Jean-Bernard Pouy : un mode d’emploi de l’art d’allumer la mèche sans la vendre

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Jibé, n’a jamais souffert l’interdiction. Quand elle en prend plein les gencives, il jubile et le fait savoir, avec un style goguenard d’ananar. Les bons, ça ose tout.

Avec son sens aigu de l’anticipation, Jean-Bernard Pouy a épinglé les zadistes, bien avant qu’ils foutent une déculottée nantaise à un gouvernement dont l’art du rétropédalage rappelle les envolées de Chris Froome. Ceci se passe à Zavenghem, où Camille Destroit est allé soutenir quelques enragés qui refusaient de quitter des terres conquises de haute lutte pas finale. Il cultive surtout l’art d’être au mauvais endroit au mauvais moment et les bonnes récoltes se succèdent. Lors d’une bonne baston (sanglante selon les forces de l’ordre, hilarante selon les organisateurs). Camille voit se consumer le hangar qu’il avait transformé en hyperarsenal pour trublions bricoleurs. Même si l’usage du terme prête à sourire, c’est bien une rafle qui a permis aux cognes de mettre Camille en GAV (avis aux caves : la maison n’assure pas la traduction – si mécontents, écrire à la rédaction qui ne fera pas suivre). Pourtant, Destroit/Destroy n’a rien d’un Attila champêtre. Il aime les crapauds baveux, les salamandres aleikoum et frise la megasystole devant les seins d’Elsa Martinelli. Ah, les embellies pulmonaires… Le pauvre méconnaît les aisselles tropicales d’Anna Magnani. Il fond même à fonds perdu pour la fine Claire, une rousse qui s’en tamponne le corbillard. A défaut d’une invitation au voyage dans le gazon où va s’asseoir Eros, elle lui donnera le goût d’expéditions musclées, après qu’il ait décidé de donner sa maison à quelques compagnons de lutte. Vous lisez bien : don-ner. Ne pas confondre Cap’tain Camille et Jawad Bendaoud. Pouy réussit avec superbe une ode au sybaritisme ingénu, un mode d’emploi de l’art d’allumer la mèche sans la vendre. Diogène a enfin trouvé son fils spirituel. Cela valait la peine d’attendre.

« Ma zad », Jean-Bernard Pouy, série noire Gallimard, 18 euros

( Crédit photo – F.Mantovani ©Editions_Gallimard )

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