Hoc,ou le Nez : une pièce qui dérange

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Par Eloise Bouchet – Publiée pour la première fois en 1835 dans la revue littéraire Le Contemporain, la nouvelle fantastique de Gogol, « Le Nez », raconte l’histoire d’un homme qui perd mystérieusement son nez et qui part à sa recherche. Peinture de la société pétersbourgeoise du XIXème siècle et de ses travers, Le Nez offre également une réflexion philosophique sur la place de l’homme dans la société.

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Dans son adaptation théâtrale, le metteur en scène Julien le Pocher crée un univers intrigant pour nous raconter l’histoire d’une perte symbolique. Lumière feutrée, brouillard, ombres inquiétantes. Visages masqués, déshumanisés, monstrueux. Costumes dans les tons beiges. Les étranges personnages de Hoc ou le Nez forment un chœur, une masse indistincte qui ânonne, d’une voix mécanique, l’histoire de Platon Kovaliov, petit fonctionnaire, qui, un matin, s’aperçoit qu’il a perdu son nez.

Ce que Kovaliov perd n’est pas matérialisé par un nez mais par une cagoule, celle que tous les autres personnages arborent. Le mot (le signifiant) n’est pas la chose (le signifié), et l’écart souligne d’emblée l’absurde de l’histoire, tout en favorisant la distanciation chère au metteur en scène. Kovaliov n’a pas de masque : il est nu, face à lui-même. Refusant toute individuation, il part en quête de ce nez et se heurte à l’administration, grande machinerie qui broie, et à des individus qui en sont les marionnettes conformistes et impitoyables.

Hoc, ou le Nez de Julien Le Pocher : une pièce qui dérange

Dans cette pièce, tout est fait pour nous mettre mal à l’aise : on a envie d’enrayer le système, de dire stop. Mais on se tait, on est au théâtre. D’ailleurs, le metteur en scène nous le rappelle sans cesse, privilégiant une mise en scène brechtienne qui empêche toute illusion référentielle, et qui favorise l’esprit critique et analytique du spectateur. L’articulation exagérée du chœur, sa narration « sursignifiante », les nombreux effets de recul, font obstacle à toute identification et freine parfois la plongée dans l’histoire. Le pari est réussi : la pièce dérange, fait réfléchir.

A propos de Brecht, Barthes écrivait dans ses Essais critiques qu’il faut « marquer l’accord de sa pensée avec les grands thèmes progressistes de notre époque : à savoir que les maux des hommes sont entre les mains des hommes eux-mêmes». De la Russie du 19ème siècle à la France d’aujourd’hui, Hoc, ou le nez est une pièce universelle et atemporelle qui amène à réfléchir sur la place de l’individu pris dans la masse de la société. Jouée par d’excellents comédiens, cette pièce conceptuelle présente de nombreuses qualités, mais manque, d’un certain point de vue, de modernité. Dans tous les cas, elle ne laisse pas indifférent.

Hoc, ou le Nez
D’après Nikolaï Gogol,
Adaptation, mise en scène et scénographie: Julien Le Pocher
Avec Mélanie Segura, Chloé Vannet, Thomas Lapen, Bastien Telmon et Olivier Troyon
Régie: Marilyn Etienne-Bon
Chorégraphie: Sylvie Cavé
Création lumière: Marilyn Etienne-Bon et Julien Le Pocher.

Durée 1H30

La Folie Théâtre – 6 rue de la Folie Méricourt – 75011 Paris

Du 16 novembre 2017 au 28 janvier 2018, jeudi à 19h30 – samedi à 18h et dimanche à 16h30.
Relâches les 24 et 31 décembre 2017
Représentations scolaires supplémentaires prévues en semaine.
Tarif scolaire : 10€ par élève et 1 invitation pour 1 accompagnant pour 10 élèves.
Merci de nous contacter au 01 43 55 14 80 pour toute demande.

Spectacle éligible aux P’tits Molières 2018

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