d’environnement… Puis un article sur l’actualité scientifique et un article sur un fait ou une personnalité historique dont la date coïncide avec la date de sortie du journal. Enfin, sur la dernière page, nous avons également 3 brèves internationales sur des événements qui se passent à l’étranger et 3 ou 4 brèves insolites, pour ne pas oublier que l’actualité a aussi un côté drôle ou étonnant.
Aujourd’hui, quel regard portez vous sur Albert depuis sa création?
Nous sommes ravis d’avoir pu fêter en septembre notre première année d’existence. C’était un pari fou de lancer ce projet et l’avoir rendu possible, ce qui nous rend fiers. Après, nous sommes surtout concentrés sur la suite !
Quels sont vos objectifs à moyen terme?
À moyen terme, notre objectif est de faire d’Albert non plus seulement un simple journal, mais un véritable outil d’éducation aux médias en milieu scolaire et familial. Nous avons déjà développé une application complémentaire de notre version papier, disponible gratuitement : celle-ci contient des fiches explicatives, une revue de presse, une vidéo de décryptage d’image de la Une… pour aller plus loin sur les sujets abordés dans chaque numéro.
Nous avons également pour projet de mettre en place une plateforme de tutoriels autour d’Albert, pour que des enseignants ou des animateurs puissent créer des ateliers ludiques et pédagogiques autour du journal, afin de promouvoir l’éducation aux médias, qui nous semble essentielle pour comprendre notre société actuelle.
Albert
Petit journal illustré
www.journal-albert.fr
La Poule qui pond
Maison d’édition jeunesse
lapoulequipond.fr